Considérée comme l’une des plus belles villes coloniales d’Amérique centrale, Granada est la deuxième métropole du Nicaragua après Managua. Un trésor culturel et historique soigneusement préservé par ses habitants.

Située en bordure du Pacifique, à l’ouest du pays, la cité coloniale aux accents hispaniques se laisse découvrir lentement au rythme du trot des chevaux tirant des calèches dont les roues en bois résonnent sur les pavés anciens. Un moyen de transport qui s’harmonise avec l’architecture faite de maisons coloniales aux façades rouges et vertes et aux placettes flanquées d’églises baroques jaune canari ou blanchies à la chaux. Leurs clochers élevés offrent généralement un superbe panorama sur les environs. L’ambiance est conviviale car, même si le tourisme est en augmentation, le Nicaragua n’est pas encore une destination de vacances très courue. La curiosité et l’accueil de la population n’en est que plus sincère.

GOURMANDISES À CENTRAL PARK

À partir de midi, les Nicos, sobriquet donné à la population de Granada, se dirigent vers le parc Colon, mieux connu sous le nom de Central Park. Son point commun avec son cousin new-yorkais ? Être un agréable lieu de flânerie. Situé non loin du palais municipal et de la cathédrale, les marchands ambulants – vendeurs de granités colorés, de portions de fruits exotiques, de tortillas ou de riz collant et haricots rouges – y installent leurs étals à l’ombre des arbres centenaires. Pour se restaurer, on peut aussi opter pour les fritangas, des fritures, ou les nacatamales, entremets favoris des petits déjeuners dominicaux, confectionnés à partir de pâte de maïs fourrée de porc ou de poulet, de tomates, de riz ou de pommes de terre, enrobés dans une feuille de bananier pour une cuisson à la vapeur et parfumée. Au-dessus des têtes, il y a parfois des promeneurs, des ocelots, ces chats sauvages dont la fourrure évoque celle des panthères, déambulant dans les arbres. Dans les rues adjacentes du parc Colon, les riverains ont sorti leurs chaises en plastique pour observer le théâtre de rue qui défile sous leurs yeux. Amoureux à bicyclette, gamin installé sur un ancien siège de coiffeur pour un rafraîchissement de sa coupe, micro-magasins tapissés d’une myriade d’objets, forment un joyeux brouhaha.

Le marché de Masaya est tout aussi haut en couleurs avec ses étals de mangues, papayes, bananes et fruits exotiques, aux effluves sucrés et gourmands. Tee-shirts, casseroles, mini-radios prêtes à diffuser du foot, et autres biens de première nécessité attirent du monde. Une joyeuse cacophonie dans laquelle il fait bon se perdre. Dans la foule, mille et une physionomies se croisent. De nombreux habitants de Granada descendent des Diarianes, ces guerriers et artistes appartenant au groupe des Chorotegas, célèbres pour leurs connaissances en astronomie, en botanique, en médecine et leurs activités commerciales.

HISTOIRE D’EAU ET DE PIRATES

Granada fut fondée sur un village indien en 1524, par le conquistador espagnol Hernández de Córdoba, parti explorer le Rio San Juan. L’importance du fleuve et du lac voisin a permis à Granada de se développer et de devenir rapidement une cité portuaire importante, une ville-pivot facilitant l’assaut de la côte caraïbe et de la région, via ses voies navigables et sa proximité avec l’océan Pacifique. Une proximité qui causa aussi sa perte. Du XVIIe au XIXe siècles, Granada subit maints assauts des pirates et fut même quasiment détruite en 1855 par le flibustier américain William Walker. Sa reconstruction comme capitale du pays, dans la seconde moitié du XIXe siècle, lui rendit pourtant tout son faste. On comprend que l’écrivaine espagnole Emilia Serrano Garcia de Tornel, connue sous le nom de baronne de Wilson, lui décerna, en 1880, le surnom de  » Grande Sultane « . En 1995, la ville fut d’ailleurs déclarée patrimoine culturel et historique du Nicaragua.

Située à une cinquantaine de kilomètres des plus belles plages du Pacifique, l’ancienne capitale a aussi un accès au lac Nicaragua, qui donne son nom au pays. En langue indienne nahua, Nic-atl-nahuac signifie  » Ici, près de l’eau « . Cette étendue d’eau que l’on appelle aussi  » mer douce  » ou Cocibolca, le second plus grand lac du continent sud-américain, est considéré comme l’un des plus beaux du monde. Ourlé de plages de sable argenté, léché par des vagues chaudes, il donne à ceux qui le découvrent le sentiment d’être en bord de mer. Autrefois, on y trouvait même des requins bouledogue capables de remonter fleuves et rivières. Les Nicos, ne les ayant plus vus depuis longtemps, pensent qu’ils se sont réfugiés dans les eaux profondes tout près de l’île de Solentiname.

À L’OMBRE DES VOLCANS

Le grand attrait du lac Nicaragua : ses 130 îles réparties sur 9 000 km2. Au milieu de ce lac magnifique, il y a Ometepe, avec ses deux volcans jumeaux, Conception et Maderas, dont les flancs drainent les amateurs de trekkings. On y retrouve aussi des traces de civilisation précolombienne. À 3 km seulement de Granada, zoom sur la vie sauvage. Une balade en kayak nous emmène dans le dédale des islestas, soit quelque 350 îlots de pêcheurs, lieu privilégié pour l’observation ornithologique. Ici, on peut épier des martins-pêcheurs ou encore de gracieuses aigrettes blanches. Un beau ballet aérien dont on ne se lasse pas. Guère étonnant que ce petit paradis tropical soit aussi très convoité par des millionnaires qui n’hésitent pas à acquérir des îles tout entières.

Autre splendeur naturelle de la région : le Parc national du volcan Masaya, flanqué de cinq cratères. En langue indigène, on l’appelle popogatepe, la  » montagne qui fait du bruit « , car son activité gazeuse et la lave bouillante du fond de la marmite frémissent dans un véritable fracas. Pour les Indiens, il s’agissait d’une manifestation de colère des dieux, auxquels il fallait offrir des sacrifices humains pour les calmer. Aujourd’hui, certains voyageurs font don de leur sueur, en randonnant au sein de cet espace naturel balisé par vingt kilomètres de chemins pittoresques. Coyotes, chats sauvages, singes, iguanes se partagent le terrain avec des vautours, planant au sommet des cratères.

PAR SANDRA EVRARD

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