Dans son restaurant Peï & Meï, à Bruxelles, Gauthier De Baere renoue avec l’efficacité d’une cuisine naturellement gourmande. L’évidence gastronomique même.

Depuis décembre dernier, Bruxelles compte une nouvelle adresse qui fait accourir les connaisseurs. Un peu plus de trois mois ont suffi à en faire un rendez-vous prisé, complet aussi bien le midi – un lunch imparable à 19 euros – que le soir. Logé dans une vieille maison à deux pas du Sablon, Peï & Meï respire la spontanéité et l’enthousiasme du jeune couple dont ce lieu incarne le souhait le plus cher… devenu réalité. Le  » peï « , c’est Gauthier De Baere, chef de 37 ans plein de caractère. La  » meï « , Mélissa Triantopoulos, fille du fameux Evan Triantopoulos, connu pour son Gril aux Herbes, à Wemmel, mais également réputé pour un concept de tapas haut de gamme ayant eu son heure de gloire avec l’enseigne bruxelloise Le Fourneau. La pomme gastronomique ne tombe jamais loin de l’arbre.

Ensemble, Gauthier et Mélissa signent un projet personnel qui épate par une maîtrise affichée dès les premières assiettes. La décoration ? Elle porte la patte de la seconde, initiée aux règles de l’esthétique par une formation de photographe. Celle-ci prend place dans un lieu tout en longueur que scande un mobilier épuré de bois clair glané chez Artiosi. Une longue banquette en tissu, des murs de briques brutes, des luminaires soignés, une table haute… tout cela converge vers le coeur du restaurant, soit une cuisine ouverte carrelée de noir. Si l’oeil qui se promène peut être déçu par le plafond de bric et de broc, il reste qu’il témoigne d’un projet à taille humaine, celui d’un jeune couple sur lequel les euros n’ont pas coulé à flots. Le tout peut s’avancer sous l’étiquette  » scandinave DIY  » qui cerne bien l’esprit des lieux.

BAD BOY ?

En revanche, aucune  » Nordic touch  » ne s’échappe des fourneaux. A l’heure où nombreux sont les chefs qui font ressembler leurs compositions à des jardins zen ou à des landes danoises, Gauthier De Baere va son chemin tout seul. Fidèle en cela à son parcours qui l’a mené à être, pendant plusieurs années, le second d’Alain Troubat au Trèfle à 4, à Genval. Athlétique, l’homme en impose avec son crâne rasé et son oeil sévère.  » Je sais, je fais un peu peur, en plus je ne souris pas souvent « , concède celui à qui l’on a envie de donner du  » oui, chef « . Pourtant, il affiche un naturel simple, davantage  » Marolles  » que  » Sablon « . Une fois franchi le voile de l’apparence et enlevé le masque du bad boy, Gauthier De Baere s’avère d’une grande douceur, même si sa capacité de résistance est bien réelle.  » Je pense être le seul à être resté cinq ans et demi aux côtés d’une personnalité comme celle de Troubat… Comme je suis passé par les para-commandos, cela ne m’a jamais effrayé, au contraire ça m’a amusé. N’empêche, il a beau être dur, Alain Troubat est génial. Il y a certaines préparations qu’il est le seul à savoir faire. Il m’a tout appris « , commente De Baere.

De ce grand nom qui a marqué toute une génération de foodies, Gauthier De Baere a gardé l’incroyable gourmandise et efficacité des plats. Ce propos détonne dans le paysage gastronomique actuel qui privilégie l’intellectuel au juteux, l’approche  » art et essai  » à l’instinct. Cette caractéristique en fait un  » guerilla chef  » qui résiste aux conventions et aux conformismes du goût du jour.  » Je me suis rendu il y a quelque temps au Oud Sluis de Sergio Herman, je dois avouer que face à une lamelle de pigeonneau de Racan entourée de quinze garnitures différentes, je ne trouve pas mes repères… même si je ne peux que saluer un tel travail qui mérite le respect.  » La foi du chef de Peï & Meï – un nom qui témoigne de l’amour de Mélissa Triantopoulos pour sa ville ainsi qu’une absence d’ego commune au tandem – est celui du produit et de la fraîcheur. La qualité des produits justement est à chercher dans une palette de fournisseurs hors pair, tels que L’Art et le Goût, à Bruxelles, la poissonnerie Triton à Wemmel, et, chez nos voisins français, Bruno Sud-Ouest et la Maison Montauzer pour son boudin basque de légende. La fraîcheur, quant à elle, est le fruit d’un travail acharné et ingrat puisqu’il se fait en amont du service.  » Nous ne sommes que deux en cuisine, chaque jour nous arrivons à 8 h 30 pour éplucher, tailler, découper…  » explique Gauthier De Baere. A ses côtés, Safyan Muhammad, fidèle lieutenant de 23 ans, originaire du Pakistan, qui assiste le chef avec calme et constance. Comme le confirment les recettes livrées en exclusivité au Vif Weekend, la cuisine de Gauthier De Baere a ceci de particulier qu’elle n’a pas besoin d’être savante pour imprimer les papilles durablement. A l’instar de Nietzsche qui tançait les philosophes qui  » troublent leurs eaux pour faire croire qu’elles sont profondes « , le jeune homme sait que le bon goût n’aime pas la prise de tête. Oppositions tranchées et compositions franches, telle est la langue qu’il entend. Sans oublier que cette cuisine limpide est servie par des vins d’auteur choisis avec soin par Mélissa Triantopoulos qui, elle aussi, connaît les bonnes adresses : La Buena Vida, à Mol, ou, dans la capitale, Basin & Marot et Canette pour les flacons issus des terroirs grecs.

15, rue de Rollebeek, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 880 53 39. www.peietmei.be Ouvert de midi à 14 h 30 et de 19 à 22 heures, fermé lundi et dimanche soir.

PAR MICHEL VERLINDEN / PHOTOS : FRÉDÉRIC RAEVENS

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