Avec Rive droite, sur Paris Première, l’animateur a fait de son appartement le plus chic plateau télé. Ses dîners ont pour toile de fond sa collection d’art contemporain plutôt pop-rock. Visite privée.

Costume impeccable, voix grave caressante, il ouvre délicatement la porte en parfait majordome. Guillaume Durand sait recevoir. Tellement bien qu’il en a fait le principe de Rive droite, son émission, depuis septembre 2011, sur Paris Première (une chaîne de télévision généraliste française privée, à péage, appartenant au groupe M6). Tous les mercredis, l’animateur le plus dandy du PAF organise chez lui des dîners qui rassemblent aussi bien des historiens que des artistes, des journalistes, des humoristes ou des flics. En guise de studio télé, l’homme prête son appartement haussmannien de 400 mètres carrés au pied du pont de l’Alma.

Tous les mercredis, 15 personnes, et plusieurs caméras, s’activent autour de la table des convives qui semblent bavasser en toute intimité. En toile de fond, la tour Eiffel plein cadre et une flopée d’£uvres d’art, dont une sculpture jaune Walt Disney de Bertrand Lavier, une silhouette de Xavier Veilhan, un Rêvez ! en néons de Claude Lévêque prêté par son ami Kamel (Mennour). Et, clou du spectacle, une immense toile rouge comme lacérée de jets de peinture qui donne un ton résolument rock à la cène. L’opus est signé Rosson Crow, Texane de 29 ans qui vit à New York, considérée comme la  » nouvelle Jackson Pollock « , dixit Durand.

L’homme parle en expert. Son appartement est un petit musée d’art contemporain en lui-même. Dès l’entrée, les toiles et les photos grand format squattent les murs blancs. Rapide tour des cimaises : dans le salon, le ton est ouvertement pop-rock. Une blonde façon poupée Barbie, peinte par deux jeunes signatures du moment, Ida Tursic et Wilfried Mille, nous dévisage, à côté trône un immense portrait noir et blanc de Keith Richards signé Peter Lindbergh – cadeau du photographe au journaliste fan absolu des Rolling Stones. Au-dessus du piano, une lithographie de Francis Bacon dont on apprendra que l’original est chez Sylvester Stallone ; au-dessus de la cheminée, une toile de Peter Halley, dans le bureau, une installation de Daniel Buren, un petit Claude Viallat, une nature morte de Valérie Belin…

La liste ne s’arrête pas là, mais l’inventaire pourrait se révéler fastidieux. Une chose est sûre : le contraste entre les £uvres et les moulures, le parquet, les arrondis des volumes fonctionne à merveille. Il l’avoue sans fard :  » Cet appartement, c’est un décor de cinéma. On est ici entre Le Guépard de Visconti et un Woody Allen.  » Il a beau y vivre depuis deux ans avec sa femme, Diane de Mac Mahon (ex-épouse de Frédéric Beigbeder), et leurs deux enfants, il continue de se pincer, chaque matin, en saluant la dame de fer. Il confie même avoir installé une banquette près d’une fenêtre côté Seine pour pouvoir profiter de la vue sur le monument.  » Construit l’année de naissance de ma grand-mère, il a été vomi par tous les intellos de l’époque, seul Victor Hugo y est monté et n’a pas hurlé « , rappelle-t-il. Entre-temps, la tour est devenue la fierté des Parisiens et l’image la plus cliché de la ville. Un cliché que Guillaume Durand dit adorer et assumer totalement, en glissant, au passage, son amitié avec Philippe et sa s£ur Virginie Coupérie (ex-madame Julien Clerc), les descendants de Gustave… Eiffel.

Il est comme ça, Guillaume Durand. Il namedroppe à tout-va et assume d’où il vient, ce qu’il est devenu. Un mondain de la rive droite (côté Triangle d’or), collectionneur d’art, ami des artistes et des people de la terre entière. Mais aussi journaliste tout-terrain, interviewer de talent.  » Certes, j’ai tout l’apanage du mondain, la collection d’art, la femme ravissante, mais je suis le seul de mon espèce à me lever tous les jours à 5 heures du matin depuis trois ans « … pour prendre le micro sur Radio Classique, où il tient les rênes de l’interview politique. Toute sa vie, il a entendu la rengaine du fils de famille qui n’a pas besoin de travailler.  » L’art est toujours perçu comme un truc de bourgeois mondain qui a du pognon, dit-il. Collectionner, c’est soit une dérive de l’argent, soit de la mondanité, les gens n’arrivent pas à imaginer que ça puisse être une passion pure, pourtant, moi, la peinture me bouleverse. « 

Et l’animateur d’ajouter :  » L’enfance est un destin, scandait Rilke.  » De fait, en cinquante-neuf ans d’existence, on ne peut pas dire que ce pilier du PAF se soit beaucoup éloigné de ses origines. Il est né à Boulogne-Billancourt, a passé son enfance à traverser le Champ-de-Mars, où vivent toujours ses parents, Lucien et Nicole Durand, deux pionniers de l’art contemporain en France dans les années 60, qui lui ont naturellement inoculé le virus du collectionneur.  » Cela semble normal aujourd’hui, mais, à l’époque, les copains de classe qui venaient chez moi et découvraient les toiles d’art abstrait prenaient mes parents pour des fous. « 

À 13 ans, Guillaume fantasme sur le Londres des sixties que Roman (Polanski), son voisin, lui a raconté. Dans les années 70-80, comme beaucoup, il rêve d’une vie à New York,  » au moment où on sentait le danger dans la ville, la nuit, rien à voir avec la gentrification actuelle « . Finalement, il sera resté fidèle à Paris,  » tout aussi bobo et plus si fêtard, mais ça va avec mon âge, les Bains, le Palace, j’ai donné « . Il est d’abord passé du VIIe au XIIIe arrondissement, puis du XVIe côté Ranelagh au VIIIe version années 2000. Plutôt bling-bling.  » Entre les boutiques de luxe, les bars, les boîtes comme le Baron, le quartier est devenu super à la mode, rien à voir avec le désert qui régnait ici quand j’ai commencé à Europe 1. « 

Aujourd’hui, il dit se sentir  » un peu comme un Américain à Paris « , presque touriste dans sa propre maison dont il n’est que l’heureux locataire. Car, plutôt que d’investir dans la pierre, Guillaume Durand a toujours fait le choix des tableaux. L’enfance est un destin, disait-on… Et  » comme tous les collectionneurs enragés, j’ai beaucoup acheté, beaucoup perdu « . D’ailleurs, il ne s’est toujours pas remis des Warhol qu’il a bêtement lâchés à 500 000 francs  » pour croûter « . Idem pour quelques dessins de Basquiat, perdus à jamais. Au moment de son divorce avec sa première femme, un de ses tableaux fétiches de Jacques Monory – un homme tenant un flingue – s’est retrouvé sur les murs d’un autre. Ça l’a rendu hystérique. Aujourd’hui, il peut passer des heures à gloser sur Les Demoiselles d’Avignon -son  » tableau préféré au monde « , dont il s’est fait faire une copie en photo numérique par un ancien décorateur de France 2 -, mais aussi sur la touche Van Gogh, le travail de Bertrand Lavier, les photos à scandale d’Andres Serrano.

Y aurait-il chez lui un soupçon d’artiste frustré ? Il assure le contraire, mais admet que les journalistes comme les collectionneurs vivent un peu par procuration.  » Et puis, ce n’est pas pareil de mourir entouré de croûtes que de toiles de Bacon.  » On est dandy ou on ne l’est pas… Que pensent ses convives de Rive droite de ses penchants artistiques ? Etonnamment, pas grand-chose.  » Il n’y a guère que Chantal Jouanno et René Frydman que j’ai sentis intrigués. Même les gangsters et les patrons de la Brigade de répression du banditisme que j’ai reçus au Dîner flics ou voyous ont montré plus d’intérêt que des branchés type Nicolas Bedos.  »

Il vit comme un échec de ne pas avoir réussi à créer une émission sur l’art à la télé, lui qui a toujours pesté contre la glorification d’un Jean d’Ormesson, contre le génie non reconnu d’un Daniel Buren. Quant à évoquer la question de l’art contemporain,  » ce serait brouiller la conversation et les gens ont besoin d’un sujet unique, sinon ils décrochent, en ce moment il n’y a que la fiction et la politique qui les intéressent « . D’ailleurs, depuis janvier dernier, ses sauteries ont pour cap l’Elysée 2012. Guillaume Durand adorerait recevoir Ségolène Royal,  » mais avec peu d’invités à ses côtés, car c’est elle qu’on a envie d’entendre « . L’occasion de voir qui, du décor arty ou de l’ex-candidate déçue, saura, passé 23 heures, tenir les téléspectateurs en éveil.

PAR MARION VIGNAL

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