Des parquets aux catwalks, les baskets ont fait le pas… Et les trottoirs défilent sous les  » tennis « . Au panthéon de la All Star pour l’année 2001, un seul credo : sur les pavés, la mode!

 » Pas de baskets à l’intérieur… » La phrase fétiche et assassine des portiers n’a plus cours. C’est en tout cas ce qu’assurent, devant la porte à tambour de l’hôtel Hilton à Bruxelles, 2 mètres d’avis autorisé en flanelle grise et haut de forme. Un collègue ajoute qu’il a vu récemment  » du beau monde en smoking et baskets « … La chaussure de sport aurait-elle acquis ses lettres de noblesse? Elle semble être, quoi qu’il en soit, le plus petit dénominateur commun aux modes du millénaire naissant.

Depuis dix ans, la New-Yorkaise chiffonne son tailleur de sièges de taxi en banquettes de métro, les baskets aux pieds et les talons en bandoulière. Après avoir prouvé leurs performances au service des dieux du stade, les chaussures de sport se sont donc attaquées au marathon urbain. Florence Müller, auteur du livre  » Baskets  » (aux Editions du Regard) rappelle, par ailleurs, que la tendance ne date pas d’hier et que déjà dans les années 1930,  » les stars de cinéma, Greta Garbo, Marlene Dietrich et Katharine Hepburn, en tête, ont pris le relais des champions dans l’idéalisation de l’élégance Sportswear « . Ainsi, la tennis (le terme fait sourire) ne serait-elle qu’un accessoire classique du  » métro, boulot… « ? Juste un véhicule urbain, confortable et pratique pour les longues journées de soldes. Outre un totem pour adolescent morose, un attribut de citadin hyperkinétique? Non! pas ! plus !  » Le phénomène baskets est tout autre et s’inscrit avec force dans une mouvance nouvelle, souligne Florence Müller. Bien sûr, on portait des chaussures de sport à d’autres occasions que le footing dominical. On s’autorisait la basket pour les jours de relâche, quitte à frôler la caricature du beauf en tennis blanches « !

Pour 2001, c’est autre chose. La basket se fait hybride et assume un rôle de chaussure à part entière : richesse des matériaux, élégance de la coupe. C’est probablement le domaine dans lequel l’industrie de la chaussure, alliant technologie et style, s’investit le plus, se renouvelle sans cesse. Depuis la classique  » Quick  » de la maison Hermès jusqu’à la toute dernière Nike, la  » pompe  » de sport s’est faite couture en un exercice de style alliant forme et contenu. Et c’est dans une optique de création suivie et de diversification effrénée que reines du Sportswear (Nike, Reebook, Adidas et consorts) et créateurs de mode arborent leurs collections printemps-été 2001. Variations libres sur thème imposé : la basket…

Life style

Chaussure stylée pour tout faire (ou ne rien faire du tout) : c’est la basket du XXIe siècle. Décliné à l’éclectique, ce qu’il convient d’appeler le  » jean du pied  » est tantôt  » mangeur de bitume « , tantôt chaussure de bal, mais toujours et définitivement accessoire de mode. Abolition de la différence entre tenue de ville et vêtements de loisir : le pays de la  » scarpa  » tient une fois encore un rôle de choix en la matière. Pour l’été, la société italienne Stonefly propose en France sa ligne  » Impronte « , composée de modèles design très structurés assurant néanmoins un confort maximal et une réduction de la fatigue grâce au procédé technique  » Energel « . Avec cette dernière innovation, Stonefly confirme son approche à la fois santé et mode de la chaussure destinée à une clientèle jeune et urbaine.

En lançant discrètement, il y a dix ans, via ses showrooms de Milan et New York, une collection sport, Gianni Versace avait été le précurseur de la tendance. La  » Maison « , pour reprendre l’appellation chère aux Milanais, propose pour l’été une collection sport recomposée par Donatella elle-même ainsi que des accessoires, dont une large gamme de chaussures.  » La collection Versace Sport vise les hommes et les femmes de 25 à 45 ans. Ces personnes actives ont besoin de vêtements multifonctions qui se prêtent à toutes les activités de la journée, aussi bien au bureau que pendant les moments de détente ou la pratique du sport « , explique Beate Jockemczyk, directrice du Marketing chez Versace.

Exit le diktat des podiums! C’est d’influences réciproques, d’interactions entre Couture et Street fashion qu’il est question. Le résultat : un hybride entre la chaussure et la basket qui n’a rien à envier ni à l’élégance de l’une ni au confort de l’autre. Plus qu’un phénomène de mode, c’est un véritable changement de mentalité qui s’opère. Les mocassins en cuir ou les talons hauts pour aller travailler seraient-ils les derniers vestiges du passé révolu?

Shoe’s victim ou chacun la sienne?

Chacun la sienne… Plutôt sobre, plutôt extravagante, mais de préférence différente de celle de son voisin, la basket, plus que jamais  » notion à contenu variable « , est l’élément fédérateur des différentes tendances. Elle est également le point de rencontre entre esthétique et bien-être; le concept porteur du moment.

Dans cette optique, Puma – qui se définit désormais comme  » une marque de sport alternative alliant les influences du sport et du lifestyle  » – lance, en collaboration avec l’ex-mannequin Christy Turlington, la ligne pour femmes  » Nuala « . D’après une idée originale de l’ancienne égérie des podiums et fruit d’une collaboration entre l’ex-mannequin et les designers de la marque au félin bondissant, la ligne  » Nuala  » se veut résolument  » zen  » et élégante. La confection des chaussures ayant par ailleurs été confiée à une usine italienne.  » Forte de mon expérience dans l’industrie de la mode, j’ai voulu créer une collection élégante et simple en accord avec ma passion pour le yoga « , commente Christy Turlington, qui a trouvé chez Puma un partenaire de choix. Selon elle, la ligne  » Nuala  » se définit comme une  » méditation en mouvement « .

Au printemps, le sigle Nike apparaîtra, quant à lui, sur  » la meilleure collection de vêtements, de chaussures et d’équipements pour dames jamais présentée par Nike « , assure le fabricant. Parmi les nouveautés attendues, l’Air Max Craze, version mode avec talon ouvert de la chaussure phare de la marque américaine. Pour les fashionistas, un  » porte-bonheur  » attaché à l’intérieur de chaque chaussure dans un endroit choisi au hasard ; un message bref et enthousiasmant tel que  » Passion  » ou encore  » Profitez de la vie « .

La demande est énorme, et l’offre ne cesse de croître : c’est à qui créera le mieux. Le  » phénomène basket  » ne se limite pas à une simple tendance Streetweat. Impensable il y a un an encore, des boutiques consacrées exclusivement à la reine basket ont ouvert leurs portes en Belgique. Et loin d’être des repaires pour sportifs avertis, ce sont de véritables magasins de chaussures.  » Je voulais faire quelque chose de neuf. Les magasins de sport classiques se réassortissent deux fois par an et se contentent d’écouler leurs stocks… Moi, je reçois chaque semaine de nouveaux modèles « , s’enorgueillit Maeva Blanchet. A 27 ans, Maeva est à l’origine des magasins Shoe’s victim.com implantés à Courtrai, Anvers et, depuis juin dernier, à Bruxelles.

Vitrine des marques Adidas, Nike et Puma, Shoe’s victim.com s’impose sur la place bruxelloise comme point de chute des aficionados de la basket. A l’intérieur, 300 modèles couvrent les murs faisant se côtoyer éditions limitées et dernières nouveautés. Prospectant de l’Italie jusqu’aux Etats-Unis en passant par la Grande-Bretagne et l’Espagne à la recherche de tendances à importer, Shoe’s victim.com fait figure de poisson-pilote du concept  » basket, chaussure de mode « .

Vintage ou futuriste?

Semelle de crêpe et profil seventies, la basket rétro tient le haut du pavé. Pour le printemps 2001, on revoit les classiques. L’allemand Puma propose, par exemple, sa ligne  » old school  » 3131 composée de survêtements et de chaussures de sport inspirées de collections d’époque. Alors que Reebook joue la carte du life style en couleur de continuité et présente pour l’été une collection  » classic  » à peine retouchée mais enrichie d’une noria de détails surprenants sur la semelle autour du logo. Simple et dénudée, la tennis originale séduit les adeptes du style vintage façon  » Starsky et Hutch « , à la recherche d’exclusivité et de look affirmé.

La boutique Strange, à Bruxelles, elle, est un must en matière de Sportswear rétro : survêtements racés, vestes, baskets, tout est là…  » Mes clients  » hommes et femmes ont 14 ou 40 ans; ils cherchent l’originalité et la qualité de modèles de la première heure, assure le patron de la boutique. Comme les Nike Air Force ou les célèbres Air Jordan. Le Japon se lance dans une chasse à la basket rétro, une véritable  » connection  » est en train d’être créée via le Net, les modèles s’échangent et s’achètent à prix d’or. « 

Distribués à partir de ce mois de février dans les magasins, les modèles Sparco de Puma et Shox de Nike s’inspirent du design et de la technologie de la formule 1. Puma propose  » en toute simplicité  » une réplique de la chaussure de course développée en collaboration avec l’écurie Porsche et l’équipementier automobile italien Sparco : la  » Repli Cat « . Après une introduction éclair à Paris, dans les boutiques hyper-branchées Colette et Shop, le test s’est révélé concluant et les stocks ont été épuisés en quelques jours seulement. Avec sa semelle fine, ce  » mocassin de compétition « , taillé avec style, semble bien être l’accessoire de printemps des fashion victims.

Fidèle à sa philosophie, l’américain Nike joue, une fois de plus, la carte de l’hypertechnicité avec la nouvelle Nike Shox. Mise au point après seize années de recherches par le  » Nike Sports Research Laboratory  » (NSRL) de Beaverton dans l’Oregon, la technologie  » Shox  » semble promise au même succès que le système  » Air « . Basées sur le principe du ressort, 4 colonnes composées d’un matériau utilisé en F1 pour atténuer les vibrations émises par le moteur, assurent un amorti exceptionnel doublé d’un retour d’énergie saisissant.

 » Tenue de soirée souhaitée, tenue de ville exigée « . Adieu pantoufle de vair… Désormais, couture ou hyper-technique, on est certain de trouver chaussure (de sport) à son pied. Le  » phénomène basket  » nous fait entrer dans l’ère du confort et de l’esthétique au quotidien. Mais où ne peut-on pas aller en… baskets?

Carnet d’adresses en page 76.

p22

Ludwig Van Waes

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content