Partagés entre l’envie de profiter de bons moments et la culpabilité de ne pas passer assez de temps avec leur progéniture, de jeunes parents inventent une nouvelle manière de vivre avec eux. Question : fusion bénéfique ou mélange des genres ?

« Je suis fan de rock et j’adore les festivals, explique un jeune père de famille qui travaille dans une agence de conseil en communication. Il n’a jamais été question que je cesse d’en profiter. Mais ma femme et moi culpabilisions de laisser nos enfants pendant ce temps et d’aller nous amuser dans notre coin. C’est bien plus sympa de pouvoir les emmener avec nous…  » Comme ce papa, ils sont de plus en plus nombreux à prendre le pli d’un mode de vie où ils sont  » à la colle  » avec leurs rejetons. Evénements culturels, brunchs parents-enfants, ateliers de cuisine, cours de fit-poussette (du fitness avec… poussette !), de yoga ou séances de cinéma  » spécial bébés  » : les offres parents-enfants se multiplient depuis quelques saisons.

S’agit-il de la dernière lubie des gens de marketing ou d’une réponse aux demandes d’une nouvelle génération de parents ?  » Depuis les années 70, il y a beaucoup d’opportunisme. Il correspond à l’avènement de l’enfant roi, rappelle le professeur Joël Brée, spécialiste de « l’enfant consommateur ». Son pouvoir d’influence dans la décision de l’acte d’achat n’ayant cessé de grandir, on lui propose toujours plus d’offres. En revanche, la nouveauté réside dans la volonté des parents de partager les expériences avec leurs enfants.  » Des enfants dont la place assignée au sein de la famille a bien changé au fil du temps. Comme le rappelle Jean Epstein, psycho-sociologue, spécialiste de la famille,  » pendant des siècles, l’enfant n’était rien ou pas grand-chose. Les activités et l’univers des plus jeunes étaient indépendants de ceux des adultes. Dans les années 70, c’est la révolution : l’enfant devient roi et participe à tout. Le travail féminin explose, l’urbanisation se poursuit et le chômage augmente. Résultat, dans les années 80, les parents confient leurs enfants à des organismes de loisirs. Ils leur font faire des « stages », avec des objectifs mesurables. C’est un nouvel éloignement, qui dure jusqu’à la fin des années 90.  »

Juste retour des choses, aujourd’hui, culpabilisées par les discours sur la démission des parents, les générations de trentenaires et de quadragénaires ont compris l’importance d’être à nouveau les premiers éducateurs de leurs enfants. Cela signifie savoir faire preuve d’autorité, mais aussi partager des expériences, apprendre à vivre ensemble. Mercredi, 11 h 30. Vêtus d’un tablier et perchés sur des rehausseurs, Salomé, 5 ans, et Cyrano, 7 ans, s’emparent, chacun, d’un immense couteau.  » Les mains en pince de crabe, pour ne pas se couper !  » lance Blandine Fournioux, l’une des chefs de l’atelier parisien de Guy Martin. Debout face à leurs apprentis cuisiniers, Cécile et Jérôme, les parents, en oublient d’émincer leur oignon. C’est parti pour une heure trente de cours de cuisine suivi d’une dégustation en famille.  » C’est une demande de ma fille pour son anniversaire, confie la maman. Nous avons profité de nos cinq jours de vacances à Paris pour assister à ce cours. Cyrano et Salomé cuisinent déjà beaucoup avec moi, mais c’est intéressant d’apprendre auprès d’un professionnel.  » Patience, minutie et écoute : la cuisine est une véritable discipline pour les petits comme pour les grands.  » Ce type d’initiative est salutaire, car la vie de famille est de plus en plus grignotée par nos rythmes trépidants, souligne Jean Epstein. Or les temps partagés sont essentiels : ils rendent aux parents leur place d’éducateurs.  »

La multiplication des activités parents-enfants répondrait à une véritable attente. Celle des 30-40 ans qui travaillent beaucoup, qui accordent de l’importance aux temps de loisir, avec les enfants mais aussi seuls. Et c’est là le bémol que formule Jean Epstein :  » Les temps partagés sont nécessaires et importants. Mais ils ne doivent pas remplacer les temps entre adultes, indispensables à l’équilibre des couples, mais aussi pour apprendre aux enfants à devenir autonomes.  » Et à s’armer pour les situations futures où les parents ne seront pas toujours là.

PAR MARIE COUSIN

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