Barbara Witkowska Journaliste

On a connu ses tenues architecturales et graphiques proches du design. Le créateur suisse tourne la page et adopte aujourd’hui un style plus flou. Avec toujours le même talent et le même anticonformisme.

Carnet d’adresses en page 72.

Notre première rencontre remonte à 2001. Jean Luc Amsler était alors le spécialiste du tailleur structuré aux lignes vigoureuses, des tissus techniques d’avant-garde et de spectaculaires incrustations métalliques. Sa palette chromatique était forte mais minimaliste : du rouge, du blanc, du noir et du marine. Trois ans plus tard, Jean Luc Amsler nous reçoit dans le même bureau-showroom. Le décor, blanc et rouge, n’a guère évolué. Il y a peut-être moins d’accents rouges. Sa mode, en revanche, quel changement ! Le créateur se montre en pleine forme, empli d’énergie positive et très enthousiaste. La morosité ambiante ? Très peu pour lui. Il fourmille d’idées, déborde de projets et va de l’avant. Dans la collection été 2004, il s’offre une parenthèse pleine de fantaisie, expérimente le flou, les volants, les mousselines et les crêpes de Chine.  » Le flou pour le flou, ce n’est pas mon truc, s’enflamme-t-il. Donc, j’avais envie de flirter avec le mauvais goût, de donner un côté hyperlatin à la collection, y associer des pièces qui a priori ne vont pas ensemble.  » Pour dessiner cette collection, Jean Luc Amsler a regardé pendant des heures les chanteuses black de R’n’B sur MTV, a écouté en boucle  » la musique qui chauffe « . Les couleurs explosent, les matières inattendues se superposent, les imprimés (tous  » maison « ) se bousculent, les détails insolents s’entrechoquent dans un brouhaha joyeux. Les mousselines sont cassées avec du vinyle laqué, les falbalas et les volants virevoltent autour des hanches, des cuisses et des poignées. Le lin est dévoré, enduit d’encre ou de sérigraphies. Dans cette collection pétillante et si différente, on retrouve pourtant les codes chers au créateur : matériaux d’avant-garde, techniques les plus high-tech, contrastes insolites, bijoux originaux, créés  » maison « .

Si un esprit pluriculturel, très actuel, souffle sur l’été 2004, la collection prochaine, celle de l’automne-hiver 04-05, puise ses inspirations dans les années 1980.  » C’est le retour de la vraie femme, une femme archi-sophistiquée, souligne Jean Luc Amsler. Elle a envie de retrouver le vêtement désigné, à l’esthétisme poussé. L’hiver prochain, c’est le vêtement qui prime, pas l’accessoirisation.  » Le point fort de la nouvelle collection ? Le smoking  » nouvelle génération « . Les vestes sont travaillées avec des empiècements, elles se ferment par de multiples et d’interminables liens en satin. Les revers disparaissent et laissent la place à un spectaculaire col en dentelle noire, piquée sur gabardine. On remarque aussi un très beau tweed laqué, très doux à porter. La dentelle se mêle à la maille. La résille moule la taille et les hanches dans une sensualité torride. Il y a aussi ce superbe velours italien mille-raies à l’aspect satiné. Jean Luc Amsler l’a sélectionné en deux tons raffinés : champagne et violet et y a taillé de très élégants tailleurs-pantalons. L’un des modèles se distingue par un petit clin d’£il amusant : des incrustations de tissu doublure, placées sur les côtés, donnent l’impression que la doublure ressort. Une toute nouvelle matière fait son entrée dans la collection : la peau de batracien. Teinte en blanc ou en noir, elle trouve des utilisations insolites et prend forme de corset, de gaine lacée ou de minerve.  » Ces pièces ont été réalisées avec la complicité d’Odette Bombardier, créatrice de bijoux en métal et en néoprène, explique le créateur. Elle a eu beaucoup de plaisir à expérimenter ce nouveau matériau.  » Complète et aboutie, cette nouvelle collection va plus loin et offre à la femme un éventail très vaste, pour s’habiller le jour, le soir et la nuit. Une seconde ligne, la ligne JLA, réunit les petites pièces, des tee-shirts, ou des maillots de bains satinés à porter au quotidien. Ici, la  » griffe  » Amsler est bien présente : des motifs et des décors chromés coulent sur la matière comme du métal liquide.

L’univers atypique et éclectique de Jean Luc Amsler est plébiscité à l’étranger, en Asie, au Moyen-Orient, aux Etats-Unis et dans les pays de l’Est. Pour acquérir plus de visibilité en France, le jeune créateur ouvrira, à la rentrée, sa première boutique à Paris.  » C’est le moment, s’enthousiasme-t-il. Dans mon travail, il y a un concept global. J’ai envie de réunir tous mes produits, le prêt-à-porter, les accessoires et les parfums, dans un cadre assorti et cohérent.  » La décoration de la boutique, signée Jean Luc Amsler, est conçue dans l’esprit d’un salon de couture New Age. L’idée centrale : un contraste puissant entre les lignes droites et les courbes. Les dressings seront en verre rouge, on pourra pousser des portes, comme chez soi. Le logo du créateur, composé de quatre carrés rouges, sera bien mis en évidence. Voilà pour les formes graphiques. Tout le reste sera organique, arrondi et ergonomique. Il y aura des surfaces comme mouillées et glissantes, avec un côté futuriste, étrange et immatériel. Dans le sous-sol, on pourra s’asseoir, se  » poser  » dans un fauteuil confortable.  » Je voudrais que les femmes prennent leur temps, qu’elles prennent un verre dans mon salon, note Jean Luc. Je ne conçois pas ma boutique uniquement comme un lieu de vente, mais aussi comme un lieu de contact et d’accueil. On revient à nos racines, les femmes aspirent de plus en plus à un vrai salon de couture où l’on s’occupe d’elles. C’est cela, la vraie élégance. C’est une idée très actuelle.  » Dans ce cadre prometteur, on découvrira la collection complète de prêt-à-porter, mais aussi des chapeaux, des sacs, quelques objets de décoration, des bijoux et des gants. Ces derniers, très chics, seront vendus, dans un  » kit « , appelé  » glove story  » avec les parfums, deux compositions sensuelles d’avant-garde qui portent les noms Classic et Privé. Le style des bijoux a changé. Jean Luc ne travaille plus l’argent,  » c’est daté, on a envie de brillance « . Il utilise, en revanche, la pâte de verre, transparente ou colorée. Les formes sont simples, carrés, rectangles ou croix, mais il y a de la matière, ce n’est pas du toc. Et en guest star, on pourra enfin admirer sa première montre swiss made, unisexe et  » total blanc « , promise depuis longtemps. Pas de doute, elle a de l’allure. Un boîtier rectangulaire en acier, au design plein de caractère, s’entoure d’un bracelet blanc rigide, en résine. La particularité ? Le logo du créateur, quatre carrés rouges, est réalisé en véritables rubis ! Et, pour bientôt, Jean Luc Amsler nous annonce la déclinaison de la montre en  » total noir « , puis en  » total rouge « , ses autres couleurs fétiches auxquelles il reste fidèle depuis si longtemps.

Barbara Witkowska

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