L’ARTISTE

Jean-Michel Alberola est né en 1953 à Saïda en Algérie. Artiste pluridisciplinaire et franchement décomplexé des catégories, il touche tout à la fois à la peinture, au cinéma, aux arts appliqués, à l’estampe, qu’il considère en homme de gauche comme une manière  » noble, élégante et démocratique  » de disséminer ses idées. De par sa participation en 1981 à l’expo Finir en beauté aux côtés de Robert Combas et Hervé Di Rosa, on le rapproche souvent du groupe La Figuration libre, bien que son inspiration et ses références, nombreuses dans son £uvre, viennent davantage de la culture classique que de la pop culture contemporaine – il détourne La Boétie, Saint-Just, Kafka plus que Coca-Cola et Goldorak. Ironique, poétique, politique, économique, son univers visuel transpire une vision doucement mais sûrement critique de l’état du monde et de l’endormissement des consciences. À mille lieues de la spectacularisation de l’art actuel, Jean-Michel Alberola nous invite à désengourdir notre imagination à la faveur de gravures souvent ludiques usant de la métaphore et de l’association dynamique d’idées comme d’autres du poil à gratter. À la suite de Marcel Duchamp, Robert Filliou et surtout Marcel Broodthaers, qu’il admire, Jean-Michel Alberola déstabilise délicatement la raison quand elle risque de finir toute raide. Comme un mort.

L’EXPO

Une greffe de 1 000 m2 destinée entre autres à accueillir les 11 000 £uvres de la collection permanente du Centre de la gravure et de l’image imprimée, à La Louvière, vient d’être inaugurée. Jean-Michel Alberola prend donc ses quartiers dans un musée singulièrement rafraîchi. L’exposition est à l’avenant : 200 £uvres, estampes et livres, issues des collections de la Bibliothèque nationale de France sont accrochées aux cimaises de l’institution aux côtés d’une cinquantaine de pièces offertes au Centre par Alberola. De dérivations langagières ( La Société du Pestacle) en citations adaptées ( La pauvreté est une idée neuve en Europe – initialement la phrase est de Saint-Just :  » Le bonheur est une idée neuve en Europe. « ), d’imagiers foutraques en énigmes faussement potaches, vingt-cinq ans de carrière se mêlent ici joyeusement et sans règles, de même que les techniques (lithographie, pointe sèche, offset, aquatinte…). Pour aller plus loin : ce dimanche 27 mars, le Centre diffusera, en présence de l’artiste, le film Koyamaru, l’hiver et le printemps, sur trois couples de riziculteurs suivis par Alberola durant trois ans au Japon. Le 14 mai, dans le cadre du printemps des musées, il proposera par ailleurs une visite guidée de l’expo et une Signature du Capital de Marx. Durant cette performance au carrefour de la poésie et de l’acte politique, Alberola détache une à une les pages d’un volume du Capital de Marx, y imprime en typo la mention  » 10 euros  » et les vend à ce prix durant une heure. Le deuxième des sept tomes est à ce jour entamé.  » Le capitalisme s’écroulera-t-il à la fin de l’opération ?  » La question est de l’artiste. La réponse est à vous.

Jean-Michel Alberola – l’£uvre imprimé, au Centre de la gravure et de l’image imprimée, à La Louvière. Jusqu’au 15 mai prochain. Tél. : 064 27 87 27. www.centredelagravure.be

Chaque mois, Le Vif Weekend vous propose le décryptage d’une exposition. Parce que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nous vous donnons les clés de lecture pour passer les portes des galeries et apprécier le meilleur de l’art vivant.

BAUDOUIN GALLER

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