» Interpretive Artist  » chez Estée Lauder, il imagine des palettes chromatiques dans le respect des valeurs traditionnelles de la marque américaine. Tout en y ajoutant une dimension amusante et ludique. Avec ces  » outils magiques  » Jorge Serio invente une nouvelle séduction.

La fraîcheur d’un bleu brillant ensoleillée par un jaune mimosa pour illuminer le regard dans la chaleur estivale. La sensualité des gloss gourmands et fruités qui reproduisent sous le soleil l’effet sexy  » lèvres mouillées « . La délicatesse des roses et des beiges dont la transparence et la légèreté ajoutent de l’éclat à la peau bronzée. Jorge Serio a réuni dans d’adorables petits boîtiers les couleurs ludiques, vibrantes et rafraîchissantes qui enchantent l’été. La collection s’appelle Pure Delight (pur délice).  » Il s’agit d’une collection dédiée au jeu et à la fantaisie, explique le créateur. Rappelez-vous quand vous étiez enfant… vous réagissiez instinctivement, joyeusement à la couleur. Le maquillage doit être amusant, pas sérieux.  »

Durant toute son enfance, il a baigné dans la couleur. Il vivait alors au Portugal, où il est né. Sa mère, artiste peintre, décorait tissus et porcelaines. Jorge l’assistait souvent, suggérait les nuances, inventait les harmonies. Il s’est mis à dessiner très tôt. Les yeux, surtout : l’élément qui définit l’identité et la personnalité du visage. L’adolescent maîtrise suffisamment la couleur et le trait pour en faire son futur métier et s’exprimer dans une discipline artistique. Cap sur l’Amérique, qui lui paraît offrir plus d’opportunités que le Portugal des années 1980. Là-bas, c’est d’abord son charisme méditerranéen qui fait mouche. Jorge fait ses premières armes comme mannequin. Et plonge, du coup, dans l’univers de la couture, du rêve et du glamour. Un jour, on lui demande de dépanner un collègue visagiste et de réaliser, à sa place, des maquillages. Le passage à l’acte s’accompagne d’une certaine appréhension.  » On m’avait dit de ne pas m’inquiéter, confie Jorge. Je n’avais qu’à dessiner deux triangles noirs sur les sourcils des mannequins.  » Les triangles s’avèrent embellissants et tellement parfaits que tout le monde l’encourage d’entrer en religion cosmétique. Chiche !

Jorge se pique au jeu et apprend toutes les ficelles du métier pour transformer et sublimer le visage. Et aussi le corps, en se familiarisant aussi avec la peinture corporelle. Il maquille les tops dont les noms sont sur toutes les lèvres et travaille avec les stars de la photographie de mode, universellement connus : Ellen von Unwerth, Patrick Demarchelier ou David Lachapelle.  » Ce qui me fascine dans le fait d’embellir des visages et des corps, c’est surtout la dimension sociale, souligne Jorge. C’est un moyen formidable de se différencier de la masse, de manifester son appartenance à un groupe. En Afrique, par exemple, dans certaines tribus, les jeunes sont tatoués pour signifier leur passage à l’âge adulte. Au Japon, les adolescents mélangent les genres pour réagir contre le poids de la culture millénaire. Ils interprètent d’une façon personnelle des maquillages Kabuki traditionnels, des visages élisabéthains blanchis avec de la poudre et des yeux noirs à la mode punk.  »

Dans l’univers glamoureux de la mode et de la beauté, les maquilleurs restent toujours dans l’ombre. Rares sont ceux qui parviennent à se faire un nom. Jorge Serio en fait partie. Il a un £il exceptionnel et une façon de manier les pinceaux qui flatte la peau, rend la femme belle et gaie. Son talent est remarqué par Estée Lauder. Sous l’impulsion de Dominique Szabo, senior vice-président tendances, la grande marque américaine, synonyme de glamour haut de gamme, aspire à moderniser et à rajeunir son image, d’y apporter un souffle nouveau et un brin d’audace. De marquer, aussi, un rapprochement plus concret avec l’art moderne qui fait partie des  » gènes  » de la maison. L’engouement des Lauder pour l’art est réel et ancien. La famille fait d’ailleurs partie du cercle fermé des plus grands collectionneurs d’£uvres d’art dans le monde. La passion de Jorge pour les belles choses, son ouverture d’esprit, sa culture et son enthousiasme s’inscrivent parfaitement dans l’actuelle dynamique de la maison. Sa curiosité, aussi.  » Mes sens sont toujours en éveil, poursuit-il. Je puise mon inspiration dans tous les aspects de la vie. Je voyage énormément. Une fois par an, je me rends en Inde. J’étudie attentivement les couleurs des saris et des soieries. J’observe les visages des femmes, leur manière de mettre en valeur les pommettes ou de souligner la courbe des lèvres. L’architecture d’une maison, le graphisme des perspectives peuvent également m’inspirer pour la création d’un look. Sans oublier la peinture. Avec un bâton de rouge à lèvres, je peux tracer une mosaïque à la Mondrian sur les paupières.  »

Pour Jorge Serio, le maquillage est un formidable moyen d’expression. Quand on regarde l’ensemble de ses palettes colorées, on retient l’idée de tonalités vives, audacieuses et juvéniles. Mais il faut savoir que de par leur texture et leur caractère modulable, les fards peuvent se faire discrets et nuancés. Dès lors, ils peuvent être utilisées par toutes les femmes, de 7 à 77 ans, selon la formule consacrée. Jorge se révolte contre le concept actuel qui limite la beauté à la jeunesse.  » Lorsque l’on regarde les films ou les publicités des années 1950, on découvre de vraies femmes, conclut-il. Des femmes qui ont acquis une certaine maturité et qui n’hésitent pas à exprimer librement leur sensualité et leur personnalité.  »

Barbara Witkowska Interview: Katia Vlerick

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