Transformer une banale poignée de main en un échange de données informatiques ? Cette idée bizarre s’inscrit à fond dans la tendance biométrique.

L es nouvelles technologies sèment la zizanie. Jadis (il n’y a pas si longtemps, quinze ans à peine), lorsque l’on croisait une personne qui parlait toute seule en rue, on était tout à fait en droit de s’interroger sur le bon état de sa santé mentale. Mais, aujourd’hui, le doute est permis. Avec la démocratisation et, surtout, la miniaturisation spectaculaire des moyens de communication, on peut légitimement se demander si l’on a affaire à un fou ou, au contraire, à un individu sain d’esprit équipé du GSM dernier cri. Comprenez : un téléphone mini rikiki avec oreillette sans fil et micro quasi invisibles. La  » problématique  » est d’autant plus déroutante que cette nouvelle espèce de soliloqueurs intempestifs s’est considérablement développée au cours de ces dernières années. Tant au volant des voitures que sur les trottoirs. Bref, les gens qui parlent  » seuls  » sont désormais légion, pour le plus grand plaisir des vrais fous qui se sentent par conséquent nettement moins isolés dans leur approche singulière de la prose en public. Déstabilisant, ce fait de société semble toutefois bien anecdotique à côté de l’autre révolution technologique qui se prépare. Une révolution qui mixe habilement corps et machine, et qui risque de faire passer Monsieur et Madame Tout-le-monde non plus pour de gentils dingues mais plutôt, cette fois, pour des télépathes en puissance. Car en une seule poignée de main, l’homo digitalus de ce début de xxIe siècle pourra bientôt connaître l’identité et la fonction de son interlocuteur. Au Japon, le géant de la téléphonie mobile NTT vient, en effet, de mettre au point un système baptisé Redtacton qui utilise l’épiderme comme nouveau mode de communication high-tech. En clair, les chercheurs de cette compagnie ont réussi à se servir du corps humain comme vecteur de transmission de données en faisant circuler dans les membres un courant électrique de très faible voltage. De cette façon, lorsque deux personnes se rencontrent et se serrent la main, un échange d’informations peut être opéré sans la moindre douleur. Il suffit simplement de s’équiper d’un petit boîtier de 50 grammes à peine pour faire véhiculer les données souhaitées vers le téléphone mobile et/ou l’agenda électronique d’une autre personne dotée du même système ( www.redtacton.com). Une aubaine lorsque l’on connaît l’importance du rituel de l’échange des cartes de visite au pays du Soleil-Levant. Certes, cette invention est toujours au stade de l’ expérimentation, mais les ingénieurs en question espèrent bien la commercialiser dans une version grand public dès 2008. Révolutionnaire, cette approche inédite de l’information personnelle s’inscrit à fond dans le courant biométrique actuel. Un courant qui vise à placer la morphologie de l’individu au c£ur même des techniques d’identification. Car dans le futur proche qui nous guette, il est certain que les mots de passe et autres codes d’accès chiffrés auront totalement disparu des procédures de vérification pour l’utilisation de tel ou tel appareil électronique. Les ordinateurs, les téléphones, les voitures et même les portes d’entrée ne se laisseront plus dompter qu’après avoir préalablement vérifié, au choix, l’empreinte digitale, l’iris ou la voix de leur maître. Donc oui, la révolution biométrique est en marche (une exposition lui rend d’ailleurs actuellement hommage à la Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris : www.cite-sciences.fr), mais il reste simplement à espérer qu’elle nous préserve d’un éventuel superbug qui bloquerait, un jour, l’accès à tout le système informatique aux interlocuteurs humains. Car si tel était le cas, les rangs des soliloqueurs intempestifs grossiraient encore méchamment ce jour-là.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Frédéric Brébant

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