Balmain et Karl Lagerfeld se lancent, eux aussi, dans la réalisation d’un vestiaire pour mômes. Produites en interne ou avec l’aide d’experts de la mode enfantine, ces collections se veulent avant tout créatives, tout en offrant une belle part de rêve.

Il y avait déjà Kenzo Kids, Fendi, Armani Junior, Baby Dior, Marni, Chloé, Boss, Burberry ou Paul Smith Junior, pour ne citer qu’eux. Les kids (et leurs parents) auront désormais également le loisir de s’habiller en Balmain et Karl Lagerfeld. Les deux maisons françaises ont en effet annoncé qu’elles entraient de plain-pied dans le secteur de l’Enfant, dès cette saison printemps-été 2016. Une stratégie qui n’est pas dénuée de sens. Après avoir investi des créneaux annexes, comme le parfum, les lunettes ou la maroquinerie, les enseignes haut de gamme cherchent toujours plus à compléter leur offre de produits. Et, de ce fait, le prêt-à-porter junior constitue un axe de développement important pour ces griffes globales, qui souhaitent présenter un véritable univers de marque à leurs consommateurs.

 » La mode enfantine offre un fort potentiel par rapport à son équivalent pour adultes, saturé et très mature, confirme le sociologue de mode Frédéric Godart, professeur à l’INSEAD. Sur l’ensemble du segment dédié aux plus jeunes, le luxe ne représente que 5 %. Il s’agit donc d’un enjeu important, surtout pour les labels connus. Ces derniers sont un gage de qualité et de créativité, sur un marché largement dominé par les sociétés à bas coût.  » Et ce ne sont pas les résultats en chute constatés récemment, non seulement pour des raisons démographiques mais aussi économiques, qui semblent les freiner…

DEUX VISIONS DIFFÉRENTES

Du côté de Balmain, on a fait le choix de concevoir en interne ce vestiaire au format XXS, composé de quelque 55 looks destinés aux 6-14 ans et disponible à partir du mois de juin prochain.  » C’était très facile de choisir quels modèles nous allions réaliser, précise son directeur artistique Olivier Rousteing. Ce sont ces pièces que les parents m’ont supplié, à plusieurs reprises ces dernières années, de produire pour leurs rejetons.  » Soit des classiques et succès, véritables signatures de la maison, à l’instar de ces denims japonais, perfectos matelassés, manteaux à double boutonnage et autres vestes de smoking blanches. Le tout allant de 190 euros pour un tee-shirt sans manches imprimé à 5 500 euros pour une robe noire rebrodée à la main.

Chez Karl Lagerfeld, on a préféré faire appel à l’un des experts de la mode junior, en l’occurrence le groupe français Children Worldwide Fashion (CWF). Pour ce dernier, qui s’occupe déjà des licences de Little Marc Jacobs, Boss ou DKNY notamment, cette déclinaison  » mini  » du vestiaire du célèbre styliste au catogan blanc résonnait comme une belle opportunité.  » C’est une maison qui se retrouve souvent sous les feux de l’actualité, avec des lancements et collaborations. En outre, c’est un nom important, reconnu. Et puis, il y a surtout toutes les références ludiques, décalées et cool du créateur et de sa chatte Choupette, qui pouvaient se prêter à une interprétation en enfant « , précise Pascale Dechâtre, directrice des collections sous licences de CWF. En résultent une bonne dose d’humour dans les imprimés, des dessins de chaton ultrastylisés et un esprit légèrement rock par ailleurs.

 » Karl Lagerfeld est très impliqué dans la collection, poursuit la Française. Il insuffle la ligne de conduite.  » Aux équipes de style de CWF d’élaborer, ensuite, différents modèles, qui seront chacun validés et contrôlés par la maison mère. Pour ce faire, il n’est évidemment pas question de partir de zéro.  » Pour toutes les griffes que nous gérons, il y a déjà une histoire à laquelle se raccrocher, informe Pascale Dechâtre. Que nous nous adressions à un garçon Timberland ou à une petite fille Chloé, c’est l’ADN du label, ses codes forts, que nous sommes chargés de retranscrire. L’Enfant fait vraiment partie de l’univers de la marque. Capitaliser sur un nom existant permet d’ailleurs de profiter de sa notoriété et de sa désirabilité.  »

C’est justement cette filiation avec le label pour adultes que recherchent particulièrement les parents lorsqu’ils achètent un vêtement griffé pour leur mouflet.  » La consommatrice est sensible aux noms connus, note Martine Chadenier, directrice du secteur enfant au bureau de tendances Peclers Paris. La marque a quelque chose de magique. Vous lui vendez du rêve, et la caution du créateur.  » Tout comme pour l’achat d’un sac, d’un manteau ou d’escarpins siglés, il y a une part de plaisir personnel dans cet acte d’achat. En outre, il est aussi question de créativité différente de ce que l’on peut trouver sur des produits standards.  » C’est non seulement une façon de se distinguer par rapport aux autres mais également d’augmenter son estime de soi « , complète le sociologue de mode de l’INSEAD.

LA FIN DES MINI-ME

Mais plus question, pour autant, d’habiller mère et fille à l’identique, comme ce fut le cas il y a quelques années, avec la tendance mini-me.  » Nous ne sommes plus vraiment dans cette mouvance, considère la spécialiste de Peclers Paris. Plutôt que de confectionner, en format Enfant, des looks pensés à l’origine pour les grands, le luxe préfère désormais reprendre des matières innovantes issues du monde de l’adulte, pour rebooster et renouveler le genre.  »

On retrouve désormais du Néoprène et du Scuba, du jersey contrecollé, du molleton retravaillé ou encore des tissus issus de l’univers sportif, comme le Spacer ou le Foam.  » La nouvelle modernité passe par ces matériaux, qui donnent un ton aux collections, revendique Martine Chadenier. Travailler les textures, les formes et les volumes permet de créer des silhouettes inédites.  » De quoi apporter une bouffée d’air frais aux thématiques archicourues de l’univers enfantin, telle l’inspiration marine ou florale. De quoi, aussi, inciter les mères à mettre la main au portefeuille, pour personnaliser le dressing de leurs têtes blondes… Et en ces temps de rigueur économique, où les maisons n’hésitent pas à se copier les unes les autres, la singularité ne peut être qu’applaudie.

PAR CATHERINE PLEECK

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