Pour son grand retour en tant que comédien, il convainc comme rarement dans Une vie meilleure, de Cédric Kahn, l’histoire d’un cuistot qui se lance dans l’ouverture d’un restaurant et se retrouve piégé par le surendettement. Rencontre avec un jeune homme de 38 ans pressé, poli et souriant.

Comment le réalisateur des Petits Mouchoirs arrive-t-il dans l’univers de Cédric Kahn, le metteur en scène de L’Ennui et de Roberto Succo ?

J’avais très envie de travailler avec lui et il cherchait un comédien pour Une vie meilleure (*). Lorsque nous nous sommes vus, Cédric m’a parlé du sujet mais il n’était pas sûr que je sois la bonne personne. Moi aussi, cela peut m’arriver, en tant que metteur en scène, de douter de mon choix parce que je ne connais pas bien un artiste. Le fait de se rencontrer éclaircit les choses.

Savez-vous pourquoi Cédric Kahn vous a finalement retenu ?

L’une des raisons, c’est que cet acteur devait à la fois rendre la complexité du rôle et lui donner de la légèreté quand Une vie meilleure devient plus optimiste. Je pense que je correspondais à ces critères. En tout cas, je me suis tout de suite reconnu dans les traits de caractère du personnage, son côté battant, volontaire, jamais à terre.

En près de vingt ans de cinéma, l’image de Canet jeune premier s’est affinée. Vous êtes passé des rôles de séducteurs à ceux d’hommes tourmentés.

C’est sans doute parce que les longs-métrages que j’ai réalisés et les propos que j’y tenais ont donné de moi un autre visage. Je n’ai jamais couru après la notoriété. Et séduire à tout prix… à part des filles de temps en temps quand j’étais plus jeune… (Il sourit). Ce qui m’a toujours passionné, c’est la mise en scène. J’ai suivi des cours de théâtre pour comprendre la direction d’acteurs. Puis fait le comédien pour pouvoir  » me payer de la pelloche  » et réaliser des courts-métrages. Les propositions se sont enchaînées, je ne travaillais pas vraiment mon jeu. Quand j’ai tourné mon premier film, j’ai compris que ce que je demandais aux comédiens – une implication de soi -, je ne me l’appliquais pas à moi-même quand je jouais. Et je n’ai plus du tout abordé mes rôles de la même façon. Cela a dû se ressentir.

Comment revivez-vous, après coup, l’aventure des Petits Mouchoirs ?

Sur le moment, je n’ai pas pu savourer ce succès. Le film m’a été inspiré par des événements que j’ai vécus ou observés, notamment la perte d’un proche. Un autre ami est mort peu avant la sortie… Bien sûr, ça me fait très plaisir que le film ait touché les spectateurs. Je sais qu’il a suscité aussi des réactions de rejet, je comprends… Cette bande de potes égoïstes et égocentriques qui délaissent leurs proches, c’est un reflet du piège infernal de la société actuelle, où l’on zappe tout, où l’on consomme tout le plus vite possible.

Vous ressentiez cela à l’époque ?

Oui, j’ai eu ce besoin absolu de toujours chercher à prouver et je me suis sans doute perdu. Avec la maturité, j’ai eu envie de retourner à des choses plus simples.

Un accident de cheval a stoppé net votre carrière de cavalier quand vous aviez 18 ans. Que vous a appris l’équitation ?

Une école de l’humilité. Rien n’est jamais acquis. J’ai vécu des chutes, j’ai eu des accidents qui m’ont obligé à me remettre en question, à redémarrer de zéro, à accepter la défaite. Le sport a forgé mon tempérament et m’a donné une force, une persuasion, une confiance en moi. Je tourne actuellement le film Jappeloup (sur le légendaire cheval de concours hippique sous la selle de Pierre Durand), dont j’ai écrit le scénario, et cela m’a ramené des années en arrière. J’ai vu combien l’équitation m’avait servi pour ma concentration d’acteur.

Parlons vie privée.

Ouais.

Depuis vos tout débuts, elle est carrément privée ?

Oui, car j’ai très vite compris qu’un acteur donnait déjà beaucoup, dans un film, de sa personnalité, de sa personne. Quand, en plus, il est scénariste, il puise en lui des choses intimes. Je n’aurais plus rien à moi si j’avais sans cesse confessé mes sentiments, si j’avais dévoilé ce que j’ai éprouvé à la naissance de mon fils, etc. J’accepte mon statut d’acteur public, mais il y a des faits que je ne peux pas accepter. Le jour où je suis revenu de la maternité avec ma femme (Marion Cotillard) et notre enfant dans ma maison en pleine forêt, des paparazzis tentaient de photographier par-dessus le portail. Ils m’ont gâché ce premier jour avec mon fils. En plus d’être malheureux, j’étais très en colère.

Vous ne ferez donc jamais une interview  » amour  » avec Marion Cotillard ?

J’aurais du mal. Ce serait ouvrir la porte à un manque de respect de la part des gens.

Jeux d’enfants, de Yann Samuell, que vous avez tourné ensemble il y a près de dix ans, racontait une amitié qui finit par une love story. Ce scénario, vous l’avez aussi vécu dans la vie.

Oui, c’est sûr. C’est une belle histoire. (Il rit.)

(*) Sortie en Belgique : ce 18 janvier.

PAR GILLES MÉDIONI

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