Pour aider le public à se sentir réellement habité par l’ouvre d’un artiste, deux critiques d’art ont imaginé un nouveau concept de  » galerie-logement « . Décoiffant.

Comment intéresser un public non initié à l’art en général et à l’art contemporain en particulier ? A moins de l’emmener de force au musée ou de le sensibiliser intelligemment lors de chaque sortie en ville, la tâche s’avère ardue, pour ne pas dire désespérée. D’où l’idée développée par quelques passionnés d’intégrer précisément l’art au c£ur même du quotidien des gens. Sur les murs des restaurants. Dans les chambres d’hôtels. Dans les halls des aéroports. Facile. Dans cette logique, chacun rivalise donc d’ingéniosité pour s’offrir des artistes de renom avec le risque que ces mêmes artistes deviennent toutefois, marketing oblige, un argument de vente dans la présentation commerciale de ces lieux ainsi revisités. Bref, dans cette noble quête, originellement salutaire, l’art est paradoxalement détourné de sa mission première. Il n’interpelle plus réellement le visiteur de passage ; il se contente de décorer les lieux, de garnir l’atmosphère, pour se diluer finalement dans un contexte soi-disant aménagé à sa gloire. Face à ce constat alarmant, quelques irréductibles ont donc décidé d’inverser le mouvement. En clair, il ne s’agit donc plus d’intégrer l’art dans le quotidien des gens, mais bien d’intégrer ces gens au c£ur même de l’art. Vaste programme ! Mais le concept – novateur – est plutôt séduisant. A Paris, deux critiques d’art ont ainsi lancé la tendance en inaugurant l’espace Café au lit dans le xixe arrondissement ( www.cafeaulit.com). Déployée sur 26 m2, cette galerie d’art d’un genre nouveau est à la fois un lieu d’exposition et d’hébergement temporaire. Une fusion entre l’espace public et l’espace privé. Un vrai logement intégré à une véritable galerie d’art. De passage dans la Ville lumière, le locataire provisoire de l’espace Café au lit vit donc en tête à tête avec les £uvres d’un artiste momentanément exposé dans cet appartement, pour un minimum de trois nuits jusqu’à plusieurs mois s’il le souhaite vraiment. En privé donc, mais avec toutefois une dimension publique puisque le lieu est également ouvert à tous lors des vernissages (le prochain, prévu le 11 juin, est consacré au peintre Stéphane Belzère). Si cet espace inédit s’adresse en priorité aux véritables amateurs d’art, les initiateurs du projet reconnaissent toutefois que la demande de touristes  » classiques  » est aujourd’hui sans cesse grandissante. Sans doute parce que les clients-consommateurs recherchent de plus en plus des initiatives sincères et singulières. Alors que les hôtels se tournent de plus en plus vers les artistes pour faire vivre leurs murs avec plus ou moins de conviction (comme, par exemple, le Royal Windsor Hotel à Bruxelles qui a confié la décoration de quelques chambres à des créateurs de mode renommés), Café au lit prend donc le contre-pied de ce courant forcé pour transformer une galerie d’art en une véritable maison d’hôte. Histoire d’instaurer un nouveau rapport entre l’art et ceux qui habitent réellement parmi les £uvres. Histoire de rapprocher, finalement, l’art du quotidien.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Frédéric Brébant

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