Tous les New-yorkais connaissent cette destination de villégiature pour riches et célèbres, théâtre de soirées où champagne et rivières de diamants coulent à flots le long de plages sans fin bordées de demeures de millionnaires. Mais la richesse des Hamptons c’est aussi une nature généreuse et un charme authentique.

Carnet de voyage en page 82.

C ombien de Hamptons y a-t-il dans les Hamptons ? Géographiquement, trois. En réalité, une variété. On appelle le Hamptons la région de Long Island comprise entre les agglomérations de Southampton, Bridgehampton et Easthampton. Là, à moins de 200 kilomètres de New York, sur l’île la plus orientale du continent américain, s’étalent en toute quiétude plages immenses, étendues de dunes sauvages, falaises claires, lacs, fermes et vignobles. C’est l’ancienne patrie des Indiens Montaukett, qui y vivaient du commerce de ceintures en coquillage. De par sa proximité avec New York, cette fine bande de terre fertile est devenue, avec l’avènement du tourisme, le repaire estival des riches hommes d’affaires new-yorkais et des célébrités du show-biz, fuyant les étés caniculaires de la bouillonnante cité pour la brise océane. Aujourd’hui, tout individu qui fait de l’argent ou qui brille se doit d’avoir une résidence dans les Hamptons. C’est le terrain de chasse de jeunes hommes et femmes ambitionnant un mariage lucratif, et la scène rêvée pour exhiber voitures décapotables et vêtements haute couture.

Un canevas de couleurs

Mais un week-end dans les Hamptons vous apprendra qu’il faut bien plus de tons et de couleurs sur votre palette pour saisir le charme intemporel et les nombreuses facettes de ce qu’on désigne tour à tour le  » Deauville américain  » ou la  » Côte d’azur new-yorkaise « . Tout d’abord, la pêche à la baleine, au xviiie siècle, a façonné ses plus anciens lieux d’habitation. Pendant deux cents ans, Sag Harbor, au nord des Hamptons, fut l’un des plus importants ports baleiniers de la planète. Des marins du monde entier y ont fait escale donnant à la petite ville un air cosmopolite et de sophistication toujours évident aujourd’hui. Les nombreuses maisons de capitaine ont été construites selon des influences variées allant du style victorien au style colonial. Petit indice local : on reconnaît la maison du capitaine à la minuscule pièce carrée sur le faîte du toit depuis laquelle on peut toujours apercevoir la mer.

Au tournant du xxe siècle, les riches industriels, désireux d’afficher leur réussite, ont fait ériger de grandes demeures aux frontons grecs ou gothiques au milieu de parcs ombragés. Cette allure éclectique et parfaitement rénovée dans les années 1960 fait de Sag Harbor un véritable trésor d’architecture. Sa rue principale est bordée d’antiquaires, de boutiques raffinées et de vendeurs de matériel nautique et se termine sur une ravissante marina abritant des yachts du monde entier. C’est aussi le rendez-vous des amateurs du 7e art puisque Sag Harbor tient son propre festival du film indépendant dans un cinéma d’époque. Le Bay Theater, créé par la femme de Richard Burton et la fille de John Steinberg û l’écrivain a vécu à Sag Harbor de 1953 à 1968 û présente des pièces de renommée internationale.

Est-ce l’influence des artistes qui donne aux Hamptons cette touche à la fois impressionniste et moderniste ? Comme il arrive souvent, ce sont les peintres et les écrivains qui ont redécouvert ce havre de paix à la fin du xixe siècle, fondant sous le charme de ses eaux limpides et de ses dunes sauvages. Entre les deux guerres, un autre groupe d’artistes a été attiré par l’extraordinaire pureté de ses paysages : les surréalistes. Ferdinand Léger, Salvador Dali et Marcel Duchamp sont parmi les grands noms qui ont succombé à la luminosité des Hamptons et à la simplicité du mode de vie des locaux, pour la plupart pêcheurs et fermiers. Jackson Pollock (1912-1956), un des plus grands peintres expressionnistes, y a créé la plus grande partie de son £uvre, vivant dans une ancienne maison de pêcheur et travaillant dans la grange attenante. Très social, il y a reçu de 1945 à 1956, l’année de sa mort, ses amis André Breton, Arshile Gorky et Willem de Kooning, qui choisira lui aussi de s’installer dans ce coin de verdure et d’air iodé à une encablure de New York. Cet  » exil vert  » sera vite récupéré par l’élite sociale new-yorkaise qui en fera un mouvement de mode en soi.

Southampton et Easthampton, les s£urs indissociables

Preuve de cet engouement, c’est dans les dunes d’Amagansett, non loin de Easthampton, que Marilyn Monroe et Arthur Miller ont choisi de passer leur lune de miel. C’est aussi près de Easthampton que la petite Jackie Bouvier a fait ses premiers pas. Elle y retournera souvent, aussi bien sous le nom de Jackie Kennedy que Onassis. Aujourd’hui encore, tout le monde, jeunes et vieux, millionnaires et fermiers, surfeurs et banquiers, pêcheurs et artistes, vivent en relative harmonie dans les Hamptons. En été, la route qui relie Southampton à la pointe de l’île se transforme en une longue file de voitures de collection, donnant un petit air  » vintage  » à toute la région. Le prix moyen de l’hectare de terrain s’est envolé passant de 25 000 dollars en 1960, à 300 000 dollars en 1980 et de plus de 1 million de dollars en 2000 ! A Montauk, à l’extrémité est des Hamptons, le domaine de Eathen vendu pour 225 000 dollars à Andy Warhol dans les années 1970 en vaut aujourd’hui 50 millions. Cette propriété a servi de retraite estivale à Elizabeth Taylor, Mick et Bianca Jagger et Liza Minelli. A Easthampton, Steven Spielberg et sa femme vivent dans un manoir de plusieurs millions de dollars et ont leur propre centre équestre. Billy Joel, Alec Baldwin, Kim Bassinger, Calvin Klein et Peter Beard sont parmi les innombrables célébrités à vénérer le calme et l’atmosphère pittoresque des Hamptons.

A Easthampton, la conscience des habitants d’appartenir à un lieu d’exception a donné lieu à la création d’un comité de préservation du patrimoine. Les locaux se battent pour maintenir la patine de cette ancienne ville coloniale. Les enseignes publicitaires lumineuses sont bannies, de même que le skateboard dans la rue. Les demeures, les jardins et les grands peupliers, vieux de trois cents ans, sont méticuleusement entretenus. Rien n’a bougé ou presque en cent ans. Les plus grandes marques américaines, Ralph Lauren, Tiffany, Saks Fifth Avenue et Elizabeth Arden et autres boutiques chics rappelant Palm Beach ont leur devanture dans de petites maisons aux façades de lambris blanc style 1900. Dès que l’on s’échappe du centre-ville, il n’est pas rare de voir les plus riches célébrités achetant leurs produits frais directement à la ferme et leurs fruits de mers aux pêcheurs locaux. Southampton est la réplique de Easthampton en miniature, peut-être plus connu toutefois pour ses maisons gigantesques faisant face à la plage. Leurs résidents ont pour réputation d’organiser les plus extravagantes soirées de charité de la côte est, comme le fameux  » Diamond Lunch  » pour lequel les femmes sont encouragées à porter leurs plus beaux bijoux. C’est aussi l’endroit où rien ne se pratique en dehors d’un club privé. Certaines plages ne sont accessibles que sur présentation d’un badge de membre. En même temps, Southampton est une mecque culturelle où l’on peut écouter tout l’été des concerts en plein air et visiter de nombreux musées, comme le Parish Art Museum célébrant l’art américain des xixe et xxe siècles.

Un peu d’aventure

Envie d’évasion en dehors des chemins battus ? Direction Montauk, tout au bout de l’île. La longue route 27, qui épouse la forme des dunes, offre des vues spectaculaires sur les baies avoisinantes. Le souffle de l’aventure américaine se ressent véritablement dans cette portion du voyage. A la tombée du jour, l’atmosphère évoque les tableaux de Edward Hopper alors que l’on longe une voie de chemins de fer à travers une réserve naturelle bordée de vieux poteaux téléphoniques en bois. Des gargottes posées au milieu de ce no man’s land proposent aux automobilistes de passage des soupes de crustacés et des beignets de homards. Le but de la balade est d’aller admirer le coucher de soleil sur le premier phare de l’Etat de New York érigé en 1796. Bien avant que le phare de Montauk ne soit construit, la blancheur des falaises reflétées par la lune guidait les marins vers leur port d’attache. Voici comment Julian Schnabel, célèbre peintre américain du xxe siècle, a décrit la magie du lieu :  » Surfer devant la maison de Andy Warhol un jour ensoleillé, on se croirait au Mexique. Un jour grisaille, et on se croirait en Ecosse.  »

Le caractère exclusif de la scène sociale, les soirées ultrasélectes et le statut de ses vacanciers ont certainement aidé à édifier la légende des Hamptons. Des jets privés traversent les Etats-Unis juste pour le temps d’un week-end dans cette riviera new-yorkaise. Mais plus que dans la cour des riches et célèbres, le véritable esprit des Hamptons réside dans la diversité de sa population, dans la préservation de son histoire et surtout dans l’extraordinaire pureté de ses paysages : les nuances tendres de la végétation, le bleu limpide de ses criques, et la finesse de sa lumière lui confèrent une éternelle jeunesse.

Elodie Perrodil

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