Le jour, ce Californien de 31 ans, dont les ouvres sont présentées à Paris, est dessinateur pour les studios d’animation DreamWorks. La nuit, il peint des fashion girls en pensant à Rembrandt. On rêve ou quoi ?

Drôle d’univers que celui de Devin Crane peuplé de filles ultraslim aux grands yeux de chat traqué. Le style a beau être tout en velouté, le coup de brosse évanescent, ses gossip girls manquent visiblement d’amour et de sommeil. à moins que ce ne soit leur auteur de 31 ans, qui, insomniaque, en vient à projeter sur la toile sa vision hallucinée ?

Entre 23 heures et 4 heures du matin, sur les hauteurs de Hollywood Hills, l’un des coins les plus chics de Los Angeles, on a toutes les chances d’apercevoir, derrière les vitraux d’une belle maison des années 20, l’ombre portée de l’artiste. Jet-laggé en ses propres murs, Crane le sera bientôt pour de bon.

Loin de Mulholland Drive, c’est à Paris qu’il vient présenter, à partir du 26 mai, une sélection de ses travaux à la galerie Arludik (*), un lieu dédié aux créateurs issus de la BD et des grands studios d’animation. Car si Devin peint la nuit, le jour, Crane dessine pour les studios DreamWorks, la firme au logo de lune qui a, entre autres, produit Madagascar.

Après des études au California Institute of The Arts, l’école fondée et financée par Walt Disney, ce natif de L.A. fait ses armes chez Warner Bros avant de prendre ses quartiers à Glendale, banlieue de la cité des anges et QG de DreamWorks. Devin Crane s’essaie successivement au story-board et au layout avant d’être chargé – suprême honneur – de donner corps aux différents personnages de Kung Fu Panda ou Monsters vs Aliens.

Dans cette ruche, où les animateurs bossent par centaines au service de la 3D, dans un souci de netteté propre à scotcher les spectateurs de Blu-ray, on cherche en vain les raccords avec la signature Crane, vaporeuse et théâtrale.  » Travailler dans un studio comme DreamWorks, qui brasse des gens de tous les horizons et de toutes les nationalités, est très enrichissant, confie le Californien. L’avantage est d’être dans la pratique non-stop. Et avant de passer par une phase de mise en mouvement et de traitement informatique, il faut rappeler que l’animation s’élabore encore et toujours par des dessins traditionnels avec une gomme et un crayon. Pour le reste, mon style personnel a peu de lien avec DreamWorks. Je suis influencé par la peinture classique, j’aime travailler à l’acrylique et à l’huile et pour moi, les deux plus grands artistes de tous les temps s’appellent William Bouguereau et Rembrandt… « .

Au premier, gloire du second Empire, épris de Raphaël, (1825-1905), Devin Crane doit son goût pour l’académisme vanté par Dali. Au peintre hollandais (1606-1669), le recours au clair-obscur. C’est d’ailleurs à une vraie Leçon d’anatomie que nous convie l’Américain, entre longues cuisses de mouche, taille de guêpe et balcons pigeonnants.  » Au nombre de mes influences, il y a les silhouettes longilignes des croquis de mode de Valentino ou Dior, ajoute l’artiste. Et le chausseur Christian Louboutin qui a transformé le pied de la femme en une véritable £uvre d’art.  »

Ses opus, proches de l’illustration, s’intitulent Love and Tears (amour et larmes) ou Tales of Hollywood (contes de Hollywood), mais le conte de fées a du plomb dans l’aile. Sa fausse apologie des fashion girls, superficielles et narcissiques, a un arrière-goût amer. Comme cette belle enfant taille mannequin qui se regarde dans un miroir qui lui renvoie l’image d’une fille très grosse. Ou lorsqu’il met en scène Dorothy, l’héroïne du Magicien d’Oz, classique de la littérature US pour enfants : la petite fille pose comme une madone à côté d’un sans-abri. Et quand l’artiste puise dans le registre biblique, il ne faut pas s’attendre à une trêve mais à un coup de grâce. Ève, la première femme, a les traits de Martina Warren, une playmate de Penthouse, spécialiste de bondage et actrice de films X. On attend avec impatience son remake d’ Une étoile est née. A Star is Porn ?

(* ) Arludik, 12-14, rue Saint-Louis en l’Île, à 75004 Paris. Tél. /fax : + 33 1 43 26 19 22. www.arludik.com

Antoine Moreno

« Pour moi, les deux plus grands artistes de tous les temps s’appellent William Bouguereau et Rembrandt… »

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