Envie du look preppy de Blair Waldorf dans Gossip Girl ? Ou des tee-shirts à message de Vincent Chase dans Entourage ? Sur Internet, tout ce que portent et consomment les personnages de série est à vendre. A tout prix

Il paraît qu’on apprend cela dans les écoles de cinéma. Pour qu’ils soient crédibles et que l’on s’y attache, les personnages doivent avoir de l’étoffe. De celle qui fait les héros. Et rend les best-sellers fashion. A voir le défilé de it bags, it shoes, it tops, ità tout et n’importe quoi, qui pimente chaque épisode de la série Gossip Girl, on se dit que son créateur Josh Schwartz a su mettre en pratique les enseignements reçus à la prestigieuse School of Cinema-Television de USC (University of Southern California) qui formate la plupart des scénaristes hollywoodiens.

Au lendemain de la diffusion de la série – programmée le lundi soir en prime time sur la chaîne CW aux Etats-Unis -, ce ne sont pas tant les frasques de Blair, Serena, Dan, Chuck et les autres qui passionnent la blogosphère que le décryptage des tenues portées, dans le moindre détail. Envie du manteau qu’arborait Jenny la veille au soir ? Rien de plus facile : une visite sur les sites de fabsugar. com ou celebstyle. com suffit, à condition toutefois de disposer d’une carte de crédità platinium ! Un exemple ? Quand Blair porte un chemisier blanc à jabot, c’est un Bill Blass à 1 990 dollars – disponible en quelques clics sur Net-A-Porter – avec une jupe Fendi à 499 dollars à trouver sur e-Luxury. Soit au total 1 778 euros pour des fringues apparues quelques minutes tout au plus à l’écran. Pour celles qui n’ont pas le budget, des sites comme TheBudgetFashionista.com proposent même des looks inspirés des vrais mais à moindre coûts.

Chez Bloomingdale, l’un des célèbres grands magasins new-yorkais, la directrice mode Stephanie Solomon est formelle :  » La série a une incidence directe sur nos ventes, et pas seulement auprès des adolescentes. Elle draine aussi des jeunes femmes de 20 ans, les filles et les petites s£urs de toutes les fans de mode qui, il y a dix ans, considéraient Sex And The City comme la bible du style (1).  » Même constat chez Nanette Lepore dont les petites robes chics font le bonheur de Blair et de son entourage.  » Il suffit que l’une d’elles apparaisse dans un épisode, et dans les jours qui suivent, nous recevons des appels, assure la créatrice. De toutes jeunes filles viennent nous voir, elles savent exactement qui portait quoi et c’est cette tenue-là qu’elles recherchent (2).  »

Si les filles – et les garçons – de Gossip Girl ont des goûts vestimentaires bien tranchés, ils ont aussi un profil musical étudié par la superstar de la bande-son à succès, Alex Patsavas, connue pour sa passion du rock indie et des artistes méconnus. Sa fierté : passer des morceauxà de morceaux de groupes dont les albums ne sont même pas encore dispos dans les bacs ou sur iTune. Et là encore, grâce aux bons soins de CW qui joue les intermédiaires, tout ce qui s’écoute à l’écran est à vendre. Sans surprise, on découvre sur le site officiel de la chaîne que la playlist de Blair – qui affiche ses préférences pour les Pussycat Dolls – est nettement plus mainstream que celles de Dan ou de son rocker de père. Des préférences, tient-on à préciser, qui ne reflètent en rien les goûts personnels des interprètes de Gossip Girl

La genèse du look preppy

 » A force d’appeler les personnages par leurs prénoms, de chatter avec eux – du moins en apparence -, sur des forums, on a presque tendance à oublier qu’ils ne sont que des héros de télévision, rappelle Philippe Marion, professeur de communication publicitaire à l’UCL. On fait plus que leur donner du corps, on leur prête une vie virtuelle quand ils ne sont pas à l’écran, on leur invente des profils musicaux et des goûts vestimentaires très précis. Acquérir l’un des objets que l’on voit à l’écran, c’est faire entrer un peu du show dans la vraie vie, c’est comme s’envelopper dedans. Par leur côté répétitif, le caractère immuable de leurs décors et de leurs personnages, ces séries procurent un sentiment de sécurité. Et l’on s’y accroche sans doute plus encore en temps de crise. « 

Comme dans l’énigme de l’£uf et de la poule, on ne sait plus vraiment non plus qui influence quoi. Certes, Blair et Serena s’habillent chez de vrais créateurs par l’entremise des stylistes qui choisissent les costumes de la série. Mais il se dit aussi que ces it girls plus fashionistas que les vraies habitantes de l’Upper East Side influencent subtilement les collections. Les designers et surtout les directeurs du marketing de nombreuses marques leur prêtent des envies susceptibles de se traduire un jour en pulsion d’achats – bien réelles cette fois – dans le chef de leur fan base de plus en plus large et de plus en plus internationale. Les bureaux de tendance sont formels : le retour de la cravate et du pull jacquard dans le vestaire les ados ? La faute à Chuck ! La vague des tartans et des minijupes plissées ? Inspirée de l’uniforme preppy du lycée Constance Billard fréquenté par les filles de la série.

Une pub spin-off

Blair, Serena, Jenny & Co sont aussi les cousines américaines de la jolie Parisienne en robe rose, égérie de la nouvelle campagne du parfum Miss Dior Chérie.  » Elles sont un peu les Miss Dior Chéries new-yorkaises, assure Diane Vavra, vice-présidente du département RP de Dior Beauty aux Etats-Unis. Le genre de filles sophistiquées qui aiment s’amuser, dîner et être vues dans les endroits branchés. Ces héroïnes vivent à 100 à l’heure, elles sont curieuses, pleines d’imagination et drôles, des caractéristiques qui correspondent parfaitement à l’essence même de Miss Dior Chérie.  » La marque qui entretient par ailleurs des rapports privilégiés avec les jeunes actrices – Leighton Meester alias Blair était l’invitée du dernier défilé Dior Cruise – a tenu à diffuser en première mondiale le spot de Miss Dior Chérie, réalisé par Sofia Coppola, dans l’un des tunnels de pubs qui émaillent aux Etats-Unis la diffusion de ce genre de série. Buzz garanti. Et impact sur les ventes du parfum confirmé.  » Une croissance à deux chiffres « , reconnaît Diane Vavra.  » Cette pub, c’est un peu comme une spin-off, analyse Philippe Marion. Elle capitalise sur les mêmes rêves, les mêmes fantasmes que l’historie originale. Et joue sur la connivence. « 

La série, dont la deuxième saison sera prochainement diffusée sur TF1, n’est d’ailleurs pas la seule à faire vendre. Dans un autre registre, les looks des trois businesswomen de Lipstick Jungle – le show tiré de l’un des derniers best-sellers de Candace Bushnell, l’auteure de Sex And The City – sont aussi décryptés, copiés et commercialisés sur le Net chaque semaine. Et ce, malgré la surabondance de bijoux, de décolletés plongeants et de talons déraisonnables rarement rencontrés dans les  » vrais  » milieux d’affaires.  » Quitte à créer un monde virtuel, autant qu’il soit plus glamour et plus beau que le vrai, justifie Philippe Marion. Le fait que l’on puisse par ailleurs trouver avec une apparente facilité des objets ou des vêtements vus à la télévision, cela prolonge le rêve. Même si on n’achète rien, on pourrait le faire. Cela nous donne une illusion de maîtrise, à nous qui vivons dans un monde, surtout aujourd’hui, où tout nous échappe.  »

Des boutiques Plus Belle la Vie

Loin de se limiter aux Etats-Unis et aux shows télévisés dérivés de la chick lit, le phénomène a gagné l’Europe. Ainsi, on peut trouver les produits inspirés de la vie des Mistraliens – les héros de Plus Belle la Vie, la série de France 3 que diffuse La Deux tous les soirs en semaine -, dans deux boutiques officielles bien réelles – à Marseille bien sûr et à Aix-en-Provence – et sur le site de la chaîne française. Même constat pour la fine équipe de beaux gosses d’ Entourage, l’ovni d’HBO à voir sur Plug RTL. L’air de ne pas y toucher les boys qui composent la garde rapprochée de Vince – la jeune star hollywoodienne prometteuse incarnée par Adrian Grenier – inspirent les créateurs. Ainsi, la marque de jeans Adriano Goldschmied a lancé une ligne Entourageà portée par les acteurs à l’antenne. Et de l’avis officiel de la chaîne imprimé sur l’étiquette, depuis qu’ils les portent,  » les garçons n’ont jamais eu autant d’allure « . HBO ne se prive pas non plus de mettre en vente ses propres tee-shirts, souvent des copies conformes des modèles  » à message  » – de type  » suits suck  » ce que l’on pourrait traduire par  » les costumes, ça craint  » – qui composent l’essentiel du dressing de ces jeunes frimeurs au look faussement décontracté.  » Je n’ai pas besoin de beaucoup bosser pour que Vince ait l’air canon, reconnaît Amy Westcott, en charge des costumes d ‘Entourage. L’idée c’est qu’au saut du lit, il n’ait qu’à enfiler un futal et un tee-shirt pour être à tomber.  » La beauté du diable en somme. Un diable qui, ici, s’habille quand même en Guccià

(1) et (2) in The International Herald Tribune, 10 juillet 2008.

Isabelle Willot

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