Les Fashion Weeks ont rendu leur verdict. Retour sur les grands événements qui ont fait Milan et Paris. Et zoom sur les tendances hivernales.

L’HUMEUR SOMBRE

Est-ce la crise économique qui donne des idées noires aux créateurs, les influençant au moment du choix de leur palette de couleurs ? Toujours est-il que l’hiver prochain sera black, ou à tout le moins sombre. Que ce soit chez Prada, Hermès, Gucci, Givenchy, Ralph Lauren (photo) ou Yves Saint Laurent, les teintes obscures auront plus que jamais la cote.

ENTRÉE EN GARE

Une structure eiffelienne métallique au plafond, des bruits de pas qui résonnent, une horloge qui égrène les minutes, dans quelle gare sommes-nous ? Dans celle que le malletier Louis Vuitton a recréée, grandeur nature, s’offrant le luxe, la folie d’y faire pénétrer toute vapeur fumante une locomotive estampillée maison. Laquelle tire lentement un wagon où siègent 47 passagères chics, vêtues de robes longueur mi-mollet portées sur pantalon droit – la nouvelle superposition. Sifflet, arrêt, une à une, les voyageuses descendent le marchepied, foulent le runway, suivies comme leur ombre par un bagagiste les mains pleines de sacs en cuir, en chèvre de Mongolie tie and dye, de clutch, de valises rétro et de boîtes à chapeau en croco. Marc Jacobs, pour qui c’est tous les jours la journée de la jupe, salue, il sait que le compte est bon.

L’ANNIF D’ALBER

Dix ans d’Alber Elbaz chez Lanvin, et c’est la fiesta. Dans la Halle Freyssinet à Paris, tendue de velours noirs, sur le catwalk, des tables avec faux gâteau d’anniversaire, trois étages, mauve pâle, perles et kitsch assumé. C’est l’heure de l’apéro, petits fours et coupettes, flashs pour Dita von Teese, Pharrell Williams et Tilda Swinton. Puis place au show, festival de couleurs, de volants et de sexy attitude aussi, même en Néoprène, Elbaz aime les femmes. D’ailleurs, le voilà sur scène, qui entame un  » Que sera, sera  » avant de s’avancer sur le runway, d’esquisser un pas de danse – les bras en croix, il fait la toupie, la  » fun party  » peut commencer, Pink Martini prend le relais, sous un lustre à pampilles démesuré. Chez Lanvin, on a le sens de la fête.

MÉTAL HURLANT

Entre l’âge de bronze et l’âge d’or, avec poussée de Lurex. Ou comment pallier l’absence de rayons de soleil durant l’hiver 12-13. Mais sans bling-bling. Les alliages prennent parfois des couleurs (vert, bleu), les hologrammes s’invitent à la fête et les dragons aussi. Même Paco Rabanne fait du Paco Rabanne. Et Cédric Charlier (photo), pour sa première collection, remporte la médaille.

LA CAPE SANS L’ÉPÉE

L’hiver 12-13 marquera le sacre de la cape. Dolce & Gabbana (photo) en a fait la pièce maîtresse de son défilé. On l’a repérée aussi chez Gucci, Salvatore Ferragamo ou Miu Miu. Cependant, des catwalks à la rue, il y a un pas, manifestement difficile à franchir. Dans le showroom d’un label commercial italien, la responsable des ventes a confié que le public se montrait encore frileux à l’égard de cette pièce. Alors… cap’ ou pas cape ?

L’AU REVOIR (BIS)

C’est peu de dire que le Belge Raf Simons est un des chouchous de la sphère fashion. Celle-ci ne pouvait donc qu’applaudir à tout rompre son dernier défilé en tant que directeur artistique de la griffe Jil Sander (photo), reprise en main par… Jil Sander herself. Ovation debout, et rappel par la même occasion. On a vu des fans se réconforter dans les bras l’un de l’autre, la larme à l’£il, à côté des six majestueux bouquets réalisés par le fleuriste anversois Mark Colle, à partir de 65 variétés de plantes. Emotion semblable du côté d’Yves Saint Laurent, où l’Italien Stefano Pilati présentait son ultime show en tant que directeur de la création – il sera désormais remplacé par Hedi Slimane. Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Alicia Keys et Katy Perry se sont levées pour acclamer sa collection à dominante noire.

AU TAPIS

C’était à qui trouverait sans s’en cacher et en s’en vantant l’imprimé tapis ou rideau le plus  » ugly  » possible. Et de hisser au rang de bon goût cette faute fashion avérée. Le plus fortiche dans son genre, Marc Jacobs chez Vuitton, talonné de près par Marco Zanini chez Rochas ou Bill Gaytten chez Christian Dior (photo). Les autres, délaissant le concept, optèrent pour l’inspiration carpette – folklorique chez Hermès par Christophe Lemaire, spirituelle chez Stephan Schneider ou Renaissance chez Carven. De l’art en toutes circonstances.

BLEU/BLUE/BLAUW

Avertissement : il y a autant de bleus que d’océans et de mers. La preuve sur les catwalks : il est nuit chez Ann Demeulemeester (photo), roi chez Kenzo, presque vert chez Vanessa Bruno. On a donc vu les créateurs voter en masse pour cette couleur-là, dans toutes ses nuances, du clair au canard, avec Lurex, reflet satiné ou maille torsadée. Ne pas croire cependant que le bleu est le nouveau noir, rien à voir.

LA REVANCHE DES MANCHES

Pourquoi faire uniforme quand on peut faire contrasté ? De Chanel (photo) à Mugler et de Dries Van Noten à Rick Owens, la manche se pousse du coude. Avec de la fourrure, du cuir, de la mousseline, des broderies (d’un seul côté), des plumes, pourvu que ce ne soit pas dans la même matière que le reste, c’est la belle.

TOUR DE TAILLE

Aucun rapport entre la grossesse avancée de Phoebe Philo, directrice artistique de Céline, et cette martingale qui par un joli tour de passe-passe a quitté le dos pour le devant, à hauteur de la taille. On pensait qu’il n’y avait pas trente-six façons de souligner cet endroit-là du corps, on se trompait. On peut aussi arrondir les angles avec des vestes à basques sinueuses (Lanvin, Ann Demeulemeester), se jouer des couleurs en trompe-l’£il (Balenciaga) ou corseter le tout d’une autre matière (Giambattista Valli – photo). L’imagination au pouvoir.

LA FÉLINE

Elle avance, d’un pas délié, à l’opposé de la cadence accélérée des mannequins interchangeables d’aujourd’hui. Quand Naomi Campbell ferme le défilé Roberto Cavalli (photo), la démarche se fait chaloupée, tous les regards se tournent vers elle. Une vraie féline.

L’INCRUSTATION

Pour l’hiver prochain, les marques de luxe rebrodent toujours plus leurs looks de pierreries, perles et sequins. Chez Dolce & Gabbana, l’inspiration est baroque, avec des détails dorés qui ne sont pas sans rappeler l’encadrement des miroirs. Louis Vuitton opte pour des laines de couverture,  » ces trucs plutôt moches  » d’après Marc Jacobs, qui se parent cet hiver de cristaux et motifs plissés. Quant à Miuccia Prada, toujours prête à expérimenter, elle illumine des tenues noires aux coupes simplissimes d’une cascade de pierres, cristaux, perles baguettes et cabochons géants (photo). Le tout en plastique, on n’est pas à un paradoxe près…

LA PATTE DE VELOURS

S’il ne fallait retenir qu’une matière, ce serait celle-là : le velours. Chez Gucci (photo), l’étoffe noble est combinée, tout en contrastes, avec des mousselines transparentes ultralégères. Mais attention, ne pas se fier aux apparences : tout ce qui est lustré n’est pas velours. Chez Prada, par exemple, il s’agit de fourrure, coupée ras. Du luxe, jusqu’à la pointe du poil.

LE TOUR DE MAGIE

Pour le lancement de leur collection de sacs, les Canadiens de Dsquared2 n’ont pas hésité à se couper en quatre. Au propre comme au figuré. Une centaine d’happy few ont eu la chance d’assister à une soirée placée sous le thème de la magie et de l’illusion. Les jumeaux créateurs étaient sur scène, à mouiller leur chemise. Entrer dans une minuscule boîte, disparaître, se faire transpercer de couteaux… même pas peur ! n

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON ET CATHERINE PLEECK

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content