Entouré de son équipe de pros, Alexis Dralet, chef maquilleur chez L’Oréal Paris, s’apprête à revivre un nouveau marathon make-up pendant les 12 jours du Festival de Cannes qui débute ce 13 mai. Rencontre aux marches du Palais.

Ne lui demandez pas de vous parler des films en compétition lors du Festival. Cela fait douze ans qu’il débarque à Cannes suivi d’un semi-remorque débordant de produits de beauté – plus de 50 000 paraît-il – mais il n’a jamais eu le temps d’assister à la moindre projection officielle.  » J’ai les échos et c’est déjà pas mal pour me faire une idée de ce que j’irai voir ou pas, quand le festival sera terminé, précise Alexis Dralet, aux commandes de la suite L’Oréal, lovée au sommet de l’hôtel Martinez. Pendant douze jours, il orchestrera les mises en beauté des stars avant la montée des marches mais aussi avant les interviews, les photocalls et les soirées qui feront scintiller Cannes de mille feux. Coaching de pro.

Vous faites cet exercice périlleux depuis douze ans maintenant. Quel conseil donnez-vous aux maquilleurs qui travaillent avec vous ?

D’être avant tout psychologues ! Et de s’adapter à la personnalité qu’ils ont en face d’eux. On croise ici toutes les nationalités et tous les âges. Cela n’a rien à voir avec une séance de maquillage pour un shooting de mode avec un mannequin. Le travail doit être beaucoup plus minutieux.

Parce que les stars sont plus capricieuses que les autres femmes ?

Elle sont simplement très exigeantes : elles ont tellement l’habitude d’être devant les caméras, de voir leur visage en XXL sur grand écran. Elles se connaissent parfaitement – qualités et défauts – sous toutes les lumières, sous tous les angles. Et ont une idée très précise aussi de l’image qu’elles veulent donner d’elles. C’est un vrai challenge de les mettre en confiance. Les actrices sont de moins en moins nombreuses à venir avec leur staff maquillage perso car elles savent qu’elles peuvent trouver des gens de qualité disponibles sur place. Elles sont particulièrement attentives aux suggestions et aux conseils de nos maquilleurs.

Entre la gestion des plannings, le rush de l’avant-montée des marches et les exigences de dernière minute à satisfaire, trouvez-vous encore le temps de maquiller vous-même ?

Bien sûr, en particulier les gens que je connais depuis plusieurs années. La particularité des comédiennes, c’est quand elles se sentent en confiance avec quelqu’un, elles ne veulent plus en changer. Une séance de maquillage, cela doit être un moment de relaxation. En aucun cas une source de stress supplémentaire, il y en a déjà assez pendant le Festival, entre la montée des marches, les interviews, les plateaux téléà

En plus de l’effet  » red carpet « , y a-t-il une lumière qui soit propre à Cannes ?

On doit tenir compte du temps qu’il fait pour le maquillage des interviews de la journée. S’il fait gris, on doit éviter les choses trop sombres, trop mates. A l’inverse, quand on a des lumières très fortes, on sait que le soir, pour 19 h 30, le soleil va se refléter sur le tapis rouge. Cela joue sur la couleur de la peau. Il faut bannir les teintes trop rosées pour les peaux claires et de trop matifier les peaux sombres.

Auriez-vous un conseil à donner à quelqu’un qui monterait les marches la semaine prochaine ?

Même si c’est la fête, ne pas surcharger le maquillage : plus on avance en âge, plus il faut alléger le teint. C’est très important. Sinon, vous allez faire ressortir les imperfections et les rides. Il n’y a rien de pire que l’expression  » maquillage de star « . Cela ne veut plus dire grand-chose. Un maquillage est réussi s’il arrive à faire ressortir la personnalité de chacune d’entre vous. Il faut cesser d’asséner des mantras du style :  » Cet été, la tendance c’est la bouche laquée.  » Parce que cela ne va pas à tout le monde. Je dirais même que sur une femme de 45 ans et plus, c’est carrément une catastrophe.

Les hommes aussi demandent à se faire maquiller ?

Oui, ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux même si ce n’est pas nouveau. Eux aussi enchaînent des interviews, des séances photos, des télés, non-stop toute la journée. Cela s’arrête au teint, mais c’est l’essentiel.

De plus en plus d’actrices ont recours au Botox pour estomper les rides. Cela a-t-il changé votre manière de travailler ?

Cela se voit, bien sûr, quand une actrice est botoxée, car certaines parties du visage se figent. Mais cela ne change rien au niveau du maquillage. C’est moins grave en tout cas que les visages ultraliftés d’il y a quelques années. Car plus une femme est liftée, plus les pores vont être dilatés. Et là, il faut corriger le teint.

Cannes, c’est aussi – même surtout – la fête. Que proposez-vous pour camoufler les désastres des soirées trop arrosées ?

Pour donner un coup de pouce en cas d’urgence, rien de tel que les petits masques éclat express. Mais toutefois la seule recette qui marche pour avoir une jolie texture, et les comédiennes le savent toutes très bien, c’est de prendre soin de sa peau : nettoyer, hydrater, utiliser un antirides si nécessaire.

Quel est votre plus mauvais souvenir sur la croisette ?

Une grande star américaine que je ne nommerai pas ne devait rester à Cannes que 48 heures. Douze jours plus tard, elle était encore là et elle avait littéralement séquestré l’une de mes maquilleuses qu’elle prenait pour une bonne à tout faire. En plus elle était horriblement capricieuseà

Propos recueillis par Isabelle Willot

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