Créateur de maquillages chez Dior, puis chez Shiseido, Serge Lutens se consacre, depuis plus de douze ans, à l’art des parfums. Cité comme le meilleur créateur de son temps, il nous présente Miel de Bois, son dernier-né.

Carnet d’adresses en page 80.

Serge Lutens cultive la rareté. Dans son travail, bien sûr, mais aussi dans son art de vivre. Il a élu pour domicile Marrakech, la plus belle ville du Maroc. Ses apparitions sur la scène parisienne deviennent occasionnelles et exceptionnelles. De passage à Paris, il s’installe, comme Coco Chanel, au Ritz. A l’occasion du lancement de Miel de Bois, c’est donc dans un des confortables salons de ce palace qu’il a reçu, en exclusivité, Weekend, et s’est soumis, avec sa gentillesse habituelle, au questionnaire de Proust.

Le bonheur parfait selon vous ?

Le nom lui-même fait beaucoup de mal, car il ne peut pas être fixe. Il change avec nous et avec les choses. Rien n’est moins stable que cette idée de bonheur. Le moment où on l’a, il n’est déjà plus.

Quand dans votre vie avez-vous été le plus heureux ?

Le bonheur est synonyme du moment où j’ai pu réaliser quelque chose de beau, quand je viens de terminer un parfum, par exemple. Ce moment dure très peu de temps. A l’instant où je me dis : ah, c’est beau…, tout est déjà évanoui.

Le principal trait de votre caractère ?

Je le dessine chaque jour… Je ne sais pas.

Et votre principal défaut ?

Je les ai tous. J’espère les avoir tous !

Votre dernier fou rire ?

Dans des circonstances les plus stupides, en faisant ou en racontant des bêtises avec des personnes proches et complices. Cela se termine par un fou rire, proche du relâchement total. C’est toujours assez puéril, mais il s’agit de moments très précieux qu’on ne peut pas partager avec tout le monde.

Et la dernière fois que vous avez pleuré ?

Il y a longtemps que je n’y arrive plus. Je ne m’en souviens plus. Les larmes pourraient surgir par une émotion musicale ou par la beauté, un frisson de beauté.

La qualité que vous préférez chez un homme ?

La gentillesse. Je pourrais l’appeler aussi la bonté ou la générosité.

Et chez une femme ?

L’intuition. Et aussi son côté imprévisible.

Vos compositeurs préférés ?

Jean Sébastien Bach. Je peux l’écouter pendant des heures. Il réunit la rigueur, l’élégance et la beauté.

Votre film culte ?

Je n’en ai pas. D’ailleurs, je ne vais plus au cinéma.

Vos peintres favoris ?

Les peintres espagnols : El Greco et Velazquez, dans ses portraits posés. Et Picasso.

Votre livre de chevet, si vous en avez un ?

J’ai mes périodes d’écrivains. Quand je m’intéresse à un auteur, je le dévore, je l’adore, je le dissèque et je l’épuise. Puis vient un grand vide. Je viens de quitter Jean Genet dont je suis devenu un spécialiste. Je peux donner un cours à la Sorbonne.

La figure historique que vous admirez ?

L’écrivain japonais Mishima au moment de son suicide. J’admire toutes les figures qui n’arrivent plus à vivre et ont le courage de quitter la vie.

Vos héros aujourd’hui ?

Je n’en ai pas.

Votre occupation préférée ?

Ne rien faire, c’est-à-dire être très occupé.

Votre boisson favorite ?

L’eau gazeuse très fraîche. Surtout l’eau marocaine Oulmès Sidi.

Votre couleur préférée ?

Le noir. Et aussi tous les pourpres et les violets, les couleurs extrêmement religieuses.

Que détestez-vous par-dessus tout ?

La prétention, l’arrogance et la suffisance.

La faute pour laquelle vous avez le plus d’indulgence ?

Toutes. Si elles sont bien commises et si elles sont justifiées.

Qu’avez-vous réussi de mieux dans votre vie ?

Je ne sais pas encore.

Que possédez-vous de plus cher ?

Ce que j’aime dans l’instant.

Quel serait votre plus grand malheur ?

Rendre malheureux quelqu’un que j’aime beaucoup.

Comment aimeriez-vous mourir ?

Le plus vite possible, sans m’en apercevoir.

Votre plus grand regret ?

Je les ai tous, je n’en ai aucun.

Et votre devise ?

Ne pas en avoir pour ne pas mentir.

Barbara Witkowska

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