Barbara Witkowska Journaliste

c’est la valeur sûre de toute garde-robe. qu’elle soit spectaculaire, glamoureuse, audacieuse ou tout simplement classique et élégante, elle s’apprête, cet été, à faire de l’ombre à l’incontournable tee-shirt.

Carnet d’adresses en page 51.

Féminité, originalité, élégance et nonchalance signent cette superbe et singulière collection de Gilles Rosier, baptisée Shirts & Collars in Motion. Gilles Rosier a quitté la direction artistique de Kenzo. Il vient de signer un contrat avec un groupe italien et prépare, pour l’hiver 2004, une importante collection de prêt-à-porter à son nom. La chemise n’est donc qu’une ligne transitoire. Une parenthèse en quelque sorte que le créateur s’est offerte pour se faire plaisir et pour concrétiser sa passion pour la chemise.  » Je suis assez obsessionnel, explique-t-il. Quand j’aime un vêtement, j’aime bien disserter autour de lui. Or, la chemise est un vêtement essentiel : elle fait partie de chaque vestiaire. Empruntée à la garde-robe masculine, elle embellit aussi la femme. C’est un vêtement qui rassemble l’homme et la femme. Mes chemises peuvent être portées par les deux sexes.  »

L’engouement de Gilles Rosier pour la chemise a été nourri par des images très précises. Son imagination en est imprégnée de façon indélébile. Tel ce tableau de Thomas Gainsborough, peintre anglais du XVIIIe siècle, qui met en scène un groupe d’aristocrates, après le souper. Légèrement débraillés, vêtus de chemises blanches, froissées avec noblesse, ils symbolisent, pour le créateur de mode, l' » élégance désinvolte et insouciante « . Ou encore cet autoportrait de Cecil Beaton, aperçu à la New Tate Gallery, à Londres. Le célèbre photographe s’est immortalisé avec une chemise blanche, très fine, complètement lacérée.  » Cette photo m’a vraiment marqué, confie Gilles Rosier. Il est certain qu’elle a inspiré mes envies de chemises amovibles, avec des fentes apparentes ou en pièces détachées.  » L’autre source d’inspiration ? La danse. Gilles Rosier en est fou. Abonné depuis dix ans au Théâtre de la Ville à Paris, il ne rate aucun spectacle et s’emballe surtout pour les chorégraphies de Pina Bausch ou encore de la Belge Anne Teresa De Keersmaeker. Cet amour pour la danse vient d’ailleurs d’aboutir à la rencontre avec le chorégraphe Angelin Preljocaj et à la création de costumes pour son nouveau spectacle  » Near Life Experience « .

La gestuelle des danseurs et la grâce de leurs mouvements sont donc le fil conducteur de la collection Shirts & Collars in Motion.  » L’idée m’est venue pendant un spectacle, note Gilles Rosier. Les asymétries se sont imposées tout de suite, car elles prolongent le geste. J’ai pensé à des vêtements qui gardent la mémoire du geste, d’où ces chemises vrillées qui tournent autour du corps et épousent ses distorsions.  » Idée admirablement traduite dans cette chemise blanche à col cassé. De multiples rangées de minipressions permettent de l’enrouler sur le corps de différentes façons et de créer des drapés couture très sophistiqués. Le col, amovible, est un clin d’£il au savoir-faire des chemisiers habilleurs du début du XXe siècle. La robe noire (ou blanche), inspirée de la chemise vrillée et savamment  » lacérée « , peut être portée avec ou sans manches. Le travail sur le modèle finement rayé noir et blanc est impressionnant, car il concilie admirablement le graphisme rigoureux et rectiligne avec les mouvements ondoyants de la silhouette. Remarquable et inattendue, aussi, cette tenue qui signe le compromis entre la chemise et le marcel. Des bretelles élastiques en satin noir passent à travers un joli col rayé de noir et de blanc. On pense à des ailes d’ange. Un hommage à l’Ange Bleu et à Marlene Dietrich,  » l’icône de l’élégance « , selon le styliste ? Toute la collection est animée par des idées vraiment nouvelles, empreintes d’un esprit ludique. Les cols se transforment en sac à main, le n£ud papillon peut faire office de porte-carte de crédit, les manchettes se portent comme des bracelets, le gilet devient ceinture. Tout est illusion, trompe-l’£il et jeu de séduction.  » J’aime cette idée de l’étude d’un vêtement, d’un vêtement qui n’est pas achevé « , conclut Gilles Rosier. A nous donc de lui apporter notre touche de personnalité et notre supplément d’âme, de le faire vivre et de le faire évoluer…

Réminiscences de Hollywood

La pin-up des années 1950 avec ses courbes sensuelles et sa taille de guêpe est pour les stylistes une source inépuisable d’inspiration. Marc Jacobs pour Louis Vuitton craque à son tour pour ces héroïnes inoubliables et ces beautés fatales des superproductions hollywoodiennes. Depuis lors, les m£urs se sont bien assouplies. Libérée et extravertie, la féminité est donc davantage exacerbée, la silhouette plus coquine et plus aguichante. Les décolletés plongent, la chair se dévoile généreusement, le nombril s’affiche. Souple et soyeuse, la chemise coule sur le buste avec sensualité. Idéale pour une belle journée, ce pyjama-short couleur chocolat, souligné de lisérés et de boutons blancs. Revisitée, la chemise est taillée près du corps et féminisée par des manches rondes et bouffantes. Elle est pimentée par un short assorti aux volumes amples et flous. Le soir ? On opte pour le glamour. Les matières brillent et scintillent. L’or pâle, l’or jaune ou le bronze s’exhibent avec audace et nonchalance. Les matières fluides se drapent sur les épaules, se froncent sur le ventre ou entre les seins. Pour les accompagner, les jupes sont aussi de la fête. Sensuelles, elles se nouent sur les hanches à la manière d’un sarong et s’accompagnent d’une spectaculaire ceinture dorée. Sexy et insolites, elles ressemblent à un rideau confectionné avec de fines lanières. Mais, si vous voulez la jouer vraiment branchée, essayez la microchemise dorée à porter avec un slip  » festif  » en satin !

Le classicisme revisité

Si Façonnable a connu la gloire, il y a quinze ans, avec ses pièces à manches (blousons et parkas), elle est aujourd’hui devenue une vraie griffe de prêt-à-porter, à la fois classe et décontractée. Le point fort de la silhouette ? La chemise ! Souvent, elle est blanche, taillée près du corps, allurée et indémodable. Vous désirez sortir du blanc ? Optez pour le noir (l’autre best-seller), le bleu, le rouge ou le jaune. Et pourquoi pas les rayures ? Cet été, elles les interprètent façon matelas ou tennis, sont nettes ou irrégulières, bien dessinées ou fondues, horizontales ou verticales. Envie de fraîcheur ? Adoptez une ambiance champêtre avec des cotons joliment fleuris. Ces chemises romantiques séduisent à l’unisson avec des bobs, foulards ou hauts de maillots coordonnés. Plus fantaisie, la chemise blouson tient l’un des premiers rôles dans la nouvelle collection. En peau, elle s’affiche par-dessus un tee-shirt. Le lin, très présent, affiche un aspect  » beaucoup porté  » et vieilli, tendance vintage oblige. Les plus beaux cotons sont à l’honneur. Tissés en Italie, ils sont double retors (doublement tordus, dans la chaîne et dans la trame) ; ce qui leur confère une longévité en beauté. Ils sont aussi Stretch, pour le confort. La qualité des matières n’est pas la seule et unique raison du succès de la marque. Le soin tout particulier est apporté lors de la confection, notamment dans les modèles imprimés ou à motifs. Les lignes et les carreaux sont ainsi parfaitement raccordés, au niveau des coutures.  » La chemise pour homme est, depuis dix ans, notre spécialité, souligne Serge Cohen, directeur du développement de Façonnable, et représente 40 % de notre chiffre d’affaires. La chemise femme, plus récente, ne cesse de progresser et atteindra rapidement les 30 %. Cela dit, il est important de souligner que nous ne déclinons pas la chemise d’homme au féminin. La coupe est réellement féminine, très travaillée. Chaque modèle s’agrémente de petits détails raffinés ou de piqûres sellier.  » Et tous les boutons, aussi bien chez la femme que chez l’homme, sont, comme il se doit, en nacre. Bref, ce seront nos  » best  » de l’été…

A la recherche de nouveaux volumes

 » J’adore la chemise, parce que c’est élégant et très frais, surtout en été « , s’enthousiasme Sofie d’Hoore. La chemise ? La styliste belge aime la détourner et la réinventer, lui dessiner de nouveaux volumes. De son esprit classique, elle garde la matière, la popeline 100 % coton, ultrafine, tissée avec un fil à double retors, ce qui donne au tissu un aspect plus  » sec « , sans être rêche. L’autre emprunt à la tradition ? La finition et les coutures anglaises : une chemise doit être aussi belle à l’extérieur qu’à l’intérieur. Parmi les modèles phares de la collection été, il y a tout d’abord la chemise enrichie de drapés. Elle intègre des élastiques dans les manches et dans l’encolure. On peut alors jouer la séduction à sa guise, en dénudant une seule épaule, ou les deux, en dévoilant ses bras ou ses avant-bras. Spectaculaires : ces modèles aux volumes énormes, inspirés des chemises d’Yves Saint Laurent qui ont fait un tabac dans les années 1970. Sofie d’Hoore conseille de les glisser à l’intérieur d’une jupe et de les sortir un peu bouffantes. Ou sur un pantalon, mais alors portées à l’extérieur. Epinglons aussi la vareuse à manches longues, une chemise qu’on enfile par la tête. Pour la plage, il y a encore un modèle surdimensionné, arrivant à mi-cuisse. On l’arbore sur un maillot. La chemise  » normale « , boutonnée devant, est déclinée en version manches longues ou sans manches. Il n’y a pas de version manches courtes, car Sofie d’Hoore  » aime la nonchalance des manches retroussées « . Les coloris ? Ils ont déjà le goût de l’été. Le choix sera difficile entre le blanc, l’orange très vif, le bleu touareg (cobalt foncé), le poudre et le mastic.

Et aussi…

Le rouge mercurochrome est la couleur préférée de Bali Barret. En version plus discrète, le fil rouge û boutonnières, surpiqûres, détails û est sa marque de fabrique. Il y a du rouge dans les chemises de cet été. Elles sont comme on les aime : taillées près du corps mais pas trop moulantes, juste ce qu’il faut pour bouger aisément. Les coupes sont nettes et classiques. Un brin masculines, elles rappellent, cette saison, les chemises d’uniformes. La blanche, incontournable, est en piqué de coton. La manchette est soulignée par une surpiqûre rouge et se ferme par des boutons à manchettes rouges. Elle accompagne idéalement un tee-shirt gris et se glisse à l’intérieur d’une jupe droite noire. La chemise rouge a un col polo et est taillée dans un voile de coton chintzé, à l’aspect légèrement satiné. L’idéal est de la porter avec un costume composé d’un veston trois boutons et d’un pantalon étroit taille basse. Look alluré assuré. Chez System, on joue à fond la nostalgie pour nous plonger dans l’ambiance des campus américains des années 1960. L’époque d’insouciance et d’innocence est interprétée avec des matières fraîches et légères, tels le voile ou le satin et des coloris joliment basiques : blanc, rouge, vert, kaki et bleu marine. Les chemises, unies ou à fines rayures, s’enfilent par-dessus un tee-shirt ou un pull et se portent avec nonchalance, dans un esprit masculin/féminin. Chez Gigue et Point Virgule, place à la féminité sexy, mais relativement sage. En vedette, les chemisiers cache-c£urs, le plus souvent cintrés, mettent en scène des bustes menus. Des cotons mats et des viscoses brillantes, parsemés de lignes ou de motifs floraux, privilégient les tons doux et tendres de blanc, de beige, d’écru, sable et kaki et les pastel poudres.

Barbara Witkowska

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