L’interprète féminine de l’année aux dernières Victoires de la musique va enflammer la scène du Festival Couleur Café, ce dimanche 27 juin, à Bruxelles. Pour Le Vif Weekend, la Femme chocolat de la chanson se prête au jeu des dix mots. Tout feu, tout femme.

Latine

Mes racines méditerranéennes remontent de plus en plus. Je parle fort, je ris, je pleure vraiment, je suis extrême, passionnée et n’arrive pas à cacher mes sentiments. Mon visage est un livre ouvert. Mes trois grands-parents sont espagnols, c’est la famille Ruiz dans le sens le plus romanesque du terme. Lorsque je regarde Volver, de Pedro Almodóvar, je me dis :  » Aucun doute, je viens de là.  » Et en même temps, je me reconnais autant dans Un air de famille, de Cédric Klapisch, les quatre-vingt-dix minutes auraient pu se passer intégralement dans le café que tenaient mes parents, quand j’étais petite. En ce moment, j’entame des recherches de psychogénéalogie. Je sais que j’y trouverai les clés de ma vie et de mon tempérament.

épicurienne

Je le suis complètement. On le sent dans mes chansons puisque j’emploie toutes ces métaphores culinaires, comme Les Crêpes aux champignons, même si le texte évoque la folie. Ou bien Goûtez-moi. Mathias (Malzieu) m’a écrit La Femme chocolat, chanson dans laquelle il parle de ma gourmandise. Oui, je suis épicurienne dans l’âme. J’aime caresser un bronze de Botero. Respirer les parfums de la garrigue. Admirer des tableaux.

Scène

C’est mon lieu. L’endroit qui me ressemble. Sur scène, il n’y a plus de place pour ce que je déteste en moi, mes ombres, mes démons. Je ne dois pas m’abandonner à mes travers et à mes sources d’angoisse. Il ne reste que mon courage, ma façon de me surpasser. On me rétorque souvent :  » Toi, tu es authentique, naturelle, très à l’aise.  » Si l’on savait comme, dans la vie, je me sens parfois déplacée. Avant un concert, je vais toujours très mal. J’ai besoin de m’enfermer dans ma loge, de faire plein de rituels, de me concentrer, de me détendre et d’enfiler ma robe très lourde – plus de 4 kg. Mais dès que je suis sur scène, tout devient léger, urgent, frontal. Je suis convaincue en une demi-seconde que je suis la plus forte et je prends les spectateurs à bras-le-corps. Quand je les vois chanter, rire de mes blagues ou m’écouter dans un silence d’église, alors je me sens bien : je me sens utile.

Miroir

Celui que j’utilise dans mon spectacle est une frontière symbolique entre les parties visible et invisible de ma personnalité. C’est à la fois le miroir de Blanche-Neige, l’idée de voir la vérité en face et le clin d’£il à Cocteau, qui m’a tant fascinée quand j’étais étudiante en art dramatique. J’aime aussi ce lien avec des fantômes cachés derrière ce miroir aux artistes : les miens seraient Fréhel et les grandes voix de Montmartre. Chaque soir, le trait d’eye-liner que je trace devant ma glace avant d’entrer en scène est un hommage à Juliette Gréco, Barbara, Marilyn, Betty Page, Nina Hagenà

Engagement

J’ai milité toute jeune pour Ras l’front, été sensibilisée par Greenpeace, la Fondation Abbé Pierre ou les frères Cantona. Mon cachet pour la publicité de Coca-Cola Light a été reversé entièrement au Secours populaire et à l’association Lutt’Opie, fondée par mon frère, Anthony. Il a 25 ans, un diplôme de psychologue culturel et il rappe aussi sous le nom de Toan – on le retrouve dans Le Saule pleureur, un titre de mon dernier album. Anthony a créé Lutt’Opie après un voyage au Burkina Faso, où il réparait des puits. Il a découvert de jeunes rappeurs et m’a demandé de l’aider à les faire connaître. Ce n’est pas de l’assistanat, mais un coup de projecteur sur un vivier de talents. L’association a construit récemment une école à Diapaga, dans la brousse, et mis en place un atelier vidéo (www.fasoburkina.com).

Défi

Il me faut sans cesse tenter des expériences nouvelles, sinon je m’ennuie. Je passe d’un projet à un autre, d’un duo avec un copain chanteur au doublage d’un dessin animé : je viens de faire la voix d’une petite tortue dans Le Voyage extraordinaire de Samy, au côté de Dany Boon, Elie Semoun et Guillaume Gallienne (sortie le 11 août).

Juke-box

Mes parents tenaient donc un café dans lequel il y avait bien sûr un juke-box, un flipper et un baby-foot. J’ai gardé cet esprit bistrot. Pour mes 30 ans, Mathias m’a amenée à New York et j’ai craqué pour ces juke-box superkitsch, chromés, avec plein de lumières qui clignotent. J’aimerais en avoir un chez moi, dans chaque pièce. Moi, je pourrais résumer ma vie avec 50 disques dans un juke-box.

Lecture

Je ne m’endors jamais sans un livre pour plonger dans une histoire qui n’est pas la mienne et m’oublier. Lire m’empêche de gamberger. M’aide à lutter contre mes propres névroses. J’aimerais tant prendre sur moi, faire preuve d’autodérisionà Quand je suis en tournée et que j’ai oublié de prendre un roman, c’est la panique. J’en emprunte vite un, n’importe lequel, celui qui traîne. Avec Mathias, nous nous recommandons souvent des livres. Et puis, il me lit des pages de son nouveau roman, et moi, mes derniers textes.

Grigris

(Elle ouvre son sac.) Une décoction de Rescue, qui me réconforte et me rassure. Un badge peace and love qui appartenait à Patti Smith et qu’un ami m’a donné. Mes cahiers avec mes notes et mes dessins. Et des pages d’Internet sur des sujets précis qui m’intéressent, comme la sophrologie.

Amitié

J’ai une vraie famille d’amis qui sont les mêmes depuis longtemps. Je ne conçois pas ma vie loin d’eux. Le lendemain des dernières Victoires de la musique, je ne pouvais passer ce dimanche sans mes proches. Mathias et moi, au début de notre relation, étions juste des amis. Il m’écrivait des chansons, des clips, on travaillait ensemble. Notre profonde amitié s’est transformée en un grand amour.

Couleur Café, www.couleurcafe.be

Miss Météores (Polydor/Universal)

Par Gilles Médioni

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