Enfin une bonne nouvelle ! Artistes, blogueurs, restaurateurs et stylistes trouvent dans la déprime financière un formidable élan à leur créativité. Quand récession rime avec inspiration…

Résumons : la crise nous a plumés cet hiver, elle compte nous habiller pour les douze mois qui viennent : pas un JT, pas un discours politique, pas une causette au bord du zinc qui ne prophétisel’apocalypse.  » La crise d’hier est la plaisanterie de demain « , disait l’écrivain H. G. Wells. En attendant, le c£ur n’est pas vraiment à la rigolade… Et pourtant : à Londres, New York, Naples ou Paris fleurissent des fêtes antirécession comme autant de remèdes à la morosité ambiante.

« Les gens ont besoin d’un défouloir « , analyse Patrizio Miceli, à l’origine du site Aldentelacrise. com, qui propose à chacun de créer des slogans sur le thème de la crise. Les meilleurs sont convertis en stickers et en tee-shirts vendus chez Colette, temple parisien de la branchitude.  » Nous avons reçu plus de 3 000 propositions par jour « , se félicite le publicitaire. Lequel est loin d’être le seul à trouver dans la déprime financière un formidable élan à son inspiration : un petit site joyeusement rageur par-ci – fucklacrise.com un blog malicieux par-là (speculand.com), et déjà le moral, à défaut de nos avoirs, remonte.

Sans compter des dizaines de chansons, comme l’énergique La Crise, du rappeur Rohff, ou le plus doux Parachute doré, d’Alain Souchon. Proposé gratuitement aux internautes, le titre, qui figure sur le nouvel album du chanteur, a été téléchargé 70 000 fois les deux premières semaines ! Plus potaches, ces  » subprimeblues  » nés par dizaines sur le Net et dont on retient l’hilarant Lyin’ on the Docs ’bout My Pay inspiré du classique d’Otis Redding. Autre pochade, le Qui qui va payer le krach ? du magazine Groland, sur Canal +, ou le vibrant hommage des deux compères de la Chanson du dimanche à Bernard Madoff, l’ancien roi du Nasdaq soupçonné d’une fraude de 50 milliards de dollars (39 milliards d’euros) :  » Capitaine Madoff ! Mais qu’est-ce qui nous arrive ? Capitaine Madoff ! On part tous à la dérive « .

Mais, si on vogue à la dérive, pas question de perdre le nord pour autant. Dans une société où tout se monnaie, la déroute financière s’est vite imposée comme un argument de vente. Captez l’air du temps, soyez furieusement  » crise « , clament sans rire les champions du marketing. En témoignent la gamme Recessionista de The Body Shop ou ce tout nouveau sac Money Money en PVC recyclé de la marque Xuly Bët. Dès le 6 avril, les  » frugalistas « , conceptimaginé par le New York Times pour désigner les fashionistas contraintes de se serrer la ceinture, auront même leur magazine  » anticrise « . Tips, lancé par Gérard Ponson (Entrevue, Choc, Gutsà) leur proposera deux fois par mois ses conseils mode, beauté ou déco à moindre coûtà ainsi que des bons de réduction.

Elles peuvent aussi offrir à leur trader de mari, un peu éprouvé il est vrai ces derniers temps, des boutons de manchette en forme de lingot et de parachute doré. Le tout en or, cela va de soi, et pour 800 euros. Provocation de mauvais goût en ces temps de désastre ?  » Non, juste un clin d’£il, justifie la créatrice Hélène Courtaigne Delalande. J’étais atterrée par la sinistrose générale et j’avais envie d’apporter une petite touche d’humour dans un monde de brutes. L’ironie est toujours salvatrice. « 

Jean-Charles de Castelbajac ne dit pas autre chose. Auteur d’une dizaine de slogans pour Aldentelacrise.com, le créateur est aussi très fier d’arborer le tee-shirt  » chaos from ca$h  » qu’a imaginé pour la marque Panda Kunst son fils Louis-Marie :  » C’est l’une des rares vertus de la récession : provoquer la réaction, déclencher les initiatives, remettre au goût du jour le sens du slogan. Je me souviens de l’ambiance électrique et chaotique qui a suivi la crise des années 1970. J’ai l’impression que la même chose est en train de se produire aujourd’hui.  »

En somme, on n’a plus de cash, encore un peu de pétrole, mais toujours des idées. Comme ce geste d’une géniale audace accompli en Floride, le 22 décembre dernier. Ce jour-là, de mystérieux voleurs dérobaient une statue d’une valeur de 10 millions de dollars (7,8 millions d’euros) dans la résidence de Bernard Madoff, à Palm Beach. Neuf jours plus tard, l’£uvre était restituée, accompagnée du billet suivant :  » Bernie l’escroc. Leçon : restituer la propriété volée à son propriétaire légitime. Signé : les éducateurs « . Une  » leçon  » que l’escroc du siècle, passible de vingt ans de prison et d’une amende de plusieurs millions de dollars, a désormais tout le temps de méditer… entre deux crises d’insomnie.

Géraldine Catalano

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