Bouleversante de fragilité en amoureuse éperdue d’un braqueur hors la loi, Marion Cotillard illumine l’envoûtant Public Enemies de Michael Mann. Et vit à 100 à l’heure sa part de rêve américain.

« Ce qui compte, ce n’est pas d’où l’on vient, mais où l’on va « , aurait murmuré John Dillinger à l’oreille de Billie Frechette le jour de leur rencontre. Lui, le gangster superstar, le braqueur chef de bande, le roi de la cavale aussi célèbre qu’Al Capone. Elle, l’orpheline née d’une mère indienne Menominee et d’un père français, malmenée par la vie, victime comme tant d’autres de la Grande Dépression. Sûr qu’elle n’a pas dû bien comprendre ce qui lui arrivait, le soir où ce Charmeur Public n°1 – celui qui osait si audacieusement s’en prendre aux banques accusées d’avoir mis l’Amérique à genoux – lui a demandé de tout quitter pour une vie de hors-la-loi. L’aventure, on s’en doute, finira mal : la prison pour elle, une balle dans la tête pour lui. Mais le mythe, lui, a survécu.

Pour conter cette passion aussi désespérée que romantique, sur fond de détonations d’armes automatiques et de courses-poursuites en Ford V8, Michael Mann, l’habitué des drames virils où ça cogne et flingue dur – souvenez-vous, l’adaptation ciné de Miami Vice, c’était lui – a su s’entourer. Dans le rôle du beau gosse bad boy de Public Enemies, Johnny Depp choisit une fois de plus le camp du perdant magnifique, celui qu’on sait foutu d’avance.  » C’est bien connu : je suis toujours du côté de l’Indien dans les films de cow-boys, toujours « , confie l’acteur à son ami le journaliste Douglas Brinkley dans l’édition de juillet du magazine américain Vanity Fair. Un gage de fidélité au sang cherokee qui coule dans ses veines, sans doute. Quant à Billie Frechette, pour lui redonner vie, Michael Mann cherche une jeune femme capable d’incarner d’un regard l’énergie du désespoir. C’est en voyant La Môme qu’il décide de donner à Marion Cotillard le rôle de cette outsider. Un choix scellé avant qu’elle ne devienne, auréolée de son Oscar, la nouvelle coqueluche de Hollywood.  » Marion est extraordinairement douée : totalement présente, pleinement investie dans le moindre geste, le moindre regard « , insiste le cinéaste.

Pour défendre Public Ennemies – une première vision de presse était organisée à New York en mai dernier pour une poignée de magazines triés sur le volet – Marion est venue seule. Preuve s’il en est que la prod mise gros sur son atout charme pour convaincre les femmes d’aller voir un film où brutes et truands des deux bords – les flics non plus ne sont pas des tendres – ont la gâchette facile. Pour son retour à l’écran après plus de deux ans d’absence, la compagne de Guillaume Canet ne se contente pas de jouer la petite frenchie de service,  » so cute « , comme c’est souvent le cas dans les films américains.  » Billie Frechette avait un père français, rappelle Marion Cotillard, mais elle ne parlait pas la langue. Au contraire, elle avait un solide accent du Midwest. Un accent que j’ai dû apprivoiser pour le rôle. Pendant quatre mois, j’ai travaillé tous les jours avec un dialect coach, comme on dit ici.  »

Après Johnny Depp, Leo DiCaprio

Ici, c’est l’Amérique, ce pays d’adoption dans lequel elle vit depuis plusieurs mois. Car pour elle, après l’Oscar de 2008, les tournages outre-Atlantique se sont enchaînés. En novembre prochain, on la retrouvera aux côtés de Daniel Day-Lewis dans Nine, la comédie musicale de Rob Marshall. Dans un an, sous la direction de Christopher Nolan, elle sera la femme de Leonardo DiCaprio dans Inception.  » En soi, ce n’est pas le fait de faire un film aux Etats-Unis qui est plus excitant, insiste Marion Cotillard. Mais de savoir que si vous vous retrouvez dans une superproduction avec un acteur comme Johnny Depp, vous touchez le monde entier. Ce qui est fascinant, c’est de pouvoir montrer un film dont vous êtes fière.  »

Aux anges aujourd’hui, Marion Cotillard a pourtant abordé le tournage avec appréhension.  » J’étais terrifiée à l’idée de remettre les pieds sur un plateau, avoue-t-elle. De plus, jouer dans une autre langue que la sienne est la chose la plus difficile qui soit au monde. Rien n’est naturel : il faut apprendre à réutiliser sa langue, ses mâchoires. Le problème, ce n’est pas seulement l’accent, c’est aussi le rythme. Même incarner une vieille femme déprimée comme Edith Piaf, c’était plus facile. Ce qui est terrible, c’est de savoir au fond de soi que ce ne sera jamais parfait.  » Et qu’il faut lâcher prise devant un réalisateur réputé pour son exigence. Mais Michael Mann fera tout pour la mettre à l’aise. Son partenaire aussi qui acceptera même de ne jamais lui adresser un mot de français – la langue maternelle de ses enfants et de sa compagne, Vanessa Paradis – jusqu’à ce que la dernière scène soit mise en boîte.  » Sans quoi, je régressais. C’était immédiat, confesse-t-elle. J’en étais réduite à communiquer en anglais avec ma famille, mes amis, mon frère, c’était surréaliste. Quant à Johnny Depp, que vous dire de lui que tout le monde ne sache déjà ? C’est un acteur incroyable, mais aussi un vrai gentleman : il a fait tout ce qu’il pouvait pour me rassurer, il a pris soin de moi pour que je sois capable de travailler. « 

A l’écran l’alchimie est parfaite et la magie opère entre le gangster et sa belle. A la ville aussi, Marion rayonne. A l’aise dans la posture de superstar qu’elle n’a pas peur de prendre.  » La célébrité comme on la connaît dans ce pays ? Oui, ça me va, merci, assure-t-elle. Vous savez, moi, je n’ai pas de plan de carrière. Je veux faire des films qui me plaisent, des bons films surtout. Le cinéma américain, c’est toute mon enfance : j’ai grandi avec des héros comme Charlot ou les personnages de Fantasia. Beaucoup de réalisateurs américains sont à mes yeux des génies : c’est un rêve de pouvoir travailler avec certains d’entre eux.  »

Au jet, elle préfère le train

Mais Marion Cotillard n’en oublie pas pour autant la France et son cinéma qui l’ont portée là où elle est.  » Non, je ne suis pas devenue impayable. Oui, bien sûr je vais encore tourner là-bas : je viens de le faire et j’ai un autre projet.  » Tous deux – est-ce vraiment un hasard ? – avec Guillaume Canet. Son amour, son secret qu’elle entend protéger. Fidèle, elle l’est aussi aux causes auxquelles elle croit. La défense de l’environnement, notamment. Au jet privé, elle préfère l’avion de ligne, ou mieux encore le train dès que c’est possible. Lorsqu’on est venu frapper à sa porte pour lui demander d’être l’égérie d’une marque de cosmétiques, la réponse a toujours été non. Si elle a dit oui à Dior, c’est pour un sac, le Lady. Et par admiration pour son créateur, John Galliano. Aussi, parce qu’avec l’argent qu’elle a ainsi gagné, elle pourra soutenir à sa manière des projets qui lui tiennent à c£ur.

Des rêves en Technicolor, elle en a bien sûr.  » Un  » dream directeur  » avec lequel j’adorerais faire un film, mais, chut, je préfère ne pas donner de nom, sourit-elle. J’aimerais aussi rencontrer des personnages un peu plus légers.  » Qui voient la vie en rose. La vraieà

En salle le 22 juillet.

Isabelle Willot

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