Barbara Witkowska Journaliste

Fifi Chachnil, Sabrina Nadal et Yael Landman sont en train de se forger un nom. Elles réinventent la séduction des dessous et proposent une nouvelle conception de la lingerie.

Il y a peu de temps encore, les dessous féminins étaient la chasse gardée des grandes marques institutionnelles, diffusées dans des boutiques exclusives, intimes et confidentielles. Puis est arrivé le grand boom déclenché par le prêt-à-porter. Les créations dessous-dessus, glamoureuses et ultra-sexy de Lolita Lempicka et, surtout, de John Galliano, ont propulsé la lingerie au grand jour. La distribution s’est élargie. Des espaces spécialisés, aérés et accessibles ont contribué à faire voler les tabous en éclats. Enfin, la presse féminine, en ouvrant largement ses colonnes à toutes les nouveautés en matière de lingerie, a joué un rôle important dans la déculpabilisation. Les femmes se sont emballées pour la frivolité et les dessous sexy. Aujourd’hui, elles redécouvrent avec bonheur corsets, nuisettes et combinettes. Du coup, la lingerie flirte de plus en plus avec le prêt-à-porter et suscite des vocations créatrices.

Fifi Chachnil, hommage à la femme des années 1950

Cheveux blond platine, mules, bas résille, robe rose vaporeuse, Fifi Chachnil est à elle seule la meilleure publicité de ses créations ultra-sexy. Son vrai nom est Delphine Véron.  » Fifi est le diminutif de mon prénom. Chachnil est mon pseudo de chanteuse. En 1984, j’ai enregistré un disque en égyptien et il a fallu un nom à consonance arabe.  » Pour cette Parisienne, fille d’un créateur de tissus pour la haute couture, la mode coulait de source. Pour commencer, elle investit son talent de styliste dans les spectacles. Lio, Niagara, Nina Hagen, Mikado, notamment, portent ses créations sur scène.  » Pendant dix ans, j’ai évolué dans un milieu confidentiel et élitiste. Puis j’ai eu envie de m’adresser à un plus grand nombre, par le biais de la lingerie. Sa marque est lancée en 1996. L’objectif ? Remettre la frivolité au goût du jour. Fifi Chachnil a une vision idéalisée de la femme, elle aime les contes de fées et la poésie, les froufrous et les volants.  » Mes sources d’inspiration ? Les époques où les femmes sont très féminines : 1900 et son cortège de cocottes, 1950 et son stéréotype hollywoodien. L’époque Directoire, aussi, avec les robes à taille haute, mettant en évidence la poitrine.  » Fifi interprète donc cet éternel féminin pour la femme de 2001, pour lui donner envie de s’exprimer avec sa lingerie, de s’amuser, de se faire plaisir ou de faire plaisir à son chéri.  » Tenez, ce corset est l’un de mes best-sellers, commente la créatrice. Rouge, rose ou chair, agrémenté de dentelle noire, il est réalisé dans la plus pure tradition 1900 avec plein de baleines. Rigide, « irrespirable » et cher, il se vend pourtant comme des petits pains « . Fifi jongle aussi avec des matières sensuelles, satin de soie, mousseline de soie, dentelle Chantilly ou encore avec la Charmeuse, nom qu’elle a donné au bon vieux nylon, opaque ou transparent. Ses couleurs se moquent des tendances et déclinent inlassablement les classiques de la coquetterie et de la séduction : rouge, noir, chair, violet et surtout le rose, sa couleur de prédilection qui donne bonne mine et met de bonne humeur. Les stars adorent. Vanessa Paradis, Inès Sastre, Monica Bellucci, Clothilde Courau ou Audrey Tautou sont parmi les plus fidèles et ne cessent de se faire photographier avec les dessous sexy de Fifi Chachnil.

Sabrina Nadal, toujours en avance d’une tendance

Mauricienne d’origine, Parisienne depuis plus d’un quart de siècle, Sabrina Nadal, 34 ans, aime cultiver la différence.  » J’observe beaucoup ce qui existe. J’essaie de définir ce qui manque, pour « combler le trou », précise la jeune créatrice. Je travaille toujours dans cette perspective, en me remettant constamment en question.  » Styliste-modéliste de formation, riche d’un solide bagage dans le prêt-à-porter, Sabrina est engagée, en 1991, par la société Brault (leader de la lingerie en France). Elle dépoussière et  » rafraîchit  » de nombreuses collections, s’occupe de deux licences Givenchy et Scherrer lingerie de nuit et acquiert une expérience irremplaçable. Tout en continuant ses fonctions, Sabrina a l’opportunité de développer sa propre marque. Présentée au Salon de la lingerie à Lyon, en 1999, sa première collection plaît énormément. Ses produits, luxueux et différents, se portent de jour comme de nuit. Caracos et déshabillés chics sont taillés dans de nouvelles matières. Sa matière phare, la mousseline de soie, se fait laquée ou smockée et se transforme en combinette sexy, agrémentée de dentelle de coton. Sabrina est la première à associer, en lingerie, le faux-cuir et la dentelle Chantilly.  » La recherche de mariages inédits est l’une des bases de mon travail. Elle s’associe à mon savoir-faire.  » Les découpes originales s’avèrent essentielles. Cet hiver, les matières vaporeuses poids plume, de l’organza, de la résille, et toujours de la mousseline de soie, s’agrémentent d’audacieuses décorations de dentelle noire.

Yael Landman fait exploser les sens

Pour cette Bruxelloise de 25 ans, la lingerie est en quelque sorte génétique.  » A l’âge de 11 ans, alors que j’étais encore toute plate, je collectionnais déjà les parures les plus sexy, confie Yael. La féminité a toujours été au centre de mes préoccupations.  » Sa voie est donc tout tracée. Après les études dans une école de stylisme et de modélisme, à Paris, suivies d’une formation accélérée pour jeunes créateurs d’entreprise à Solvay (Initiation Accompagnement à la création d’entreprise), à Bruxelles, la jeune femme crée, au printemps 2001, sa propre marque. Le but ? Sortir la belle lingerie de l’ombre, la montrer au grand jour et pousser l’érotisme à son extrême.  » Je défends la féminité positive. Une femme, tout en étant « libérée » et indépendante, doit rester une femme. Quel dommage de refouler sa sensualité.  » Ses collections (il y en aura deux par an) s’appellent Cabaret, King George ou Naked Noise (printemps-été 2002). Il y a des modèles à l’esprit frais et un peu naïf. Des parures plus glamour marient la fine résille ou le satin de soie et s’enrichissent de cristaux Swarovski, de petits clous dorés ou de colliers, intégrés au soutien-gorge. Certains modèles sont asymétriques. Le soutien-gorge a un bonnet opaque et un bonnet transparent, par exemple. Yael Landman aime aussi marier le raffinement de la dentelle et la rusticité du faux-cuir pour un look de rockeuse délurée. Les couleurs ? Beaucoup de rouge et de noir, pimentés par l’insolence de turquoise, de vert acidulé ou de cognac.

Carnet d’adresses en page 101.

Barbara Witkowska

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