Barbara Witkowska Journaliste

Silhouettes fortes, innovations singulières et idées audacieuses… Liza Korn, la plus intellectuelle des stylistes et autodidacte de la mode, fait souffler un vent nouveau sur le prêt-à-porter.

La simplicité minimaliste ? Ce n’est pas son style. Chaque vêtement de Liza Korn se regarde comme un objet décoratif et demande une étude approfondie, tant le nombre de détails et de trouvailles est grand. La veste grise en gros coton Lycra, fermée par trois gros boutons, à la fois habillée et décontractée, a été tricotée avec pas moins de sept points différents ! Dans les vestes en tissu, très sophistiquées, les coutures intérieures sont gansées de biais de couleur vive et contrastée pour cacher le surfilage. La veste noire, doublée de soie fuchsia, avec des revers à bords francs, s’accompagne d’un pantalon avec des guêtres amovibles. Histoire de porter, selon l’humeur, un pantalon long ou un pantacourt. Il y a aussi ce tailleurpantalon, rythmé verticalement par une multitude d’agrafes. On ferme tout pour une silhouette sage, on dégrafe un maximum pour une allure sexy et glamour. Très original, aussi, ce pantalon cigarette noir. Côté pile, il tombe impeccablement, comme tout pantalon classique. Côté face, il surprend par ses généreuses découpes verticales sur les mollets. Les leggings noirs, audacieusement fendus, s’accompagnent d’une veste  » à poils  » hippie, mais doublée de soie champagne. On remarque aussi cette veste avec des manches  » saucissonnées « , découpées en plusieurs bandes. Selon l’envie et les circonstances, on déboutonne un peu ou beaucoup pour que la manche dégringole avec nonchalance. Des robes et des vestes s’accompagnent de liens ou de sangles de couleurs coordonnées ou contrastées. On s’amuse en les attachant, en les détachant, en les superposant ou en les croisant. Les jupes ? Elles sont mini et construites avec de multiples épaisseurs pour donner du volume aux fesses et former un véritable faux-cul, détail féminin auquel Liza Korn est très attachée.

Sexy, ludiques et féminins, ses vêtements, avec leur côté cérébral et intello, sont aussi complexes et élaborées. Pas étonnant, car la jeune femme de 33 ans affiche un impressionnant bagage culturel. Après le BAC, elle s’inscrit à la Sorbonne, à la faculté des arts appliqués, histoire de se cultiver et de s’ouvrir l’esprit.  » Comme sujet de maîtrise, j’ai choisi la communication externe des musées en Europe, confie-t-elle. Le dossier réunissait le Louvre, le Prado et… les Musées royaux d’art et d’histoire à Bruxelles.  » Diplôme en poche, Liza enchaîne avec une année de spécialisation, dans un domaine très théorique de la philosophie de l’art et de l’esthétique. Avec une telle formation, les propositions de travail n’ont pas manqué. Pour commencer, elle a organisé des expositions pour un musée municipal en banlieue. Pour la télévision, elle a créé des décors et des mises en scène des événements tels que le Nouvel An chinois ou encore la Fête du pain d’épice. Enfin, elle a travaillé dans une agence de communication, axée sur les multimédias.  » C’étaient des expériences intéressantes et enrichissantes, mais théoriques et intellectuelles. Le moment est venu où j’aspirais à travailler avec mes doigts.  » Son grand-père était tailleur et Liza se rappelle que, gamine, elle scotchait sur ses poupées des bouts de tissus qu’il lui donnait. Parfois, le destin arrange bien les choses et Liza tombe  » par hasard  » sur un métrage de tissu. Elle s’amuse à le draper et le sculpter sur un buste. Le déclic se produit instantanément. Elle lâche ses occupations théoriques et, avec enthousiasme et passion, monte sa première collection de prêt-à-porter. C’était il y a quatre ans.  » Tout était instinctif. Je n’avais jamais monté une veste auparavant, je n’ai jamais pris de cours de stylisme. Mon début était entièrement expérimental, je ne connaissais aucune subtilité du métier. Petit à petit, j’ai commencé à me structurer. Aujourd’hui, je maîtrise tout : la maille, le chaîne et trame et la fourrure.  »

Son style, Liza l’aborde de façon très personnelle. Elle ne dessine que des vêtements qu’elle aimerait porter. Le tout relevé par des petits accessoires dont elle raffole : les zips, les agrafes, les demi-anneaux. Très attachée à la musique, elle crée en écoutant en boucle Courtney Love ou Patti Smith. L’allure ultraféminine est toujours mâtinée par une ambiance rock’n’roll. Chaque collection est construite selon un thème différent. Pour l’été 2005, on quittera les paillettes du showbiz, pour aborder l’univers des jeux. Les temps sont moroses. Liza refuse de sombrer dans la frilosité ambiante et proclame que  » Life is a game « . On verra donc des silhouettes ludiques qui se réfèrent aux jeux de cartes et aux jeux antiques. Volontaire et battante, la créatrice a même relevé le défi audacieux d’ouvrir une boutique.  » Avoir pignon sur rue, c’est essentiel. Derrière, j’ai installé un atelier et un showroom, ça rassure.  » La boutique attire une clientèle éclectique. Les jeunes adoptent sans hésiter le total look. Les plus âgés panachent le style rock’n’ roll avec des pièces plus classiques. Ces messieurs poussent de plus en plus souvent la porte et demandent… l’équivalent de sa mode au masculin. Leurs v£ux seront bientôt exaucés. Une collection pour homme fait partie des projets les plus immédiats de Liza Korn .

Barbara Witkowska

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