Ils ont la mode dans les tripes, l’ont étudiée à l’Académie d’Anvers ou à La Cambre à Bruxelles – et travaillent aujourd’hui dans de grandes maisons de couture. Avec sérieux et talent, ce qui fait la différence. Et si c’était aussi une question de pédagogie ?

Ils ont un peu plus de 20 ans, parfois 30, à peine. Ils sont de Géorgie, France, Belgique, Allemagne, Italie ou Espagne. Ils écrivent la mode quotidiennement, dans des grandes maisons. Ils ont été formés à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, département mode (photo à gauche) ou à l’Ecole nationale supérieure des arts visuels, atelier de stylisme et création de mode à La Cambre, Bruxelles (photo à droite). Ils savent, sans arrogance, qu’en la matière, il n’y a pas beaucoup mieux ailleurs. Car contrairement aux autres, ce sont deux écoles publiques qui vénèrent la créativité – des laboratoires structurants.

La première est l’une des plus anciennes académies en Europe, puisqu’elle fut fondée en 1663. Mais il faudra attendre le xxe siècle et les années 60 pour voir naître un Fashion Department qui se développera peu à peu, grâce notamment à une volonté politique. L’histoire retiendra le millésime 1986, avec des diplômés qui ont assis sa réputation internationale, dont Ann Demeulemeester, Dries Van Noten, puis Martin Margiela ou A.F. Vandevorst. à sa tête, Walter Van Beirendonck, également professeur en troisième année, qui attend de ses étudiants  » qu’ils développent avant tout leur propre langage, original. Nous les suivons et les stimulons énormément pour qu’ils puissent dépasser leurs limites. Avec une vision forte, personnelle et honnête, à asseoir dans le monde de la mode « .

La seconde, aussi appelée La Cambre mode(s) ou La Cambre tout court, fut créée de toutes pièces, au sein de l’Ecole nationale supérieure des arts visuels par Franc’Pairon en 1986. Elle a vu passer Sami Tillouche (Lanvin), Olivier Theyskens, Crstof Beaufays (Jean Paul Gaultier) et Laetitia Crahay (Chanel). Tony Delcampe, aujourd’hui chef d’atelier et professeur en cinquième année, est presque ému à regarder ses anciens étudiants poser ainsi,  » ils ont grandi « . Il sait que ces cinq années d’études sont exigeantes, que parfois, ils ne comprennent pas pourquoi tant de douleur, ni comment arriver à transcender leurs idées.  » S’ils sont engagés dans ces maisons, c’est parce qu’ils sont polyvalents. Mon but, et celui de l’atelier, est d’en faire des créateurs qui ne soient pas de purs produits de mode, mais des personnalités artistiques fortes, et parfois atypiques. « 

Il faut rendre hommage à ces écoles qui forment, chacune avec leurs particularités, en cinq et en quatre ans, des  » bachelors  » et des  » masters  » que le monde nous envie, cessons d’être modeste. Ils viennent de partout y étudier, repartent ensuite vers d’autres cieux, là où le vent de la mode les pousse. En gardant souvent en eux comme un trésor ces années qui les virent souffrir, s’ouvrir à eux-mêmes et se préparer à être ce qu’ils sont aujourd’hui – des jeunes créateurs heureux. Nous en avons réunis 16, diplômés depuis peu, ou parfois ayant quitté le giron de l’école plus tôt, avant la fin. Nous leur avons demandé pourquoi ils ont choisi cette école-là en particulier, ce qu’ils ont retenu de la pédagogie et en quoi elle leur sert quotidiennement dans leur écriture mode au sein de la maison pour laquelle ils travaillent. Ils sont la preuve vivante et belle que les études de mode mènent à tout, parfois au nirvana.

Par Anne-Françoise Moyson Photos : Emmanuel Laurent

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