Barbara Witkowska Journaliste

Ostentatoires, surdimensionnés, les bijoux se font vêtements. Après des années de sobriété et de minimalisme, le corps des femmes se pare de strass, de cristaux, de métaux, de coquillages et de perles. Spectaculaire.

(*)  » Fashion Daily News « , 24 janvier 2003.

Remarquées et très applaudies dans les défilés des créateurs les plus pointus, les femmes-bijoux descendent dans la rue. Les silhouettes sont un ravissement pour les yeux. Ces parures sculpturales, scintillantes, volumineuses, précieuses, multicolores s’affichent avec bonheur. Après les inspirations ethniques dans le prêt-à-porter et la décoration, les créateurs s’attaquent à l’univers des bijoux. Les références aux tribus oubliées d’Afrique et d’Asie ne sont pas loin. Immédiatement viennent à l’esprit la femme-girafe de Birmanie, la femme-coquillages du Transvaal en Afrique du Sud, la femme-or du Mali, la femme-perles du Kenya, la femme-argent du sud marocain, ou encore la femme-cuivre dans le sud-ouest africain. En piochant dans les archives, les créateurs ont réinterprété ces parures traditionnelles et symboliques dans la version du IIIe millénaire. Luxueuse et fabuleuse, guerrière et vindicative, poétique et romantique, kitsch et joyeuse, mais toujours exubérante et show of, la femme avance vers l’été 2003 en ondulant et en faisant tinter perles, clochettes, cristaux et boules de résine. La beauté rayonne. La fantaisie explose. La fête bat son plein.

On aura tout vu L’art de l’extravagance

Un brin extravagante et kitsch, mais éminemment ludique, telle est la nouvelle collection de On aura tout vu, la nouvelle coqueluche des rédactrices de mode. Ce trio turbulent et européen, né en 1998, est composé de deux Bulgares (Livia Stoianova et Yassen Samouilov) ainsi que du Portugais André de Sa Pessoa. Tous trois ont une formation artistique. Ils ont commencé à sévir dans la mode, en créant des bijoux et accessoires pour les défilés de Christian Lacroix, de Givenchy, de Rochas, de Louis Féraud et de John Galliano. Parrainé par les automobiles Smart, On aura tout vu vient de présenter  » Guerrière urbaine  » (automne-hiver 03-04) sa première collection couture conçue comme un itinéraire routier. Au menu ? De la richesse, de la démesure, de la couleur et de l’extravagance. Différents codes des automobilistes se mêlent à une débauche de dentelles, de strass, de sequins, de Lurex et de porte-jarretelles. Parmi les créations pleines d’humour, on remarque une robe-autoroute parcourue par des mini-Smart, des vestes, chapeaux et sacs, inspirés des panneaux de signalisation :  » stop « ,  » véhicule lent  » ou  » enlèvement demandé « . Le clou du défilé ? Une robe de mariée mi-dentelles, mi-circuit électrique, très rigolote et très Smart. Dans la foulée, On aura tout vu vient de customiser une voiture pour Lalique, en renouant avec la tradition des véhicules d’exception et uniques. Plus de mille fleurs en cristal, sculptées à la main, envahissent la carrosserie. Cette  » joaillerie mécanique  » sillonnera les salons autos du monde durant toute l’année. Elle terminera sa carrière dans une vente aux enchères, au profit d’une £uvre de bienfaisance.

Paco Rabanne La palme d’or de la créativité

Le premier prix revient à Paco Rabanne, chantre le plus célèbre et le plus fidèle de la féminité combattante et libre. Ses vêtements-bijoux ou parures de corps se portent de préférence à même la peau, mais rien n’empêche de les arborer sur une chemise ou un tee-shirt. Colliers, plastrons et pectoraux, patiemment tissés et sculptés avec des perles d’ébène, des bouts d’écorce, des graines multiples, des olives de corne, des pastilles de métal ou de plastique, mettent le buste en valeur, remplacent avantageusement un top. Les hanches se voilent de pagnes, de jupes fluides et asymétriques. Très spectaculaires également, les ceintures-pagnes. Tout en cristal et en aluminium, surdimensionnées, elles se nouent sur des vestes kimono ou des robes-peignoirs, enserrent les ampleurs et soulignent les hanches.

Lanvin Le conte de fées

Moins provocante et érotisante, la femme-bijou de Lanvin est celle qui rêve et s’émerveille. Alber Elbaz, le nouveau styliste de la maison a donc imaginé des talismans d’aujourd’hui, pleins de poésie, aériens et élégants, qui font scintiller les silhouettes des princesses modernes. La pièce phare de la collection estivale est un  » plastron de lumière « . Les strass couleur cognac, comme patinés, se posent délicatement sur un carré de tulle, noir ou chair. On noue cette chose précieuse autour du cou, tel un écran protecteur ou une armure de charme. Pour se faire remarquer dans une soirée, on adopte cette robe-bijou pour le moins étonnante. Sur de larges bretelles en gaze de laine transparente, le couturier a fixé la robe noire et un magnifique collier en strass patinés. L’illusion optique est parfaite : on a l’impression que la robe, suspendue, tient par miracle.

Stella Cadente Alice au IIIe millénaire

En marge des modes et des tendances, la jeune et talentueuse Stella Cadente prêche pour le vêtement-bijou depuis belle lurette. Son concept le plus original et le plus médiatisé ? Sans aucun doute  » la cage de verre « . Réalisée avec des filaments de cristal, elle se pose sur la plus basique tenue de jour, en la métamorphosant instantanément en tenue de princesse. Cet été, Stella pousse encore plus la fusion entre l’accessoire et le vêtement. La collection s’appelle  » De l’autre côté du miroir, il y a le monde d’Alice… « . Ce monde est peuplé de fleurs armures, et de boucliers en plumes,  » qui abritent et subliment, tel un écrin, la beauté de la femme « . Alice chausse une seule jambière, réalisée avec des boutons de cuivre végétal. Elle glisse sur ses doigts une bague coup de poing américain, ciselée en cuivre oxydé et cristal. Elle dépose, sur son épaule, une parure exubérante qui, telle une plante grimpante, envahit son corps. Elle auréole son visage avec une couronne tressée avec des fils de cuivre à la manière d’un reliquaire. Elle enfile un long gant en dentelle de métal et de cristaux. Coquine, elle séduit avec une mini-jupe en plumes de coq ou cache sa silhouette derrière une interminable écharpe en plumes fuchsia. Bref, c’est la jeune femme d’aujourd’hui qui assume ses envies et ses humeurs et les raconte à travers ses vêtements.

Longtemps discrets ou carrément absents, les bijoux passent d’un extrême à l’autre et se font ostentatoires. Tout naturellement, ils emboîtent le pas de la mode actuelle, extravertie, audacieuse, débarrassée de tous les tabous. Tournée, selon le bureau de style parisien Péclers,  » vers un désir d’ornementation figurative et ludique  » (*). La tendance du vêtement-bijou, bien amorcée, emprunte déjà de nouvelles voies. Les  » pythies  » nous annoncent déjà, pour l’été 2004, la lingerie-bijou !

Barbara Witkowska

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