A 39 ans, la star sud-africaine, héroïne de la nouvelle campagne J’Adore, mène sa vie tambour battant. Rencontre avec une femme au discours franc et sûre d’elle. Dans le bon sens du terme.

Un défilé haute couture, celui de la maison Dior surtout, cela grouille toujours de beautiful people, confortablement installés au premier rang, à côté des grandes prêtresses de la mode. Mais en arrivant cet après-midi-là, main dans la main avec Sean Penn, dans une (mini)robe en lamé créée pour sublimer – comme si c’était nécessaire – ses jambes longilignes de danseuse, Charlize Theron a provoqué, sans le vouloir sans doute, une véritable éclipse. Et tant pis pour les autres stars présentes, condamnées malgré elles au répit médiatique. Comme par magie, il n’y en avait que pour son sourire, son couple merveilleusement solaire et son bonheur limpide. Le genre de cocktail capable de rendre les gens heureux autour de vous. Elle l’avouera d’ailleurs, le lendemain, lors d’un long entretien propice à la confidence : cette vie qui est aujourd’hui la sienne, elle ne l’avait jamais espérée car  » personne n’oserait rêver aussi grand « . Sobrement vêtue d’un tailleur noir – on devine l’éclat, dans l’or de ses cheveux, d’une boucle d’oreille Tribal -, la belle reçoit dans la suite cosy d’un palace parisien. Pour parler de ses dix ans de collaboration avec Dior – dans la nouvelle campagne, elle retrouve le château de Versailles dont elle s’évade en grimpant le long d’un filin de soie vers un monde aux accents futuristes – mais pas que. Car si Charlize sait garder ses distances, elle joue le jeu de l’interview avec une étonnante sincérité. Un mot qu’elle aime par-dessus tout.

Cela fait une décennie déjà et trois campagnes que vous êtes le visage du parfum star de Dior. Qui est la femme J’adore et comment a-t-elle évolué ?

C’est une femme qui sait ce qu’elle veut et qui est à l’aise avec elle-même, sa sensualité, son pouvoir, sa beauté… Sa confiance s’est accrue pendant cette décennie. En un sens, elle est restée la même, ce dont je suis très fière car cela veut dire que nous avons réussi à être fidèles à l’inspiration du départ. Retrouver Jean-Baptiste Mondino (NDLR : la deuxième campagne de Charlize avait été filmée par Jean-Jacques Annaud), c’est un peu comme boucler la boucle. C’est lui qui était derrière l’image de cette fille qui se débarrasse de tout, même de sa robe et de ses bijoux. Il fallait oser traiter un nom si prestigieux que Dior de cette manière, à l’époque. Et ce faisant, nous avons mis la barre très haut, je crois que les autres marques ont toujours du mal à suivre ! Dix ans plus tard, il est normal que cette femme qui était en conflit avec une certaine idée que l’on se fait de la beauté ne soit pas restée bloquée dans cette posture. Elle est désormais bien avec sa robe dorée, son statut. Elle s’accepte mais sans complaisance car elle cherche malgré tout à avancer, à s’échapper, à se projeter dans l’avenir.

Quel rôle le parfum joue-t-il dans votre vie et dans celle des femmes ?

Je suis convaincue que nos vêtements, notre coupe de cheveux et l’eau de toilette que nous portons nous aident à exprimer de manière non verbale ce que nous ressentons. En ce sens, une fragrance a beaucoup de pouvoir. On a tort de penser que l’on se parfume pour les autres, les femmes que je connais, en tout cas, et moi-même, nous le faisons d’abord pour nous. Car le matin, avant de déposer nos enfants à l’école, cela nous rend  » précieuses « . Il suffit d’un geste et d’une petite bouteille dans sa salle de bains. Il n’est pas nécessaire de dépenser une fortune dans une robe couture pour se sentir spéciale, unique, toute la journée. C’est à la portée de tout le monde.

Quand on voit votre parcours, vous n’avez pas peur de bousculer votre image, de porter une robe à froufrous un jour et de vous raser la tête le lendemain. Cela vous amuse de passer d’un extrême à l’autre ?

Mon but premier est toujours de raconter de bonnes histoires. Quel que soit l’investissement nécessaire pour y arriver, je n’hésite pas. Cela fait partie du job. Lorsque je découvre un nouveau scénario, je me demande toujours :  » Est-ce que cela m’émeut ? Est-ce que j’ai envie d’investir du temps et de l’énergie là-dedans ? D’être loin de mon fils et de ma famille pendant toute la durée du tournage ?  » Si vous avez choisi ce métier, vous devez accepter de vous abandonner complètement. Je ne peux pas être  » Charlize  » au boulot et me faire du souci pour mes cheveux, mon corps. Ce sont mes outils de travail. Et j’aime ça ! J’adore échapper à moi-même. C’est en me mettant vraiment en retrait que je parviens le mieux à percevoir qui je suis réellement. Car je mets entre parenthèses mes insécurités et mes soucis pour entrer dans la peau de quelqu’un qui n’est pas moi.

Y a-t-il un rôle ou un personnage, réel ou imaginaire, que vous rêveriez d’incarner ?

En fait, je ne fonctionne pas comme cela. Ce que je préfère dans mon boulot, c’est la surprise. J’aime recevoir un script, l’ouvrir, lire les premières pages sans savoir de quoi l’histoire parle et me dire :  » waouh  » ! Je vous jure que je n’avais jamais rêvé d’interpréter un tueuse en série, pourtant je l’ai fait (NDLR : dans Monster, de Patty Jenkins, en 2003). Pour cette raison.

Vous avez accepté de tourner votre prochain film avec Sean Penn, votre compagnon. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce projet attendu pour 2015 ?

Sean en est le réalisateur. The Last Face raconte une histoire d’amour entre deux médecins, Javier Bardem et moi-même, dans le milieu de l’aide humanitaire. On les voit s’aimer mais également se débattre avec le besoin qu’ils ont, et la frustration qui en découle, de vouloir changer le monde. Tout en étant incapables de se sauver eux-mêmes. Même si l’intrigue se déroule en Sierra Leone, au Liberia, pendant la guerre civile, et au Sud-Soudan aujourd’hui, la majeure partie du tournage a eu lieu en réalité en Afrique du Sud. C’est là aussi que nous avons filmé une partie de Mad Max : Fury Road.

Quelles sont aujourd’hui vos relations avec votre pays natal, justement ?

Je vis à Los Angeles mais ma mère et moi essayons de nous rendre en Afrique du Sud dès que nous le pouvons. Je m’y sens chez moi et j’ai toujours beaucoup de plaisir à y retourner. C’est aussi pour venir en aide à la jeunesse locale que j’ai créé ma fondation, CTAOP (Charlize Theron Africa Outreach Project), en 2007, qui s’est spécialisée dans la sensibilisation et l’information face au problème endémique du sida. La prévention en la matière reste essentielle. Je suis convaincue que la nouvelle génération aura le pouvoir d’éradiquer cette maladie dans cette partie du monde.

Votre vie est-elle à la hauteur de ce que vous aviez imaginé en vous lançant dans cette carrière ?

Ce serait vraiment prétentieux, voire présomptueux, de le prétendre ! Réussir sa carrière en tant qu’acteur de cinéma, avoir la chance de travailler pendant plus de dix ans avec une maison comme Dior et être aussi bénie que je le suis sur le plan privé, personne n’ose rêver en grand comme cela ! Je me souviens très bien de mes débuts. J’avais 21 ans, je commençais à m’en sortir et à prendre goût à ma nouvelle vie d’actrice. Jusque-là, j’avais accumulé un tas de petits boulots et pour la première fois, je pouvais vivre de mon métier. C’était déjà extraordinaire ! Je me disais alors : si je peux réussir à ne faire que cela dans la vie, ce job que j’adore, je réaliserai mon rêve. C’était déjà énorme. Le reste, c’est juste un magnifique bonus ! Dont je suis très reconnaissante…

Devenir mère, ça a influencé, directement ou indirectement, vos choix professionnels ?

Ce qui est certain, c’est que je ne laisserai mon fils regarder aucun de mes films avant qu’il ait 53 ans ! (Rires). En ce moment, je travaille sur un dessin animé. C’est sans doute une manière pour moi de lui faire un cadeau. Car en général je n’accepte pas ce genre de projets. Et je ne m’en sens pas du tout coupable. Mes choix professionnels sont égoïstes, d’une certaine manière, car je les fais vraiment pour moi. Du coup, quand je rentrerai du boulot à la maison, je serai, j’espère, une bonne mère, parce que je serai heureuse et épanouie. Le jour où mon fils regardera mon parcours – avec les erreurs mais aussi toutes les belles choses que j’ai réalisées – j’aimerais qu’il se dise :  » Ma mère a vécu la vie qu’elle voulait, pas une vie pour moi ou pour quelqu’un d’autre, non, la sienne.  » Je crois alors qu’il sera fier de moi. Espérons-le en tout cas.

On voit souvent les égéries comme des  » role models « . En ressentez-vous la pression parfois ?

Ce que je vais vous dire va peut-être vous paraître arrogant mais ce n’est pas le but. Je ne me sens responsable que de moi. Donner le bon exemple, bien sûr c’est important. Mais seulement si je suis fidèle à moi-même. Si votre vie a du sens à vos yeux, ce n’est que comme cela qu’elle pourra légitimement inspirer les autres. J’apprécie beaucoup le fait que Dior n’aie pas essayé de me faire entrer dans un moule, bien au contraire ! On ne m’a jamais demandé de perdre du poids, de ne pas me raser la tête, de ne pas faire un film, de ne pas parler des droits des gays et des lesbiennes, par exemple. Ils sont venus vers moi quand je venais de terminer le tournage de Monster ! Cela en dit long sur ce que la maison trouve inspirant.

Votre beauté est-elle parfois lourde à porter ?

Le tout, c’est d’avoir une vision honnête de qui l’on est. En même temps, j’ai une relation bizarre avec mon physique. Car je n’y suis pas vraiment attachée. Alors, oui, je prends soin de mon corps avec bienveillance mais comme toutes les femmes le font, je pense. Il n’y a pas de différence. Pour moi, ce n’est ni une force ni une faiblesse. C’est un peu les deux. C’est parfois désagréable d’être jugée dans une conversation uniquement sur la base de votre physique et pas pour ce que vous êtes réellement. Toutes les femmes ont vécu cela un jour. A l’inverse, c’est aussi une forme de pouvoir. Accepter son physique vous en donne, en tout cas.

Oseriez-vous, pour terminer, nous confier quelque chose d’inavouable ?

Je suis super gourmande, mais ça tout le monde le sait (rires). Voilà, j’ai trouvé : je suis obsédée par les émissions de télévision comme 48 Hours ou Dateline NBC (NDLR : des équivalents américains de Faits Divers, Le Mag, Affaires Criminelles ou Présumé Innocent). Je les trouve réconfortantes, elles me fascinent ! J’admets que ça a pu poser problème dans certaines de mes relations amoureuses. Apparemment, regarder ce genre de trucs au lit quand la personne à côté de vous essaie d’être romantique ou simplement de s’endormir ne rend pas les femmes attirantes ! Mais j’ai enfin trouvé un homme qui aime cela aussi ! Je crois que je suis sauvée.

PAR ISABELLE WILLOT

 » Si votre vie a du sens à vos yeux, elle pourra légitimement inspirer les autres.  »

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