Le  » petit Tibet  » indien est une région ignorée du grand tourisme. Ici pourtant, on se ressource au sein de magnifiques monastères où règnent sérénité et paix de l’esprit.

Le ciel est immense. De la large terrasse sur laquelle je me suis juché, le regard porte très loin. Ici, la lumière est particulièrement claire et l’air extraordinairement pur. Ainsi, on domine la verte vallée de la ville de Leh, capitale du Ladhak, région du Cachemire, province du nord de l’Inde, au pied de l’Himalaya. Un grand Bouddha doré fixe le paysage depuis cette terrasse-observatoire du Shanti Stupa. Ce monument dédié à la paix, érigé par un groupe de Japonais et inauguré en présence du dalaï-lama, prix Nobel de la paix en 1989, domine la vallée de Leh.

Chef spirituel et temporel, en exil depuis l’invasion du Tibet par la Chine en 1959, le dalaï-lama dirige la diaspora tibétaine à Dharamsala, petite cité indienne, le « petit Tibet « , située un peu plus au sud de la province.

Il faut trois journées d’adaptation à l’altitude (la capitale ladakhi se trouve à plus ou moins 3 400 mètres), où le corps doit être mis au repos afin d’atténuer les sensations désagréables de grande lassitude, de vertige, de nausées ou de maux de tête. Après cette remise en condition, l’on peut alors monter au Tsemo Gompa, monastère accroché à un piton rocheux dominant toute la ville. La montée est rude, en pleine lumière, mais la récompense à l’effort soutenu tout au long du chemin de pierres et de poussières est à la hauteur des souffrances endurées durant cette première  » expédition  » himalayenne !

Là-haut, durant les dernières minutes précédant le passage du soleil derrière l’ultime crête montagneuse de la vallée de Leh, l’on reconnaît toutes les couleurs du bonheur : le blanc et le rouge des murs du monastère, le jaune des centaines de petits drapeaux de prières s’effilochant au vent, le bleu intense de l’azur, le vert des champs bordant le périmètre de la ville.

Leh se veut le point de départ obligé pour les autres vallées du Ladakh. Ainsi, ouverte aux touristes depuis 1974 seulement, Leh reçoit durant chaque été un nombre toujours croissant de visiteurs venus du monde entier. Etonnant dès lors de constater, en se promenant à travers la ville, à quel point les autochtones semblent peu affectés ou perturbés par cette invasion cosmopolite.

Mais cette attitude est largement compréhensible car les Ladakhis ont de tout temps été habitués à voir passer et séjourner des hommes venus des quatre coins de l’Asie.

Sa position géographique a fait d’elle un centre privilégié d’échanges commerciaux importants sur la voie de communication reliant le Cachemire à toute l’Asie centrale.

En quittant Leh, la route, unique lien avec le reste du monde (hormis l’aéroport, mais dont l’ouverture est largement tributaire des conditions climatiques), longe les rives poussiéreuses de l’Indus. Ici, on trouve très peu de véhicules privés. Seuls circulent de gros camions colorés, en surnombre, et dont les longues colonnes sont ponctuées de quelques autocars rachitiques et surpeuplés.

A l’est de Leh, les monastères de Shey, Thiksé et Hemis méritent largement le voyage.

Shey se situe à seulement 16 km de la ville. En bordure de la route, une énorme statue plaquée or de Bouddha de douze mètres de hauteur partage les lieux avec seulement trois moines.

Plus loin, au kilomètre 25, le monastère de Thiksé surplombe la vallée. Ici, en revanche, une centaine de moines s’activent au sein de ces bâtiments ouverts sur le ciel.

Enfin, le dernier, Hemis est probablement le plus beau des monastères à l’est de la capitale ladakhi. Coincé au fond d’une gorge sauvage, il est surtout renommé pour la fête lamaïque qui s’y déroule durant trois jours, chaque année, à la fin du mois de juin.

Vers l’ouest, le site extraordinaire de Lamayuru s’offre au regard après 124 kilomètres de route de crêtes et de cols des plus impressionnants. Bâti dès le XIe siècle sur fond de paysage surréaliste, le monastère permet notamment d’y admirer des fresques très anciennes sur la vie de Bouddha, ainsi qu’une importante collection de manuscrits sacrés.

Après avoir passé la nuit à Lamayuru, sur la route qui ramène à Leh, deux autres monastères séduisent par le site et les richesses qu’ils renferment.

Il s’agit tout d’abord de Ridzong, que l’on peut atteindre uniquement après une demi-heure de marche. Blanchi à la chaux, adossé à la montagne et se détachant avec splendeur sur l’azur du ciel, il est toujours en pleine activité et les cuisines, où les moinillons se retrouvent à l’heure du repas, laissent un souvenir de magie et de lumière feutrée.

Le monastère d’Alchi, véritable oasis de verdure et de fraîcheur se trouve, lui, au milieu d’un paysage lunaire impressionnant. L’édifice religieux possède des fresques murales absolument superbes. Mais une promenade au petit matin ou à la tombée du jour dans les champs ou parmi les maisonnettes qui quadrillent le village vaut vraiment le détour.

Le Ladakh compte ainsi un grand nombre de monastères, situés le plus souvent à quelque distance des lieux habités. Ainsi, les plus intéressants et par ailleurs les plus accessibles se retrouvent non loin du cours de l’Indus.

Bien que construits sur des plans de base quasi similaires, tous possèdent leurs caractéristiques propres, se différenciant par le site, la décoration ou encore les peintures.

Chaque visiteur revenant du Ladakh aura eu un coup de coeur pour l’un ou l’autre monastère. Mais chacun sera d’accord pour affirmer que l’un des moments les plus beaux et les plus émouvants est celui où l’on pénètre pour la première fois dans un de ces sites monastiques. Le moment unique où l’on passe de la lumière forte et franche du dehors au silence, à la fraîcheur et à l’obscurité uniquement rompue par les quelques flammes émergeant de petits récipients à huile. Là, la seule présence de Bouddha et d’une multitude de personnages, les plus souvent hallucinants, représentés sur les grandes fresques couvrant les murs de la pièce fascinent. Humilité. Sérénité de l’instant présent. Sagesse de centaines d’années de chants et de prières. Futur possible d’une nouvelle vie. C’est ici, et nulle part ailleurs, que cette forme de bouddhisme particulier, au Tibet, s’est installé et s’est développé après les événements pénibles rapportés de Chine.

En cheminant le long d’un chemin escarpé ou en partageant un thé brûlant avec d’autres voyageurs, on se sent en  » éveil  » aux bruits du monde au pied de ces hautes et somptueuses montagnes : un véritable plaisir d’exister ! Bouddha n’a-t-il pas dit :  » Laisse tout tel quel, dans la simplicité fondamentale, et la clarté jaillira d’elle-même. Ce n’est qu’en ne faisant rien que tu feras tout ce qu’il y a à faire. « 

Reportage : Francis Van / Planet Pictures

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