Marque mythique, née de la passion automobile d’un industriel italien, Lamborghini appartient désormais à Audi. Le Belge Luc Donckerwolke en assure la continuité stylistique. Rencontre.

D’origine belge, mais visitant le monde au gré des affectations professionnelles de ses parents, Luc Donckerwolke n’a jamais oublié son pays de coeur. Au point d’avoir, à travers sa passion, tissé des liens fidèles avec son maître automobile, Jean Graton, le dessinateur de BD et le créateur de Michel Vaillant. Son parcours professionnel ressemble à sa vie, il n’est jamais longtemps au même endroit. Le designer possède cependant un point commun dans ses diverses fonctions : il a toujours travaillé pour le groupe Volkswagen. Après Skoda et Audi, le voici maintenant responsable du style Lamborghini, la marque de voitures de sport rachetée par le constructeur allemand il y a de cela deux ans. Luc Donckerwolke assure que, cette fois, c’est la mission de sa vie.

Weekend Le Vif/L’Express : Depuis quelques années, votre parcours professionnel est très animé?

Luc Donckerwolke : J’ai occupé effectivement des fonctions très différentes au sein du groupe Volkswagen, travaillant notamment pour Skoda et Audi. Mais, depuis la fin de mon projet Audi A2, après le Salon de Tokyo 1997, je suis devenu responsable du studio qui a en charge les nouveaux concepts de marque Audi, à Ingolstadt. Je m’occupe ainsi des show cars, mais également des voitures spéciales, comme les véhicules de course pour les 24 Heures du Mans. Enfin, depuis octobre 1998, je me suis vu confier la responsabilité du design Lamborghini.

Cette responsabilité est-elle pour vous un rêve enfin réalisé?

Absolument! Mon travail consiste à concevoir tout ce qui se voit sur une Lamborghini. Pour le moment, je m’attache à la conception d’une nouvelle gamme de modèles. Il est encore un peu trop tôt pour en parler. Ma mission ne s’arrête pas au dessin, que ce soit celui de la carrosserie, des roues ou du compartiment moteur. Je prends également en charge tout ce qui concerne la faisabilité des voitures et le suivi avec les équipementiers.

Comment se passe la relation Lamborghini avec Audi, à qui la marque italienne appartient désormais?

Les deux marques ont à apprendre l’une de l’autre! Lamborghini peut apporter son savoir-faire en matière de production flexible de très petites séries. Tandis qu’Audi apporte à Lamborghini les standards de qualité qu’on est en droit d’attendre d’une voiture hyper-sportive.

Lamborghini, c’est une philosophie particulière de l’automobile?

Quand je suis arrivé ici, en 1998, on m’a présenté au pilote d’essai de la marque. Il m’a regardé en disant :  » Ah, c’est vous qui allez concevoir le nouvel habillage de nos modèles…  » Je lui ai répondu :  » Non, je vais m’occuper du design ! ». Il m’a alors regardé et dit :  » Lamborghini, c’est d’abord un moteur! « . Aujourd’hui, je me suis imprégné de cette philosophie. Lamborghini fut la première marque au monde à créer une voiture de sport vraiment extrême, en lançant la Miura. C’était réellement la première  » supercar « . La première voiture au  » superlatif « . C’est elle qui a incité Ferrari à créer la Daytona. La philosophie de Lamborghini, c’est donc d’abord de créer des performances irréelles. Cela se fait donc avec un moteur, qu’il faut mettre en scène avec une robe et non l’inverse.

Quel est votre rôle dans ce processus?

Le moteur joue un peu le rôle de chef d’orchestre. La carrosserie doit donc être à la hauteur. Dans une Lamborghini, la fonction domine tout. Il n’y a de place pour aucun compromis. Le désigner doit donc être capable de tenir compte de toutes les fonctions que la voiture doit remplir. En même temps, le design doit pouvoir exprimer toute la force colossale du moteur. C’est donc un art subtil. Je pense parfois à la force brutale d’un grand orchestre dans mon travail. On a un effet d’ensemble, mais il faut savoir que chacun, à son niveau, joue un rôle important.

Lamborghini vous a ouvert les portes de l’Italie?

Pour le développement des prototypes de l’Audi A2, j’avais déjà eu l’occasion de me rendre souvent en Italie. Maintenant que je travaille chez Lamborghini, j’ai vraiment découvert ce pays et sa mentalité. Pour l’A2, je me déplaçais souvent à Turin, la patrie du design automobile. Pour Lamborghini, je suis à Bologne, qui est considérée ici comme la ville du moteur atmosphérique. Les ingénieurs y ont d’ailleurs l’habitude de dire que si on installe un turbo sur un moteur, c’est que c’est un moteur raté. Ils comparent un peu un turbo à du Viagra!

Vos responsabilités vous laissent-elles encore le temps de dessiner vous-même?

Chez Audi, où je m’occupe encore des concept-cars, ce n’est plus possible. Chez Lamborghini, oui. Je fais tout, du début à la fin… C’est un peu la concrétisation d’un rêve d’enfant. J’aimerais pouvoir être à l’origine d’un coup d’éclat aussi important que lors du lancement de la Miura, en 1966. Pour le moment, je n’ai encore montré que des face-lifts de la Diablo actuelle, les modèles GT et 6 litres. J’apprends la philosophie de la marque. C’est impressionnant de succéder à des designers comme Bertone ou Gandini.

C’est une nouvelle vie?

J’entre réellement dans un autre monde. Cela me fait penser à l’univers des artistes, des grands couturiers. Le design en Italie est un monde mythique. Ce sont des voitures comme les Lamborghini Miura ou Countach qui m’ont intéressé au design. Je suis toujours impressionné par des grands noms comme Ital Design, Pininfarina ou encore Michelotti. Je ne me consacre aujourd’hui à rien d’autre que Lamborghini.

Propos recueillis par Dominique Fontignies

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