En fondant, voici dix-huit ans, le Slow Food, célèbre mouvement du bien-manger, l’Italien Carlo Petrini a aussi créé une dynamique nouvelle dans cette très belle région piémontaise des Langhe. Bons vins et plats de tradition sont ici au rendez-vous. A découvrir au moment où le Salone del Gusto de Turin invite à sa table tous les gourmets de la Terre.

Recettes en page 62.

Carnet d’adresses en page 98.

A la différence de la Toscane ou de la Sicile, on ne visite pas le Piémont pour un patrimoine architectural et artistique exceptionnel. Avec Turin pour capitale, cette région d’Italie séduit par son art consommé du bien-manger. Les gourmets y sont attirés par des produits û comme la truffe blanche, à Alba û qui évoquent les grands festins. Barolo et Barbaresco, qui ont donné leur nom à deux appellations vineuses prestigieuses, sont, elles, considérées comme les perles des Langhe, une magnifique zone de collines que l’on peut totalement embrasser du regard depuis le point de vue aménagé sur la petite place du village de La Morra. Chemin faisant, parmi les vignes, on trouve aussi quantité de champs de noisetiers, cultivés, entre autres, pour préparer le fameux gianduja, mélange à base de noisettes et de chocolat. Interprété de manière industrielle, il a donné naissance au Nutella. Mais d’autres productions traditionnelles locales encore ont été valorisées. C’est à Asti, terre d’origine d’un poivron jaune réputé, le quadrato, que s’est développée la marque Saclà, aujourd’hui célèbre pour ses conserves de la Méditerranée et ses sauces pour pâtes. Quant au Moscato d’Asti, il compte aussi ses fans aux quatre coins du monde.

A Costigliole d’Asti, l’Institut international d’art culinaire italien (ICIF) accueille des sessions de 30 étudiants du monde entier, dont la moitié est composée de… Japonais. Mais la vraie révolution gourmande se passe à une des extrémités des Langhe, à Pollenzo, où ont été accueillis, au début de ce mois d’octobre, les premiers étudiants de l’Université des Sciences gastronomiques. Née à l’initiative de Carlo Petrini, le père du mouvement Slow Food, cette toute nouvelle institution est installée dans les anciennes et imposantes dépendances d’un palais des rois de Savoie, où elle cohabite avec un hôtel de charme d’une cinquantaine de chambres, une banque des vins du Piémont et d’Italie et un restaurant étoilé, le célèbre Da Guido. Située dans la campagne proche de Brà, où Slow Food a son siège, l’Université des Sciences gastronomiques est considérée comme une consécration pour les fondateurs du mouvement.

Une éducation au goût

En 1986, le premier MacDo ouvre ses portes à Rome. Des sympathisants de la gauche italienne, déjà actifs dans la défense de la qualité, de la nourriture ripostent en baptisant leur petit groupe Slow Food.  » Slow Food est né comme une affirmation du droit au plaisir, explique Carlo Petrini. Un plaisir qui n’est pas la ripaille ou l’abondance. Mais la mesure.  » Pour assurer les moyens de sa politique, Slow Food multiplie les initiatives. Une maison d’édition publie en six langues le magazine  » Slow  » (remarquable par son contenu) et quantité de livres, surtout des guides invitant au voyage gastronomique ou à la découverte de recettes de terroir. Parmi les best-sellers annuels ?  » Le Vini d’Italia  » et le  » Osterie d’Italia « , consacrés respectivement aux meilleurs vins et auberges traditionnelles de la Péninsule.

Slow Food propose aussi plusieurs grands événements, comme le salon Cheese organisé tous les deux ans dans les rues de Brà et, surtout, l’incontournable Salone del Gusto dont la cinquième édition se déroule jusqu’au 25 octobre, à Turin. L’originalité de ces deux salons réside dans l’organisation de laboratoires du goût, des séances payantes de dégustation commentées par des experts.

Cette éducation au goût, cette démonstration de la qualité des aliments, a sans doute été la motivation essentielle de l’ouverture par Slow Food de deux restaurants : l’Osteria dell’Arco à Alba et Boccondivino à Brà. Situé au siège même de l’association, Boccondivino fait office à l’heure du déjeuner de cantine pour les employés qui peuvent y trouver des plats très démocratiques, à l’image de toute la carte. Saucisses crues de veau, bagna cauda, veau au thon, tagliatelle, agnolotti, lapin au vin d’Arneis… sont proposés dans la plus grande simplicité. Vous vous y régalez pour une addition de 25 à 30 euros (sans les vins). La cave maison est très bien fournie. Mais les meilleures bouteilles sont disponibles au restaurant l’Arco. En effet, la ville d’Alba attirant plus d’étrangers, ceux-ci s’offrent des bouteilles prestigieuses des grands de la région comme celles du mythique Angelo Gaja.

Pour un repas plus gastronomique, il faut prendre la direction de Pollenzo et réserver une table au Da Guido. Longtemps installé à Costigliole d’Asti, le restaurant de Guido Alciati et de son épouse fut le rendez-vous de tous les gourmets de la Terre. Disparu trop tôt, ce sont les fils de Guido qui ont repris le flambeau: Ugo, en cuisine, et Piero, en salle. Soucieux d’offrir aux visiteurs de l’Université des Sciences gastronomiques une table de référence, Carlo Petrini a réussi à convaincre les deux frères à déménager leur restaurant. Pour mener à bien ce projet, ceux-ci ont fait appel au chef turinois Savino Mongelli.  » Da Guido est réputé pour ses plats de grande tradition. Situé à la campagne, notre restaurant était spécialisé en viandes, soulignent les deux frères. Or une clientèle internationale attend aujourd’hui une carte plus variée. C’est pour cela que nous avons demandé à Savino de se joindre à nous. Ce qu’il a fait en fermant son restaurant personnel.  » Avec Marcella, l’épouse de Savino, c’est donc un quatuor de choc qui préside aujourd’hui aux destinées du Da Guido.

Envie de découvrir et savourer les merveilles du Slow Food chez vous ? Pour vous aider à passer de la théorie à la pratique, les restaurants Boccondivino et Da Guido ont confié à Weekend quelques-unes de leurs meilleures recettes…

Texte : Jean-Pierre Gabriel

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