à quelques jours du mondial de foot en Afrique du Sud, cap sur la province. du Cap, écrin d’un diamant brut aux multiples facettes : Cape Town et sa péninsule. Un choc de beauté à la croisée de plusieurs mondes, entre Afrique et vieille Europe, avec des airs de Californie. Le tout baigné d’histoire, de culture et d’une douce décontraction.

C’est l’un des plus beaux panoramas du monde. Mais contrairement à ce qu’on pense,  » il ne marque pas la séparation entre les océans Atlantique et Indien, corrige Carlo, bourlingueur à la retraite et guide d’un jour. Celle-ci se produit 150 kilomètres plus à l’est, au Cap des Aiguilles, la vraie pointe sud du continent. Si les vagues sont tellement plus fortes sur la rive ouest de la péninsule que sur sa rive est, c’est une question d’orientation « .

La péninsule ? Celle du Cap, à l’extrême sudà-ouest de l’Afrique du Sud. Lorsque l’on est perché au sommet de Cape Point, son point le plus méridional qui culmine à 250 m du niveau de l’océan, au bout du parc naturel du même nom, elle offre un spectacle à couper le souffle. Derrière, la mer, sauvage, qui donna tant de sueurs froides aux marins engagés dans le contournement de l’Afrique. Le fantôme du Hollandais Volant rôde encore par icià Le phare érigé au xixe siècle est si souvent noyé de brume qu’il n’a jamais guidé grand monde, hormis les babouins qui pullulent. Promeneurs, gare à vos sacs !

à bâbord, vue plongeante sur les rochers du Cap de Bonne-Espérance, le point mythique où les bateaux filant plein sud depuis l’Europe infléchissent leur course vers l’est pour atteindre l’Orient. À tribord, total contraste. La mer toujours, mais d’huile. Une baie si profonde qu’on n’en voit pas le terme. De retour d’Asie, de nombreux capitaines croyaient avoir enfin passé le Cap sans casse. Erreur. False Bay porte bien son nom.

Et devant. Sous une cascade de nuages noyés dans l’azur, l’horizon dessine les contours caractéristiques de Table Moutain, la célèbre montagne plate qui surplombe la ville du Cap, Cape Town, Kaapstad en afrikaans, ce vestige de la colonisation hollandaise devenu langue nationale. Moins de 40 km plus au nord. Il faudra bien deux ou trois jours pour profiter de toutes les merveilles qui nous en séparent, avant de se perdre dans ses ruelles et ses jalons historiques. Et encore n’est-ce là qu’une des innombrables facettes de ce joyau du bout du monde qui, à lui seul, mérite un voyage tout entier : la province du Cap.

Choc de deux mondes

Elle ne ressemble à aucune autre dans ce pays si contrasté, choc de deux mondes qui s’apprêtent à célébrer ensemble le foot mondial malgré leur amour partagé du rugby. Avec une nature bénie des dieux, une ville cosmopolite et langoureuse blottie entre mer et montagne, des allures de Californie aux accents de vieille Europe… C’est San Francisco, en plus exotique. Et surtout, plus qu’ailleurs dans cette Afrique australe bâtie par les colons blancs, une cohabitation presque décontractée, à défaut d’être harmonieuse, entre les maîtres et les esclaves d’hier. Du temps récent de l’apartheid.

C’est très symboliquement ici qu’il a pris fin et c’est un juste retour des choses, Cape Town ayant été le théâtre de la déportation des habitants du fameux  » District Six « , ce quartier jadis proclamé  » zone blanche  » et expurgé de tout ce qui ne l’était pas. Détenu durant trente ans au pénitencier de Robben Island, l’Alcatraz local, Mandela y prononça, dès sa libération, voici juste vingt ans, son premier discours pro-réconciliation. La visite s’effectue en bateau, depuis le port. Incontournable.

Elle mérite d’être doublée par celle des townships, ces  » Cape Flats  » de tôle où vivent encore deux millions de Noirs et de coloured. C’est l’un des paradoxes de la région : on y passe subrepticement du plus indolent quartier résidentiel au plus misérable bidonville. Les habitants des premiers emploient ceux des seconds. Fragile équilibre. On ne pénètre pas seul dans les townships, de nombreuses visites guidées sont organisées. Passionnant et éclairant. Tout sauf du voyeurisme. Appareils photo s’abstenir.

Les plus peuplés s’étalent dans la plaine entre la ville et la fameuse route des vins, vers l’est, autour de l’aéroport. Ils ont de nombreux petits frères sur la péninsule elle-même, perdus entre d’adorables villages aux couleurs chatoyantes, de minuscules hameaux résidentiels accrochés à flanc de collines et les plus belles plages de sable, de dunes et de rochers qu’on puisse imaginer. Où il n’est pas rare de croiser babouins et autruches, toutes sortes d’antilopes et d’oiseaux exotiques, ibis et colibris.

Et les attractions locales. Les otaries du Cap, établies en colonies surpeuplées au large d’Hout Bay, à l’ouest. Les baleines, qui viennent mettre bas dans la baie d’Hermanus voisine et batifolent parfois à quelques mètres du bord. Et sur la côte est, ces irrésistibles manchots du Cap qui singent si bien les humains dont ils explorent les jardins.

Arpentez la région, profitez de la nature et des plages, logez dans les havres de charme qui offrent gîte et couvert, goûtez à la profusion de crustacés cuisinés avec talent – et surtout à ces moules qui rendraient pâles de jalousie nos mytiliculteurs zélandais. Et arrosez le tout de ces splendides vins du cru, produits à Stellenbosch où vous irez aussi arpenter les vignobles.

Un harmonieux brassage cosmopolite

Vous serez alors mûrs pour appréhender la ville. Pas plus que la péninsule ne sépare deux mers, celle-ci ne sépare plus deux mondes, du moins en théorie. On peut rejoindre Le Cap par la côte ouest et ses stations balnéaires branchées, ou par l’est et l’intérieur des terres. Une journée ne sera alors pas de trop pour visiter deux autres musts au passage, enclavés dans la cité : le domaine viticole de Groot Constantia et le jardin de Kirstenbosch. Le premier, fondé au xviie siècle, produit toujours des nectars extrêmement recherchés. Le second est l’un des plus beaux jardins botaniques du monde. Bâti sur les pentes douces de Table Moutain, il offre aux randonneurs l’opportunité d’une excursion au sommet, pour une vue imprenable sur l’amphithéâtre de la ville. Les plus pressés emprunteront plutôt le téléphérique vertigineux sur l’autre versant, de préférence en fin de journée pour profiter de la lumière.

D’autres points culminants offrent divers panoramas sur Cape Town, pour mieux en appréhender la topographie. C’est ici que tout a commencé. Que les premiers colons ont posé le pied, que se sont succédé les peuples, les cultures et les styles. Tous vivent dans un harmonieux brassage cosmopolite qui se reflète notamment dans l’éclectisme architectural. Entre les belles maisons coloniales, à colonnades et colombelles, et les immeubles ultramodernes, les principaux mouvements architecturaux qui ont marqué le xxe siècle ont trouvé à s’exprimer ici.

Au loin, en bord de mer, le port et le Waterfront, quartier entièrement réhabilité grouillant de vie, de boutiques et de familles bigarrées venues humer les dernières tendances de la mode. On y admire les  » minstrels « , ces troubadours colorés qui poussent leurs vocalises dans un ensemble parfait. Au c£ur, le City Bowl, quartier le plus animé autour des deux rues principales, Long et Loop Street, bordées de restos, de bars et d’hôtels-boutiques branchés. Sur la gauche, à flanc de colline avec ses ruelles escarpées et ses façades multicolores, le quartier musulman de Bo-Kaap, où l’on passe en quelques rues dans une ambiance beaucoup plus recueillie. Et d’autres quartiers encore à découvrir le nez au vent, dans cette ville à taille humaine où s’élaborent la mode, l’art et le design contemporains d’Afrique du Sud.

Le plus beau diamant de ce pays complexe qui en est aussi le premier exportateur mondial. Au Cap, on peut se faire tailler sa propre pierre brute. Rares sont ceux qui y déposent leurs valises sans avoir de la peine à les reprendre. C’est l’un des coins de la planète qui attire le plus de nouveaux résidents chaque année. S’ils viennent y chercher la richesse, c’est d’abord celle de la diversité.

Par Philippe Camillara

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