Barbara Witkowska Journaliste

Ils nous parlent un autre langage, loin des conventions. Quête d’un idéal, rêveries nostalgiques, ode à la nature ou souvenirs émouvants… Laissez-vous griser !

Carnet d’adresses en page 59.

L e parfumeur Frédéric Malle vient de réaliser le rêve qu’il caresse depuis longtemps :  » imaginer des senteurs rares comme des livres de collection.  » Il les a réunies dans une sorte de librairie très chic, Rive Gauche à Paris, dans le quartier des grands éditeurs. Ici, les auteurs seraient des parfumeurs et les éditions seraient des flacons. En réalité, un seul flacon, cylindrique, épuré, exempt de toute anecdote, dont le seul ornement est un bouchon noir et une étiquette noire. Un minimalisme chic et intemporel qui évoque la classe d’une couverture couleur crème de Gallimard. Les flacons sont exposés dans des armoires-vitrines  » réfrigérantes « . Histoire à ne pas altérer la qualité des parfums, dont la chaleur est un grand ennemi. Pour les humer, pas de  » mouillettes  » en carton, mais des  » colonnes à sentir « , grands cylindres en verre où la senteur se déploie dans toute son ampleur. Les fragrances ? Elles sont une dizaine, composées par les plus grands maîtres parfumeurs. Frédéric Malle leur a laissé carte blanche. Pas de tendances, pas d’études de marché, pas de fragrances qui doivent séduire la terre entière, juste des coups de c£ur pour de vrais sillages. Tel Le Parfum de Thérèse. Edmond Roudnitska, l’un des plus talentueux créateurs du xxe siècle, aujourd’hui disparu, l’avait créé pour sa femme et il n’avait jamais été présenté au public. Frédéric Malle a eu la bonne idée de rééditer cette merveille où la mandarine flirte avec la rose et la violette sur fond de poivre, de girofle et de cuir. Le dernier-né ? Une Rose d’Edouard Fléchier. L’opulence de la rose turque se marie, dans une composition magistrale, à l’odeur d’une truffe du Périgord. Dans le même quartier parisien, à deux pas des Editions de Parfums Frédéric Malle, on pousse la porte de l’espace Iunx. Dans une ambiance épurée 100 % japonisante et futuriste, on ne se lasse pas de savourer l’univers olfactif d’Olivia Giacobetti. Machines à sentir high-tech, eaux parfumées à frictionner de rêve, laits pour le bain étonnants, bougies d’ambiance… La mise en scène des odeurs est spectaculaire. Une seule Eau de parfum : L’Ether de Iunx. Un galet singulier en résine abrite une  » vapeur  » de myrrhe mêlée à la rose et au bois sucré. Un enchantement.

Les souvenirs de Victoire

Victoire Gobin-Daudé est une longue et ravissante jeune femme au parcours très éclectique. Pendant huit ans, elle s’est occupée des relations publiques de Pierre Cardin, puis elle a appris le japonais, s’est initiée à la médecine tibétaine et pratiqué la danse contemporaine. C’est en se promenant dans un arboretum en Belgique que Victoire a eu conscience de sa vocation profonde : créatrice de parfums. De vrais parfums, s’entend, des compositions complexes et raffinées qui ressemblent à un air de musique, vibrant d’émotions, rassurant et apaisant. Victoire a aménagé un labo à l’ancienne au-dessus de son superbe appartement parisien. Quand elle travaille, dans sa tête défilent des souvenirs : une soirée inoubliable dans le désert marocain, la vision furtive d’un animal dans un sous-bois, l’odeur puissante des feuilles humides après la pluie… Alors, elle sélectionne les plus belles matières, toutes naturelles, imagine les notes, les accords et les harmonies. Les ingrédients jouent entre eux en musique, s’élancent, se touchent, s’éloignent, se rapprochent et finissent par fusionner sur la peau dans une composition harmonieuse, charnelle et sensuelle. Lorsque les musiques sont achevées et parfaites, les noms s’imposent naturellement. La volupté orientale du nard et du bois d’aggar évoque la Nuit au Désert. Dans Jardins Ottomans, le petit-grain citronnier, le genêt et le yuzu, enveloppés d’un voile de patchouli, vous transportent dans un jardin lointain où, au petit matin, les plantes se réveillent et donnent le meilleur d’elles-mêmes. Biche dans l’Absinthe réunit des senteurs d’absinthe, d’immortelle, de foin vert et de tabac. Une fabuleuse incursion dans la nature sauvage et intacte.

L’univers de Serge Lutens

Né à Lille, Serge Lutens est un homme du Nord… amoureux du Sud. Les parfums qu’il imagine ne sont  » ni traditionnels, ni révolutionnaires « . Ils sont tout simplement personnels. Voyageur infatigable et grand lecteur, le créateur collectionne les images, les ambiances et… les odeurs. Lorsqu’il conçoit un parfum, c’est comme s’il écrivait un poème qui raconte, olfactivement, la magie d’une balade, le souvenir d’une épopée partagée, l’émerveillement devant un paysage ou une histoire vécue. Le Maroc est le pays que Serge Lutens chérit par-dessus tout. Ambre Sultan, son premier opus, est entièrement inspiré par l’ambre, senteur préférée des femmes marocaines qu’elles gardent toujours par devers elles, en la protégeant par des bijoux d’or et d’argent. De ce symbole est né le désir de composer un ambre sublimé, le plus sensuel de tous les parfums. Il est exalté par des notes poudrées et vanillées provenant des résines exotiques les plus précieuses et subtilement aromatisé de coriandre et d’origan. Les muscs, le bois de santal et le patchouli apportent une rondeur souple et moelleuse. Somptueux et envoûtant. Plus récent, Fleurs d’Oranger est un parfum singulier et précieux. Son odeur est un vrai bonheur de délicatesse et de profondeur. Les pétales blancs des fleurs d’oranger, épais et riches en arômes sont appuyés par le jasmin, la tubéreuse des Indes et la rose blanche. Le sillage sensuel de cumin et de noix de muscade vous transporte au paradis.

Une histoire d’amitié

Meubles patinés, bois cirés, objets anciens et ambiance chaleureuse participent intégralement à l’histoire et au charme de la maison Diptyque. Son histoire commence en 1961, lorsque Desmond Knox-Leet, artiste peintre, aujourd’hui décédé, Yves Coueslant, décorateur, et Christiane Gautrot, graphiste, inaugurent cet espace chaleureux, à la fois lieu de rencontre, galerie d’art et boutique avec un choix d’objets éclectiques, chinés dans des pays lointains. Les maîtres des lieux aiment voyager… et ils aiment aussi partager leurs impressions et leurs souvenirs. Ainsi est née l’idée de bougies parfumées pour la maison exprimant toutes les émotions olfactives ressenties aux quatre coins du monde. La mode est lancée, le succès est d’emblée au rendez-vous. Aujourd’hui, chez Diptyque, on trouve plusieurs dizaines de fragrances qui parfument nos intérieurs avec, au choix, des notes boisées, florales, épicées, fruitées ou herbacées. Les clients réclament alors des Eaux de toilette. La première voit le jour en 1968. L’Eau (c’est son nom) s’inspire d’une recette de pot-pourri du xvie siècle. Depuis, les créations se sont multipliées. Elles sont toutes composées avec sincérité, dans l’esprit de totale liberté, sans contrainte de prix. Depuis le début, la maison respecte scrupuleusement sa philosophie qui consiste à faire de la création pour la création, pas pour le chiffre d’affaires ou suivre aveuglement les tendances. Les nouveautés ? Il y en a deux. Tam Dao est une composition autour du santal. Son odeur spirituelle a accompagné Yves Coueslant durant toute son enfance au Vietnam. Il l’a enrobée de notes de bois de rose, de myrte et de cyprès, enrichie de cèdre et d’ambre gris et enveloppée d’un souffle de muscs et de vanille. Jardin Clos puise ses sources dans l’ambiance romantique d’un lieu abrité de murs où l’on cultivait jadis, sur les terres des vieilles demeures d’An-gleterre, les fleurs à couper pour les bouquets. La jacinthe et le lilas blanc en tête s’étoffent dans le c£ur d’une bouffée de cassie. Le sillage est soutenu par un nuage de bois, de mousses et de muscs doux. Classique et classe.

Alchimie à l’italienne

Etro ? Cette belle maison transalpine nous propose une ligne de maroquinerie et de prêt-à-porter où se mêlent avec bonheur la sensibilité orientale (le célèbre motif cachemire est omniprésent) revue par la culture occidentale, avec le raffinement italien et un sens de la tradition très britannique. Moins connus, mais d’un raffinement absolu, les Eaux de Cologne et les Eaux de toilette déclinent des thèmes orientaux, reposant sur un fond ambré, musqué et balsamique, tantôt épicés, tantôt légèrement sucrés. Pour les gourmandes, Patchouly est une interprétation tout en finesse du… patchouli et de sa note boisée un peu camphrée et légèrement terreuse. Décrite pour  » exciter les sens et relaxer l’esprit  » Etra révèle une eau mixte aux notes suaves. Planant ! Acqua di Parma, la très fameuse Cologne italienne est élaborée, depuis 1916, selon la même recette dans les environs de Parme : tourbillon d’agru- mes en tête, épices vibrantes soutenues de fleurs somptueuses en c£ur. Plus sensuelle encore, la Colonia Assoluta d’Acqua di Parma se fond dans une belle harmonie ambrée-boisée et s’accompagne d’une ligne de bain très raffinée, comme par exemple Polvere di Sapone, une délicate poudre de savon à savourer sous la douche ou dans le bain.

Les créateurs de mode au parfum

Donna Karan, Marc Jacobs et Michael Kors… les créateurs de mode les plus pointus nous habillent de leurs étoffes précieuses et nous enveloppent de leurs fragrances. Les essences sont rares, conceptuelles et ultrachic. Black Cashmere traduit la passion de Donna Karan pour les matières luxueuses et sensuelles. Un cocktail sophistiqué de safran, de poivre blanc, de girofle et de muscade réconforte l’âme et entoure la peau d’une chaleur douce. Avec Perfume, Marc Jacobs nous livre une interprétation inédite du gardénia. Entouré de chèvrefeuille, de jasmin de bois blonds et de muscs moelleux, la fragrance exprime le charme discret et le  » chic sans chichis  » de la griffe. Michael de Michael Kors est un enivrant floral blanc où prédomine la tubéreuse indienne. Elle s’associe à l’éclat pétillant des agrumes, à l’exotisme des épices et au mystère de l’encens. Un accord parfait avec la mode glamour du créateur.

Barbara Witkowksa

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