Barbara Witkowska Journaliste

Le danseur et chorégraphe d’origine italienne se lance dans une aventure inédite en assurant la mise en scène d’Infundibulum de la compagnie de cirque contemporain Feria Musica. Aux Halles de Schaerbeek.

Cet après-midi pluvieux d’hiver, Mauro Paccagnella nous reçoit dans sa maison de Saint-Gilles, où il s’est posé avec femme et enfants. À 47 ans, accent chantant, pas dansant, inséparable bonnet de laine vissé sur la tête, il a gardé l’incroyable fraîcheur de ses débuts, il y a presque trente ans. Il nous sert un  » vrai  » café italien et ne se fait pas prier pour conter en long et en large sa nouvelle expérience.  » Je ne connaissais pas du tout le monde du cirque. En 2008, j’étais à Avignon avec mon spectacle Bayreuth FM. Dans un café, j’ai croisé Philippe De Coen, créateur de Feria Musica, cirque contemporain qui cherche à explorer de nouvelles trajectoires acrobatiques et chorégraphiques. Il a bien compris ma philosophie qui consiste à faire cohabiter tous les genres du spectacle vivant, danse, musique live, vidéo et théâtre. Nous retrouvant sur la même longueur d’onde, il m’a proposé de mettre en scène son prochain spectacle Infundibulum (*).

Mais qu’est-ce donc que l’infundibulum ?  » Une structure creuse en forme d’entonnoir.  » Philippe de Coen a eu l’idée d’utiliser ce dispositif évoquant un demi-sablier comme un nouvel agrès acrobatique. L’engin est impressionnant. Haut de 5 mètres, il est suspendu à 2,50 mètres du sol. Les acrobates, interprètes extraordinaires, exécutent une chorégraphie, tout en restant accrochés à la paroi, inclinée à 60 °, par la force du poignet et la maîtrise de l’équilibre. Le message est éternel. On essaie de progresser, d’avancer, de s’élever et on est toujours  » aspiré  » vers le fond, ramené à la réalité et à la banalité par la loi de la gravité. Tout se joue à l’intérieur d’un temps, le sablier, qu’il est impossible d’inverser. Tout se termine par le happy end : la structure éclate et la vie, une fois de plus, en sort victorieuse. Sur le plan visuel, c’est très spectaculaire.

On lui demande pourquoi il a quitté l’Italie. Mauro rajuste une fois de plus son bonnet de laine car sa tête  » a besoin de rester au chaud  » et répond qu’il est né à Padoue, qu’il a grandi dans une famille  » bourgeoise toute simple « .  » J’avais besoin de danser, besoin de la physicalité de la danse pour m’exprimer. Et puis, elle était pour moi le seul moyen de quitter le cocon familial, d’aller loin et de m’ouvrir à de nouvelles dimensions. Après des cours de danse classique et contemporaine à Padoue, je suis arrivé en 1991 à Bruxelles, le top de la discipline. J’aime Bruxelles, c’est un espace libre. C’est une ville qui n’appartient à personne et donc appartient à tout le monde « .

Frédéric Flamand qu’il a croisé en Italie lui donne tout de suite du travail. Mauro participe à la création de Charleroi/Danses, puis crée sa propre compagnie et collabore, comme danseur, avec de nombreux chorégraphes dont Caterina Sagna, depuis 2002.  » Dans mes créations, je ne suis pas dans une esthétique du mouvement, je ne suis pas un puriste de la chorégraphie. Ce qui me tient à c£ur, c’est l’identité des gens et la justesse de la parole ou du geste. Ensuite, la forme peut s’ouvrir au théâtre, au clip vidéo ou au cirque. Je glisse parmi les genres, me frotte à leurs frontières, car ces frontières sont comme des no man’s land où il y a de belles intimités à découvrir. Prenons l’exemple d’ Infundibulum. Le cirque contemporain se nourrit du cirque traditionnel et ne le renie pas. Cette frontière était pour moi intéressante. Dans la mise en scène, j’ai travaillé sur l’obstination, attitude propre de tout type de cirque et qui est fascinante par sa proximité avec la mort et le risque.  »

Le discours prend une tournure philosophique et Mauro refait du  » vrai  » café italien.  » Rassurez-vous, dit-il en riant, si le concept est intello au départ, dans la forme il y a beaucoup de légèreté, d’ironie, d’humour et de décalage. Je veille à ce que mes spectacles soient source de réflexion sensible et non intellectuelle.  » À vérifier prochainement sur le plateau des Halles.

(*) Infundibulum, du 2 au 5 mars à 20 h 30, Halles de Schaerbeek. www.halles.be

BARBARA WITKOWSKA

La danse était pour moi le seul moyen de quitter le cocon familial.

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