Le 26 décembre prochain, Arte programme une passionnante émission gourmande. Au menu : quatre chefs trois étoiles, une maman cordon bleu et une oie rôtie. Histoire d’une rencontre au sommet peu banale qui a eu lieu chez nous, dans un petit village hesbignon. Weekend y était, en exclusivité.

 » L’Oie, quatre cuisiniers et ma mère  » est programmé sur Arte le vendredi 26 décembre à 23 h 15. Les recettes des quatre grands chefs ne seront pas expliquées à l’antenne, mais disponibles sur le site Internet de la chaîne : www.arte-tv.com

 » L’Oie, quatre cuisiniers et ma mère  » est programmé sur Arte le vendredi 26 décembre à 23 h 15. Les recettes des quatre grands chefs ne seront pas expliquées à l’antenne, mais disponibles sur le site Internet de la chaîne : www.arte-tv.com

L e 11 septembre dernier, Ferran Adria, le cuisinier catalan surdoué, et Tetsuya Wakuda, le plus grand chef d’Australie, poussent la grande porte en bois de la cour intérieure d’une petite ferme hesbignonne. Piet Eekman, qui les accueille chez ses parents, voit se concrétiser un de ses plus beaux rêves : réunir autour d’une même table quatre monstres sacrés des fourneaux. En attendant que le quatuor soit au complet, il sert un genièvre de Hasselt aux deux premiers arrivés. Bientôt, Dieter Müller, le chef de file de la cuisine allemande, et Pierre Gagnaire, la star de la cuisine parisienne feront eux aussi leur entrée.

Piet Eekman est réalisateur, diplômé de l’Insas, à Bruxelles. Né d’une mère allemande de l’est, il est arrivé en Belgique à l’âge de 1 an. En grandissant, il s’est approprié trois cultures au moins : l’allemande de sa maman, la flamande de son papa et celle de Bruxelles, là où il vit. Auteur de plusieurs documentaires, il signe aussi des reportages journalistiques d’investigation. Il est, par exemple, considéré par la chaîne allemande ZDF comme un grand spécialiste de l’affaire Dutroux, à laquelle il a consacré une longue enquête qui fit grand bruit outre-Rhin.  » Arte programme régulièrement des portraits d’artistes, embraye-t-il. Ils m’ont proposé d’en faire un. Selon moi, les grands chefs sont des artistes. Et leur prestation durant le service, une forme d’art d’installation.  »

A la Noël 2002, Piet Eekman propose,  » Le Cuisinier, le chien et Dali « , un portrait de Ferran Adria, débusquant le génie du chef de El Bulli. L’émission remporte un vif succès, suscite de nombreuses réactions.  » Autour de moi, une question, assez évidente, a surgi, venant essentiellement de femmes, confie le réalisateur. On me demandait pourquoi la cuisine de haut niveau se résumait à une affaire d’hommes.  » C’est ainsi que naît l’idée de confronter plusieurs grands chefs et d’évoquer avec eux cette problématique et, aussi, la relation qu’ils entretiennent avec leur propre mère.

Ferran Adria, Tetsuya Wakuda, Dieter Müller et Pierre Gagnaire sont les acteurs de 60 minutes d’une émission peu banale qui sera programmée le 26 décembre prochain sur Arte. Le tournage de  » L’Oie, quatre cuisiniers et ma mère  » a fait voyager Piet Eekman et son équipe de l’hémisphère Nord à ses antipodes.  » Ferran m’avait parlé de Tetsuya, qu’il considère comme le meilleur chef au monde, commente le réalisateur. J’avais donc deux chefs, mais le chiffre quatre collait mieux au projet. J’ai de suite été sur la même longueur d’onde que Pierre Gagnaire. Quant à Dieter Müller, il est le plus grand chef allemand contemporain, même si, en Allemagne, un trois étoiles n’a pas le statut de demi-dieu qu’il peut espérer en France ou de star à la mode américaine.  »

La grande originalité ? Piet Eekman a proposé à Arte de faire apparaître à l’écran sa mère préparant un plat traditionnel du Noël allemand : l’oie rôtie. Le montage du film repose en fait sur six tournages. Un seul se fait en dehors des grands chefs. Il met en scène les parents de Piet Eekman occupés à préparer le repas de Noël, en commençant par le sacrifie de l’oie dans le jardin familial. Quatre autres ont lieu dans les cuisines des trois étoiles. Le défi proposé par le réalisateur à ses interlocuteurs ? Concevoir chacun une recette à base d’oie…

Ferran Adria et Tetsuya Wakuda prennent la demande au pied de la lettre.  » Lorsque nous sommes arrivés à Sydney, Wakuda nous a expliqué qu’il avait dû retourner presque tout le pays pour trouver une oie, signale Piet Eekman. Il n’en a d’ailleurs trouvé qu’une seule. Sa recette ? Il a simplement poché l’oie dans un bouillon aromatisé avec du gingembre, de l’ail, de la sauce soja… Après l’ébullition, il a coupé la flamme, couvert la marmite et laissé le tout reposer durant trois heures. La graisse qui se dégage vient en surface et constitue une sorte d’isolant qui empêche le bouillon de refroidir trop vite. Adria, lui, nous l’a préparée en croûte de sel. La sauce au curry est réalisée avec les abats.

Müller et Gagnaire, eux, décident de contourner la difficulté et d’utiliser du foie gras… d’oie. Gagnaire propose une de ses récentes recettes, le chantilly de foie gras, développé à partir des recherches de Hervé This ( lire Weekend Le Vif/L’Express du 21 novembre dernier). Müller, lui, exécute une très belle crème brûlée au foie gras.

Le jour J venu, le repas est déjà prêt. Les présentations faites, les acteurs pénètrent sur le lieu de tournage, où trône la table de la salle à manger. Heidi Eekman encore dans la cuisine, se voit envahie par la curiosité culinaire de ces quatre impressionnants gourmets. Tous entendent mettre la main à la pâte, s’intéressant de près à l’oie rôtie qu’il s’agit de découper en vue de sa présentation. Ne pouvant résister à leur curiosité gourmande, les voici tous affairés à dénicher les bons morceaux qui restent sur la carcasse, à commencer par les lambeaux de peau croustillante.

 » J’avais proposé le scénario à Arte sans mettre ma mère dans la confidence, note Piet Eekman. Je ne l’ai tenue au courant qu’assez tard. Ce qui m’importait c’est qu’elle fasse la recette originale, qu’elle cuisine exactement comme pour mon repas de fête préféré, sans chichis.  » A table, la conversation hésite à démarrer ; sans doute à cause de la barrière des langues (Tetsuya ne parle qu’anglais et Müller qu’allemand. Adria et Gagnaire ont le français en commun).

Morceaux choisis…

Dieter Müller : en Italie, de nombreuses femmes sont aux fourneaux ; en ce compris deux femmes qui ont 3 étoiles, contre un seul homme parvenu à ce niveau.

Ferran Adria : en Espagne, les femmes chefs sont peu nombreuses mais elles ont atteint un niveau gastronomique très élevé. De manière générale, les hommes sont plus spontanés. Ils sortent plus aisément des sentiers battus.

Dieter Müller : chez nous, les femmes se cantonnent davantage à ce qu’elles connaissent. Elles vont, par exemple, cuisiner ce qu’elles ont appris de leur mère.

Tetsuya Wakuda : ma mère (qui vit toujours au Japon) a toujours été d’une exigence énorme par rapport à la qualité des produits. Elle est d’ailleurs une des personnes les plus critiques par rapport à ce que je fais.

Pierre Gagnaire : à travers notre métier, nous voulons prouver quelque chose. C’est une forme de pouvoir, de machisme même. Peu de femmes réussissent d’ailleurs à conserver leur féminité en ayant un projet personnel, quel qu’il soit.

Tetsuya Wakuda : cuisiner au niveau d’un 3 étoiles, c’est physiquement très dur. Mais nous ne sommes pas seuls, regardez chacun des grands chefs connus a une femme derrière lui. L’homme, c’est la tête… Mais la femme, qui se trouve derrière lui, c’est le cou qui fait tourner la tête !

Ferran Adria : la cuisine c’est techniquement très facile. Si vous aimez, ce n’est pas difficile, ce n’est pas une question d’homme ou de femme.

Dieter Müller : à table, les femmes sont plus ouvertes à la créativité.

Ferran Adria : en cuisine, il y a très peu de gens vraiment créatifs. La créativité en cuisine représente un risque que l’on peut appeler la peur de l’échec. Une recette connue ne représente pas de risque.

Tetsuya Wakuda : les femmes ont effectivement un comportement très critique à table. En cuisine, chez moi, j’ai souvent rencontré des femmes très créatives. Je crois que dans le futur, il y aura plus de femmes 3 étoiles. Mais, à nouveau, elles devront faire des choix que les hommes ne sont jamais amenés à faire, par rapport à leur famille, leur maternité.

Mais voici déjà l’heure de prendre le café, de débarrasser la table, tâche auquel chacun s’attelle, spontanément. Le temps de la photo, tous repartent vers leurs fourneaux, avec leur idée sur la femme, mélange confus de la relation qu’ils ont ou ont eue avec leur mère. Mais n’est-ce pas là le propre de l’homme ?

en commençant par le sacrifie de l’oie dans le jardin familial. Quatre autres ont lieu dans les cuisines des trois étoiles. Le défi proposé par le réalisateur à ses interlocuteurs ? Concevoir chacun une recette à base d’oie…

Ferran Adria et Tetsuya Wakuda prennent la demande au pied de la lettre.  » Lorsque nous sommes arrivés à Sydney, Wakuda nous a expliqué qu’il avait dû retourner presque tout le pays pour trouver une oie, signale Piet Eekman. Il n’en a d’ailleurs trouvé qu’une seule. Sa recette ? Il a simplement poché l’oie dans un bouillon aromatisé avec du gingembre, de l’ail, de la sauce soja… Après l’ébullition, il a coupé la flamme, couvert la marmite et laissé le tout reposer durant trois heures. La graisse qui se dégage vient en surface et constitue une sorte d’isolant qui empêche le bouillon de refroidir trop vite. Adria, lui, nous l’a préparée en croûte de sel. La sauce au curry est réalisée avec les abats.

Müller et Gagnaire, eux, décident de contourner la difficulté et d’utiliser du foie gras… d’oie. Gagnaire propose une de ses récentes recettes, le chantilly de foie gras, développé à partir des recherches de Hervé This ( lire Weekend Le Vif/L’Express du 21 novembre dernier). Müller, lui, exécute une très belle crème brûlée au foie gras.

Le jour J venu, le repas est déjà prêt. Les présentations faites, les acteurs pénètrent sur le lieu de tournage, où trône la table de la salle à manger. Heidi Eekman encore dans la cuisine, se voit envahie par la curiosité culinaire de ces quatre impressionnants gourmets. Tous entendent mettre la main à la pâte, s’intéressant de près à l’oie rôtie qu’il s’agit de découper en vue de sa présentation. Ne pouvant résister à leur curiosité gourmande, les voici tous affairés à dénicher les bons morceaux qui restent sur la carcasse, à commencer par les lambeaux de peau croustillante.

 » J’avais proposé le scénario à Arte sans mettre ma mère dans la confidence, note Piet Eekman. Je ne l’ai tenue au courant qu’assez tard. Ce qui m’importait c’est qu’elle fasse la recette originale, qu’elle cuisine exactement comme pour mon repas de fête préféré, sans chichis.  » A table, la conversation hésite à démarrer ; sans doute à cause de la barrière des langues (Tetsuya ne parle qu’anglais et Müller qu’allemand. Adria et Gagnaire ont le français en commun).

Morceaux choisis…

Dieter Müller : en Italie, de nombreuses femmes sont aux fourneaux ; en ce compris deux femmes qui ont 3 étoiles, contre un seul homme parvenu à ce niveau.

Ferran Adria : en Espagne, les femmes chefs sont peu nombreuses mais elles ont atteint un niveau gastronomique très élevé. De manière générale, les hommes sont plus spontanés. Ils sortent plus aisément des sentiers battus.

Dieter Müller : chez nous, les femmes se cantonnent davantage à ce qu’elles connaissent. Elles vont, par exemple, cuisiner ce qu’elles ont appris de leur mère.

Tetsuya Wakuda : ma mère (qui vit toujours au Japon) a toujours été d’une exigence énorme par rapport à la qualité des produits. Elle est d’ailleurs une des personnes les plus critiques par rapport à ce que je fais.

Pierre Gagnaire : à travers notre métier, nous voulons prouver quelque chose. C’est une forme de pouvoir, de machisme même. Peu de femmes réussissent d’ailleurs à conserver leur féminité en ayant un projet personnel, quel qu’il soit.

Tetsuya Wakuda : cuisiner au niveau d’un 3 étoiles, c’est physiquement très dur. Mais nous ne sommes pas seuls, regardez chacun des grands chefs connus a une femme derrière lui. L’homme, c’est la tête… Mais la femme, qui se trouve derrière lui, c’est le cou qui fait tourner la tête !

Ferran Adria : la cuisine c’est techniquement très facile. Si vous aimez, ce n’est pas difficile, ce n’est pas une question d’homme ou de femme.

Dieter Müller : à table, les femmes sont plus ouvertes à la créativité.

Ferran Adria : en cuisine, il y a très peu de gens vraiment créatifs. La créativité en cuisine représente un risque que l’on peut appeler la peur de l’échec. Une recette connue ne représente pas de risque.

Tetsuya Wakuda : les femmes ont effectivement un comportement très critique à table. En cuisine, chez moi, j’ai souvent rencontré des femmes très créatives. Je crois que dans le futur, il y aura plus de femmes 3 étoiles. Mais, à nouveau, elles devront faire des choix que les hommes ne sont jamais amenés à faire, par rapport à leur famille, leur maternité.

Mais voici déjà l’heure de prendre le café, de débarrasser la table, tâche auquel chacun s’attelle, spontanément. Le temps de la photo, tous repartent vers leurs fourneaux, avec leur idée sur la femme, mélange confus de la relation qu’ils ont ou ont eue avec leur mère. Mais n’est-ce pas là le propre de l’homme ?

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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