Comme le héros de son dernier roman, Et si c’était à refaire, l’écrivain français a une fascination pour le West Village, où il a élu domicile. Balade au fil de ses meilleures adresses.

Marc Levy peut se flatter d’un beau succès planétaire. Mais loin des mondanités, l’homme aux 24 millions d’ouvrages vendus nous reçoit chez lui en bermuda, les cheveux en bataille, et nous invite sans prétention aucune à emprunter l’ascenseur de service qui monte jusqu’à son bureau niché au 4e étage. Tout en verrières, surplombant les toits du West Village, l’endroit a des allures de garçonnière… si ce n’est que le romancier vit dans le loft juste en dessous avec sa famille.

On imagine sans peine l’auteur des best-sellers Et si c’était vrai ?, L’étrange voyage de Monsieur Daldry et Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites passer ici de longs mois coupé du monde pendant son travail de rédaction : un frigo a été installé pour le ravitaillement d’urgence, une chaise longue en cuir et un écran géant de télévision pour les pannes d’inspiration. Pour lui tenir compagnie, les murs sont tapissés de ses livres préférés, comme ceux de son auteur culte Antoine Audouard et de Philip Roth, Paul Auster, Colum McCann… Sur la table est posée une étrange boîte noire couverte de boutons. Le romancier qui nous fait si bien croire aux retours en arrière, aux gentils fantômes et à l’amour malgré la mort, disposerait-il d’une machine à se déplacer dans le temps ?  » C’est mon simulateur de vol, une passion. Rien à voir avec l’écriture « , répond-il l’air de rien. On aimerait secrètement douter…

C’est en 2008 que l’auteur français le plus lu au monde a choisi New York et son Village pour poser ses bagages.  » Pourquoi Big Apple ? Parce que c’est un endroit où la notion d’identité est celle qui me convient le mieux. J’aime la diversité culturelle, ce brassage ethnique sans préjugés et sans prédominance d’une culture sur une autre. Tout à l’heure, je suis allé à Chinatown et je n’étais plus à New York. J’étais en Chine. Quand vous vous trouvez à Little Italy, vous êtes en Italie. Ce n’est pas un décor de carton-pâte, c’est une vraie réalité du multiculturalisme. New York est une ville où vous pouvez vous sentir tout de suite chez vous sans jamais vous arroger le droit de dire « vous êtes ici chez moi ». C’est la raison pour laquelle j’ai eu envie d’y planter mes racines et de rester un bon bout de temps. « 

Le West Village, avec ses rues arborées qui plongent vers l’Hudson River, constitue l’univers de Marc Levy mais aussi celui de Si c’était à refaire, paru en avril dernier.  » Je l’ai choisi pour son côté village, justement, où les gens se connaissent. Il est chargé d’une histoire qui me touche… À l’origine, il était peuplé d’artistes et d’ouvriers. Il s’est forgé dans le travail des hommes. C’est également un quartier qui se mérite car il faut se faire accepter par la communauté. Il faut donner de soi et de son temps et j’adore ça. Cette école d’humilité quotidienne vous pousse à aller vers les autres. C’est ce qui provoque une ouverture d’esprit et vous incite à vous remettre en cause parce que tout à coup vous vous intéressez à un système de valeurs qui est différent du vôtre.  »

Berceau de toute une vague d’artistes, de Bob Dylan à Barbra Streisand qui chanta pour la première fois au Smalls, un club de jazz aux allures confidentielles, le West Village inspira entre autres l’£uvre du peintre Edward Hopper. Ses ruelles tortueuses bordées de maisons de couleur brique sont aujourd’hui les sweet homes de nombreuses célébrités comme Sarah Jessica Parker, Philip Seymour Hoffman, Julianne Moore… Marc Levy, lui, ne se sent pas concerné par la star attitude. Il a d’ailleurs une préférence pour les troquets et cantines populaires où il aime se fondre dans le décor.  » Je ne suis pas du tout mondain. Je n’ai jamais été intéressé par la comédie humaine, que ce soit celle du pouvoir ou des strass et paillettes. Je vis dans un grand anonymat et sans avoir à me forcer : le visage de l’écrivain restera toujours caché sous la couverture des livres. Dieu merci, je n’ai jamais eu la sensation d’être dans la peau d’un chanteur de rock ! « 

Pour son dernier opus, Marc Levy s’est largement inspiré de deux faits bien réels : le vol des enfants de dissidents sous la dictature argentine et le scandale des faux orphelins chinois adoptés par des familles américaines, sur lesquels enquête son héros, Andrew Stillman, grand reporter au New York Times. Mais il a situé le c£ur de l’intrigue au pied de chez lui. Andrew Stillman perd connaissance lors de son jogging matinal le long de l’Hudson River, pour reprendre finalement conscience deux mois plus tôt et tenter de changer le destin. Le lieu du drame n’est pas anodin. Le romancier apprécie particulièrement cette proximité avec le fleuve miroitant, les perspectives bleues sur le New Jersey. Il aime s’installer dans la grande salle de style colonial du Café Gitane, dans le Jane Hotel, une ancienne résidence pour matelots reconvertie, d’où l’on peut apercevoir la Statue de la Liberté. Comme son héros, Marc Levy a ses habitudes au Mary’s Fish Camp, un restaurant de poissons aux faux airs de cantine de pêcheurs.  » Le fait de placer mes personnages dans un cadre qui m’est extrêmement familier me permet d’être espion et complice. Ce qui est amusant, c’est d’être ce personnage invisible qui les côtoie, qui les écoute, qui emprunte parfois leur rôle, qui entre dans leur peau et parfois en sort, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme d’ailleurs.  »

Arthur, le héros de son premier best-seller, Et si c’était vrai ?, habite, lui, en Californie et travaille comme architecte, un parallèle évident avec Marc Levy qui a aussi vécu sur la côte ouest américaine et dirigé un bureau d’architecte à Paris. Une part d’autobiographie dans son £uvre ?  » Il y a toujours un bout de soi qui vous échappe quand on écrit. L’écriture se nourrit d’émotions éprouvées, de transgressions, de digressions, également de choses rêvées ou redoutées et non vécues. On écrit pour coucher sur le papier ce que l’on n’arrive pas toujours à exprimer à voix haute… et cela finit toujours par se produire à un moment du récit, dans un dialogue, dans la faille d’un personnage, dans le rapport qu’il entretient avec un autre protagoniste. Certains auteurs ont une écriture autocentrée, d’autres, comme moi, sont beaucoup trop pudiques pour cela, et le déshabillage est alors plus confidentiel.  » Un effeuillage dont on ne se lasse pas…

PAR ÉLODIE PERRODIL

SMALLS JAZZ CLUB: « VOUS DESCENDEZ QUELQUES MARCHES POUR ENTRER DANS CE VIEUX CLUB DE JAZZ OÙ BARBRA STREISAND A DÉBUTÉ SA CARRIÈRE. CES PETITES CHOSES-LÀ DONNENT UNE ÂME À CE QUARTIER. » 183, West 10th Street. New York NY 10014.

LA HIGHLINE: « J’ADORE ME BALADER SUR CETTE ANCIENNE VOIE DE CHEMIN DE FER SURÉLEVÉE CONVERTIE EN PROMENADE ARBORÉE. ON TRAVERSE LE CÉLÈBRE MEATPACKING DISTRICT À ENVIRON 20 MÈTRES DU SOL, CE QUI OFFRE DES PERSPECTIVES MAGIQUES SUR LES RUES EN CONTREBAS, SUR L’HUDSON RIVER ET JERSEY CITY. » Plusieurs accès : de Gansevoort Street à la 30e rue, entre la 10e et la 11e avenue.

MARY’S FISH CAMP: « UN PETIT BISTROT DE PÊCHEURS QUI NE PAIE PAS DE MINE, FRÉQUENTÉ PAR LES HABITANTS DU QUARTIER. ON Y VOIT SOUVENT LES MÊMES TÊTES, ET TOUS FINISSENT PAR SE DIRE BONJOUR. » 64, Charles Street. New York NY 10014.

CAFÉ GITANE AU JANE HOTEL: « IL SE TROUVE AU REZ-DE-CHAUSSÉE DU JANE HOTEL, DANS UNE AMBIANCE PLEINE DE VIE. ON PEUT S’ASSEOIR À UNE TABLE ET REGARDER LES AUTRES CLIENTS TOUTE LA JOURNÉE. J’AIME AUSSI L’AUTRE CAFÉ GITANE, SUR MOTT STREET À SOHO, OUVERT PAR LES MÊMES PROPRIÉTAIRES. » 113, Jane Street. New York NY 10014.

TARTINE: « C’EST UN RESTAURANT FRANÇAIS TENU PAR UN BASQUE ESPAGNOL DANS NEW YORK, IL FALLAIT LE FAIRE ! ON Y SERT DE TRÈS BONNES PÂTISSERIES. » 253, West 11th Street. New York NY 10014

LES MARCHÉS: « J’ADORE LE FLOWER DISTRICT, LE MARCHÉ AUX FLEURS, SUR LA 28e RUE ENTRE LA 6e ET LA 7e AVENUE. L’EFFERVESCENCE COMMENCE TÔT LE MATIN, QUAND LES CAMIONS DÉBARQUENT LA MARCHANDISE POUR LES GROSSISTES ET LES PÉPINIÉRISTES. C’EST COMME UN COIN DE CAMPAGNE À LA VILLE. MÊME CHOSE LE VENDREDI ET LE SAMEDI MATIN AU MARCHÉ BIO DE UNION SQUARE. LES COMMERÇANTS DÉCHARGENT DES ARBRES GIGANTESQUES ET DES MILLIERS DE FLEURS, JE TROUVE ÇA TRÈS JOYEUX. JE VAIS AUSSI SOUVENT FAIRE MES COURSES AU CHELSEA MARKET, POUR LES PRODUITS MAIS AUSSI POUR LE LIEU QUI EST ABSOLUMENT EXTRAORDINAIRE. »

FISHS EDDY: « PRÈS DE UNION SQUARE, UN MAGASIN DE VAISSELLE. IDÉAL POUR DÉNICHER CADEAUX ET SOUVENIRS DE NEW YORK. » 889, Broadway. New York NY 10003.

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