A 23 ans, il signe la carte des vins de L’Air du Temps, le restaurantdoublement étoilé de Sang-Hoon Degeimbre. élu meilleur sommelier de Belgique par le GaultMillau 2009, Maxim Demuynck pose sur le pinard un regard curieux et décomplexé.

Acet âge-là, on rêve de quoi ? D’être une rock-star. Un acteur. Un sportif de haut niveau, voire. On aimerait rencontrer  » en vrai « , Alex Kapranos des Franz Ferdinand, serrer la pince de Pedro Winter, emblème de la night électro parisienne. Maxime Demuynck, lui, a le c£ur qui bat pour  » les vignerons mythiques « , les yeux qui pétillent quand il parle de riesling  » d’une évolution aromatique fabuleuse, magique  » et s’emballe pour les vieux champagnes de terroir comme on s’amourache d’écrivains confidentiels, dénichés dans un entrefilet des Inrocks.

 » Moi, un ovni ? Faut pas exagérer.  » C’est vrai. Mais quand même : en général, le sommelier de la table étoilée où vous espérez bien éblouir votre femme ou bluffer un gros client ne ressemble pas à un lycéen irlandais sapé preppy.

Frais émoulu de l’école hôtelière de Namur, Maxim Demuynck commence à bosser fissa aux côtés du chef Sang-Hoon Degeimbre. Qui lui fait très rapidement confiance, après deux stages à peine. Il a 17 ansà  » Les débuts ont parfois été un peu difficiles, nous raconte-t-il, le col déboutonné, entre deux services. Ben oui, j’étais jeunot de chez jeunot. Acquérir la confiance des gens n’est jamais évident. Ça a été un travail de longue haleine, mais maintenant, j’ai carte blanche, les clients ne regardent même plus la carte.  » Plus fort encore : il dévergonde les vieux fidèles du dieu bordeaux, en leur faisant goûter à l’aveugle de succulents jus tinto, red ou rosso selon l’humeur.  » Je m’amuse aussi à faire découvrir des merveilles produites dans de petites appellations de réputation médiocre. Le vin doit rester ludique.  » De quoi enthousiasmer un Eric Boschman, Rémy Brica de l’£nophilie belge, qui dédramatise le jus de la treille depuis vingt ans déjà :  » Maxim a un potentiel énorme. C’est un mec qui goûte bien, pas con, qui a compris l’aspect cérébral du vin et qui a un côté décalé qui lui permet de ne pas se prendre la tête. « 

Pour comprendre pourquoi Maxim dit aujourd’hui des choses du genre :  » On ne s’ennuie pas avec le riesling « ,  » le vin, c’est le voyage, l’évasion  » ou  » j’ai planté de la vigne dans mon jardin, c’est très joli « , il faut revenir huit ans en arrière, un jeudi, 20 h 50, allumer le téléviseur, zapper sur France 2 et tomber sur un Envoyé Spécial consacré au grand sommelier français Eric Bommard.  » Il a eu une révélation. Comme s’il avait vu Jésus. Jusque-là il n’avait pourtant marqué aucun intérêt pour ce que je faisais « , dit Michel son père, lui-même sommelier reconnu (L’Essentiel, à Temploux). Ce qui aide évidemment : entre l’ado tout à coup  » mordu, à fond dedans « , et  » Papa « , comme il l’appelle en interview, l’accord est parfait.

Maxim suit son paternel dans les grandes maisons champenoises,  » Krugg, Bollinger, le top « , obtient une autorisation de l’école pour assister, le lundi, avec lui, aux dégustations professionnelles. Résultat, à 15 ans, il en connaît plus que le prof, qui s’avoue  » mal à l’aise, Monsieur Demuynck, vous comprenez, il me met en porte-à-faux par rapport au reste de la classe « . Résultat, à 18 ans, il bat son père lors d’un concours de vins portugais, où il termine 1er devant une assemblée scotchée. Résultat : à 23 ans, le GaultMillau lui décerne la palme de meilleur sommelier de Belgique.

 » Il a une vraie possibilité d’avenir, assure Eric Boschman. Il va gagner en épaisseur. S’il prend le temps de voyager. Dans ce métier, on ne peut pas progresser assis dans un fauteuil.  » Maxim en rêve, d’aller salir d’avantage ses bottes dans les vignes. Mais il adore aussi les souiller dans son petit jardin secret.  » Au départ, j’étais obnubilé par le vin. Là, je viens de me marier, j’ai acheté une maison et j’adore cultiver mes plantes aromatiques. Il n’y a pas que le vin dans la vie.  » C’est vrai, il y a aussi les amis (son meilleur pote est restaurateur), l’amour (sa femme travaille en salle à L’Air du temps) et les voyages ( » Uniquement dans un endroit où on produit du vin et où on mange bien « , sourit cette dernière). A part ça, il aime promener son chien. Et préférerait servir en salle,  » en jeans, à pieds nus dans mes docksides « . 23 ans, on vous disait.

Baudouin Galler

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