Barbara Witkowska Journaliste

Le cru 2005 est exceptionnellement riche en éditions limitées. La parfumerie ne se lasse pas de ces splendides flacons et coffrets nés des mains des artisans talentueux. Démonstration.

Carnet d’adresses en page 106.

Et si, pour une fois, le célèbre adage  » Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse  » s’avérait faux ? En matière de parfums, l’ivresse commence avec la ligne singulière du flacon et la sensualité précieuse de la matière qui suggèrent le plaisir enfermé. Vue, toucher, odorat… Au cours des années 1990, années de récession, la parfumerie s’était prise d’un grand engouement pour les éditions limitées de prestige. Paradoxal ? Non, car lorsque tout va mal, on se replie sur ses valeurs traditionnelles. Et la crise économique qui se profile sur tous les horizons du monde amplifie l’intérêt des parfumeurs pour les éditions de grand luxe. La banalisation générale est une autre raison de ce succès. En offrant du rare et de l’exclusif, on donne l’impression à certaines personnes de faire partie d’un cercle privé auquel les autres n’ont pas accès. Un vrai luxe. C’est ainsi que désormais les parfums nous en mettent plein la vue avant de nous enivrer de leurs subtils effluves.

L’artiste Hervé van der Straeten, le joaillier du bronze qui enroule des tiges épineuses sur du mobilier, imagine pour L’Or de Torrente, un flacon talisman, un ovale aussi parfait que les courbes sensuelles de la femme. Aujourd’hui, le flacon de L’Or Rouge s’habille d’un voile au rouge profond et lumineux. Traversé par la lumière, il laisse apparaître de multiples reflets ardents d’une composition follement impertinente qui mêle les roses rouges, la pêche de vigne, le clou de girofle et le patchouli. Le même Hervé van der Straeten a mis au col de J’Adore de Dior un collier de femme-girafe en métal doré. Le flacon amphore devient joyau et se pare de lettres dorées comme ciselées par un orfèvre. A travers l’or, on aperçoit la lumière chatoyante de la fragrance, un bouquet floral et fruité, composé de feuilles de lierre, de fleur de champaca, de prune de Damas et de bois d’amarante.

Eau du Soir de Sisley est un grand classique fleuri chypré où les fleurs s’épanouissent sans compter. Chaque année, à l’approche des fêtes, son flacon interprète une pierre précieuse. Après le rubis, l’émeraude et le saphir, place à l’améthyste. Sa nuance profonde et troublante, alliée à l’éclat de l’or, apporte au flacon taillé  » cristal  » une touche baroque et romanesque.

La magie du cristal

La cristallerie Baccarat s’associe parfois à des grandes maisons de parfum. Cette fois, elle signe une édition très limitée de vingt flacons numérotés autour de L’Heure Bleue. Dessiné en 1912 par Raymond Guerlain, l’écrin se pare, pour l’occasion, d’une collerette de tulle bleu, de perles et d’une pampille de nacre, gravée d’un double G. La fragrance ? C’est une brassée de fleurs suaves, enveloppée d’un souffle poudré, mêlé aux notes orientales. Impressionniste et parfaitement équilibré, c’est l’un des plus beaux parfums de la maison. En exclusivité à la Maison Guerlain, 68, avenue des Champs-Elysées, à Paris.

Outre Baccarat, on compte aussi Lalique, mais qui n’habille les parfums qu’à son propre nom. En cette fin d’année, la prestigieuse maison française propose trois compositions, somptueusement parées. Le Parfum Lalique prend son envol dans une élégance rare du laurier et de la bergamote, rafraîchis par la baie rose, le muguet et la feuille de violette. Après, pianissimo, la note de c£ur joue de toutes ses richesses pour s’épanouir sur un fond de notes plus profondes, crémeuses, musquées et vanillées qui imprègnent la peau. Cet élixir vertigineux coule dans un flacon à sensations qui met en lumière le  » masque de femme « , un motif original créé par René Lalique en 1935. Un élégant cube de verre décline deux créations. L’Eau de Parfum est coiffée d’un cabochon carré, bicolore et gravé en son sommet du fameux motif. Sur le col s’enroule un cordon de passementerie rouge flamboyant. Le Parfum est enfermé dans un flacon en cristal, dont la façade principale arbore le fameux masque. On retrouve le même motif dans un collier en passementerie noire qui enlace le col.

Les fragrances  » classiques  » de Lalique, une féminine, l’autre masculine, ne passeront pas inaperçues avec leurs nouveaux flacons collections, en édition limitée 2006. Rappelons que le féminin est une ronde gaie et tendre avec la rose suave et le jasmin précieux qui chantent le romantisme et la féminité, la giroflée qui, mêlée à l’iris poudré, provoque des émotions et un fond poudré de santal et de musc propices à la douceur de vivre. Le fabuleux flacon en cristal, avec sa profusion de détails, entrelacs, courbes en creux ou en volumes, dessine une femme papillon à la beauté évanescente.

L’éclat de l’or

En s’emparant de ces parfums-là, on s’imagine déesse, princesse ou diva. Ils se parent des fleurs les plus somptueuses, d’épices millénaires, de bois précieux et de tous ces composants secrets qui déclenchent la mystérieuse alchimie de l’envoûtement. Prenez Aromatics Elixir de Clinique.  » Tellement plus qu’un parfum  » : un peu mystique, un peu lascif et follement féminin, ce parfum de chair nous ensorcelle depuis trente-cinq ans. La griserie se manifeste dès le départ avec un mélange de rose de Bulgarie, d’iris de Florence, de verveine de Provence et d’ylang-ylang. Envoûtement assuré lorsque le c£ur déploie sa cargaison de baumes et de résines d’Orient. La myrrhe sensuelle et le labdanum solaire vibrent à l’unisson, attisés par des accents miellés du benjoin et de l’encens puis, en finale, sensuellement relayés par le patchouli et la mousse de chêne. Cet élixir de pure séduction s’habille d’un fourreau doré pour une courte durée. Le temps d’une édition limitée.

Viktor & Rolf, le duo néerlandais de la mode qui a le vent en poupe, n’hésite pas à nous provoquer, pour mieux nous faire succomber. Le flacon ? Une grenade. Le nom ? Flowerbomb. On ne fait pas plus  » explosif « , extrême et intense, et, pourtant, il laisse un sillage unique et un souvenir inoubliable. Voluptueux de la tête au pied, il est soutenu par le jasmin Sambac, l’osmanthus, la vanille, le benjoin et le patchouli. Et alors que pendant les fêtes de fin d’année toutes les folies sont permises, l’Eau de parfum Flowerbomb devient Extrême et exhale sa sensualité exacerbée avec plus de concentration, plus de densité et plus d’intensité. Quant à la grenade, elle est coulée dans de l’or, brillant et éclatant.

Lancé en 1981, Must de Cartier est le premier oriental vert. Ce grand séducteur intrigue toujours avec des notes vertes, puissantes et provocantes, ivres de galbanum. Il s’embrase avec un c£ur de jasmin somptueux, teinté d’orient et de mystère. Enfin, il enlace et caresse avec une langoureuse vanille aux accents de miel et de bois. Son nouveau flacon, vertical et élancé, emprunte l’ovale du célèbre briquet de la maison. Il s’abrite dans un écrin rouge et noir, dont les parois se referment avec un bruit net et métallique, très glamour. En version rechargeable, il se glisse dans un nouvel étui, mi-opaque, mi-transparent, à la finition or satiné.

De l’or, aussi, chez Burberry. Le célèbre tartan de Burberry Brit se couvre, le temps d’une édition limitée, de reflets dorés sophistiqués et luxuriants. A l’intérieur du flacon, un oriental ambré moderne et bien élevé vous propulse dans le monde pur et raffiné de magnolia, de néroli et de cassis puis vous pose sur une planète d’ambre, de vanille et de santal. So chic et so british !

Le mystère de l’argent

Oriental gourmand de couleur azur, Angel de Thierry Mugler embaume la barbe à papa, le caramel, le chocolat et la vanille. Son flacon en forme d’étoile galactique est un objet de plaisir et de collection. Chaque année, Angel surprend avec de nouvelles déclinaisons. Ainsi, le Vaporisateur de sac s’inspire d’un galet rond et extraplat, poli par le temps. Il s’habille d’un métal argenté brillant d’où jaillit l’étoile, ainsi que quelques cristaux Swarovski qui forment une traîne lumineuse. L’autre objet séduction ? La Poudre Corps Perlée. Dans son écrin de métal grand soir, une myriade de perles parfumées aux couleurs d’un ciel de camaïeu bleu tendre s’illumine d’un éclat nacré. Une houppette de velours accompagne ce ciel perlé pour nimber tout le corps de lumière et de cette fragrance angélique. Enfin, une concrète de parfum (parfum solide) Angel se glisse dans un ravissant pendentif aux lignes pures et modernes.

La Prairie, la marque suisse de cosmétiques flirte avec les parfums en lançant Silver Rain, une composition sophistiquée qui allie, aussi, des huiles essentielles rares. La rose et le jasmin, les deux divas, sont soutenues en sourdine par un ch£ur de fruits rouges, d’épices et d’aromates et les voix basses du santal, du musc et du bois d’Agar. Son écrin ? Une goutte de pluie parfaite aux reflets d’argent qui se love au creux de la main. Pour Noël, elle est présentée dans un coffret en forme de goutte argentée et s’accompagne d’une Crème pour le corps.

L’Eau d’Issey d’Issey Miyake, grand classique de la parfumerie, séduit avec une nouvelle version et une nouvelle facette de sa personnalité suave et intimiste. L’Eau de parfum se fait plus incisive et plus pertinente avec quelques pétales de tubéreuse et d’£illet poivré, un nuage de musc et un sillage de bois plus perceptible. Cette édition exceptionnelle se glisse dans un fourreau argenté, décoré, dans le bas, de sapins et d’étoiles découpés au laser.

Et aussi…

Vous aimez le parfum musqué et envoûtant de Narciso Rodriguez ? Vous allez adorer la version Huile, dans une édition roll on unique. La fiole noire opaque rappelle le flacon originel. Quant à l’huile, elle glisse délicieusement sur la peau, laisse son c£ur de musc s’épanouir et enveloppe la silhouette d’un halo charnel et caressant. Chanel a taillé une nouvelle robe noire pour son mythique N° 5. Le Vaporisateur de sac Eau de toilette est laqué de noir et rehaussé d’or. Il se déploie par simple rotation des doigts, comme un rouge à lèvres. Love in Paris de Nina Ricci raconte l’histoire d’un coup de foudre. C’est un parfum tendre et moelleux sous toutes les coutures. Rose, pivoine et abricot rivalisent de velouté et de douceur fruitée, vanille distille un certain secret poudré, musc et bois ajoutent un supplément de charme. Le temps des fêtes, l’élégant flacon quitte exceptionnellement sa robe d’argent pour se parer d’or et s’illuminer d’une pluie d’étoiles. Le flacon est serti dans un écrin métallisé. Irrésistible !

Barbara Witkowska

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