Dans un ancien centre de tri postal, un couple a aménagé un loft voué à la blancheur et à la verticalité. Meublé avec parcimonie, cet espace ne manque ni d’air ni d’audace.

L’ancienne poste du centre de Hasselt sur la Havermarkt est le genre d’édifice où s’engouffre volontiers l’imaginaire des architectes. Il s’agit d’un bâtiment public en briquettes rouges, typique de l’architecture flamande du XIXe siècle, aux proportions monumentales, logé au coeur de la vieille ville limbourgeoise. Bart Lens, jeune architecte minimaliste, a eu le privilège de réaffecter les lieux en 2000. Jos Peeters et Noëlla Vangeel, de les occuper, doublement. Au rez-de-chaussée, le couple y a en effet ouvert Donum, la boutique de design la plus branchée de la ville, et l’une des plus pointues du pays, tandis que deux niveaux plus haut, sur une superficie équivalente, ils ont aménagé leur habitation privée. Un loft sans concession, également dessiné par Bart Lens, structuré autour de plaisirs à haute valeur plastique.

Si l’on a coutume de comparer l’architecture au cinéma, dans ce qu’elle suggère d’émotion spatiale, de rapport au  » cadrage « , les premiers mètres de cet appartement se jouent comme un suspense. Un couloir qui occulte le séjour, révèle, au dernier moment, un salon en plan libre, rythmé par la seule présence du mobilier. Une vaste table en bois, rectangulaire,  » cernée  » de chaque côté par quatre chaises .03 de Maarten van Severen, s’impose d’emblée au regard. Plus sculpture que meuble, cette surface, qui définit en pointillé le lieu des repas, est disposée symétriquement par rapport à l’une des fenêtres hautes de la pièce réduite à la fonction d’écran. Aucune vue extérieure n’est réellement perceptible, le vis-à-vis est largement estompé par des voiles translucides, qui, selon le souhait des propriétaires, souligne la blancheur et dissout les repères environnementaux. La lumière naturelle ainsi filtrée gagne en douceur et imprime à l’ensemble une atmosphère ouatée à laquelle l’architecte Bart Lens oppose des lignes ouvertement géométriques.

Le mur du fond, qui dissimule les espaces de rangements, a été envisagé comme un support à deux dimensions, privé de poignées afin de ne pas troubler la planéité. Ce damier de portes à joint apparent est marqué en son centre par une ouverture de quatre mètres de hauteur sur une soixantaine de centimètres de largeur. Cet exercice d’une audace réjouissante a aussi permis l’installation d’un spectaculaire feu ouvert, alimenté au gaz. A droite: deux célèbres chaises DAR de Charles et Ray Eames placées côte à côte. Devant la cheminée, le sofa  » Bird  » de Tom Dixon, probablement la plus belle création du designer anglais, éditée en 1990 chez Cappellini, distille une touche de sensualité et de poésie.

Avec le même désir de considérer le mobilier comme un élément d’architecture, la cuisine attenante au salon a été aménagée autour d’une cuisinière disposée au centre de la pièce. Un îlot surmonté d’une hotte cubique dont la verticalité de la buse n’est pas sans rappeler le traitement réservé à la cheminée du salon. La terrasse suspendue, qui s’inscrit dans le prolongement de la cuisine, offre un contrechamp saisissant en opposant la douceur du polymère (les chaises  » S  » de Panton, version orange) à la rugosité des briques nues et des câbles tendus. Un goût identique des contrastes a conduit les maîtres d’ouvrage à aménager une chambre d’ami où domine le métal, pour mieux lui opposer la chambre privée où s’impose le cerisier teinté acajou (chaises Neoz de Philippe Starck). La salle de bains qui la jouxte, conçue comme une ode au parallélépipède intègre un feu ouvert au gaz, modulable à distance, aussi minimal et cadré que le double meuble lavabo signé de l’Anversois Vincent Van Duysen, le plus designer de nos architectes ( voir aussi pages 18 à 22).

Texte et photos: Antoine Moreno

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