Il y en a qui rêvent de voitures de luxe, d’autres qui les collectionnent et ceux (plus rares) qui les dessinent. Comme le Belge Pierre Leclercq. A 36 ans à peine, cet Ardennais a déjà conçu la X5 et la X6 pour BMW. Avec calme et détermination.

Chapeau mou, coupe bol ou costume rose bonbon : les designers ont le goût de l’excentricité. Pierre Leclercq, lui, ressemble à un trader. Le regard bleu acier du golden boy, la poignée de main en étau de l’homme qui entretient son corps. Fitness et natation sont inscrits trois fois par semaine dans son agenda électronique. On l’imagine au volant d’une Porsche Caïman dans les rues de la City. Sauf qu’il rejoindra demain matin sa maison de Bogenhausen, un district chic de Munich, au volant d’une BMW. Entre Pierre Leclercq et la marque à l’hélice blanche et bleue, c’est une histoire qui roule.

Entré à 28 ans comme designer dans la prestigieuse firme bavaroise, après être passé sur les bancs de Saint-Luc à Liège puis au Art Center College of Design de Pasadena, en Californie, il a conçu coup sur coup la seconde version de la X5 et la très atypique X6, sortie l’an passé. Au terme d’un parcours du combattant.  » Au départ, il y a une présélection d’une dizaine de designers internes. Chacun planche sur son projet, en solo. On conçoit tout, jusqu’à l’intérieur des phares. Les candidats sont éliminés au fur et à mesure du concours, qui dure un an et demi. A la fin, il reste un seul lauréat.  » Comme dans une émission de téléréalité ?  » Oui, c’est un peu la Nouvelle Star « , ironise le designer. Ses collègues sont croates, canadiens, français, belges. Une équipe qui totalise 400 collaborateurs isolés du reste du mondeà  » Le studio design de BMW est une forteresse à l’intérieur de la forteresse.  » Un Fort Knox de la matière grise dont on franchit l’enceinte via un tube en verre en se soumettant, sans rire, à un détecteur de poids et à un lecteur d’iris. Pour se protéger de quoi ?  » De l’espionnage industriel. Hors de question de sortir de là avec un document ou de brancher un iPod sur votre ordinateur ! La présentation des prototypes devant le directoire se fait dans une zone militarisée, interdite de survol, surveillée avec des jumelles. Au moindre mouvement suspect, on actionne les avertisseurs sonores, comme les supporters de foot, et on bâche les voitures.  »

Eliminé dès le premier tour pour la X6, Pierre Leclercq est finalement repêché à mi-parcours par son boss qui s’avoue séduit par sa vision à contre-courant d’un 4×4 mixé à un coupé sport. La direction de BMW lui donnera le feu vert final, le  » design freeze  » comme on dit dans le métier. En moins d’une année d’exploitation, la X6 – qui a coûté la bagatelle de 650 millions d’euros en développement produit – a déjà été vendue à 350 000 exemplaires.  » Les gens l’adorent ou la détestent, ça me plaît « , lâche calmement l’Ardennais. Dans les années 1990, le Dr Leclercq, issu d’une lignée de médecins à Bastogne, rêvait de voir son fils reprendre le cabinet familial. A 18 ans, Pierre, qui se voit déjà designer, fait son coming-up, Son père lui demande s’il a envie de dessiner des poignées de porte toute sa vie. Il répond, sans s’emporter, qu’il concevra des voitures. On imagine la réaction du paternel.  » A la limite, ingénieur il aurait accepté mais designerà C’est seulement quand j’ai été engagé chez BMW, en 2000, qu’il a été rassuré. « 

Aux circuits automobiles que ses collègues du studio s’empressent de rejoindre le week-end, ce célibataire qui affirme ne rien connaître aux voitures, préfère les soirées entre copains, expat’ comme lui.  » Munich est une ville agréable, très sûre. La montagne est à côté, les espaces verts sont nombreux mais – comment dire ? -, les gens manquent de chaleur humaine.  » Alors une fois par mois, Pierre Leclercq revient voir sa famille en terre natale. Six heures de route, sans dépasser les vitesses autorisées, pour rallier Munich-Bastogne au volant d’un coupé série 3 dernier cri. Et son bébé, la X6 qu’il s’est offerte l’an dernier à crédit ?  » Deux voitures, ce n’était pas raisonnable, j’ai décidé de la revendre. D’ailleurs si vous connaissez quelqu’un… « 

1998 Sort diplômé du Art Center College of Design à Pasadena, en Californie.

2004 Commercialisation de la seconde version du X5 après quatre ans de gestation. Il s’en vend aujourd’hui 245 exemplaires par jour dans le monde, soit trois fois les estimations du constructeur.

2008 Lancement de la X6. Nouveau succès.

Antoine Moreno

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