Pas de révolution copernicienne en vue sur la planète design. En 2012, les créateurs stars et les rééditions se taillent toujours la part du lion. Dans une maison qui, malgré la crise, voit la vie en Technicolor.

Si Milan reste le nombril du petit monde du design, l’édition de janvier du salon parisien Maison & Objet assoit les tendances et confirme l’arrivée très attendue des pièces encensées par la presse quelques mois plus tôt et enfin mises en production. Dans les allées de la foire comme dans les showrooms de Saint-Germain-des-Prés – qui pour l’occasion ont refait leurs vitrines – s’étale le futur contenu des intérieurs pointus. Wishlist.

UN VERRE INTELLIGENT

Quand Baccarat se frotte à l’art consommé et exigeant de la dégustation, plus question de vous vendre le savoir-faire d’un designer. Ici, c’est la fonction et rien que la fonction qui compte. Tout est calculé au millimètre près pour sublimer les vins versés dans ces nouveaux verres dits universels. L’angle arrondi de la base facilite la rotation du breuvage. La large surface de contact en assure l’oxygénation tout en évitant qu’il ne se réchauffe trop rapidement tandis que la cheminée verticale réunifie en souplesse les arômes. Un verre technique qui a déjà bluffé les plus grands chefs.

UN PRODUIT MADE IN CHINA

Pas du tout cheap, les huit plateaux réalisés pour Alessi dans la collection (Un)Forbidden City ont été imaginés par des architectes chinois ( lire aussi en pages 36 à 39). Ces objets intellos, en apparence tout simples, nous forcent à réfléchir aux rapports ténus entre design et architecture, traditions d’Orient et d’Occident. Chez Roche Bobois, la chaise Ava, étrange avatar stylisé d’un dragon super skinny, est signée Song Wen Zhong, diplômé de l’Académie des Arts de Pékin.

UNE ICÔNE VINTAGE 2.0

Rassurantes, durables, les rééditions de grands classiques du design n’ont rien perdu de leur attrait dans un marché en crise plus que jamais en quête de valeurs sûres. Pour éviter toutefois une impression de  » déjà-vu « , rien de tel qu’une master piece restée dans les cartons et jamais mise en production. Conçus à l’origine par Pierre Paulin (1927-2009) pour le fumoir-bibliothèque de l’Elysée, les canapé, fauteuil et pouf du même nom font désormais partie des collections permanentes de Ligne Roset. Chez Cassina, le fauteuil Wink dessiné il y a plus de trente ans par Kita Toshiyuki bénéficie aujourd’hui d’un nouvel habillage imaginé par son créateur.

UNE PART DE RÊVE SIGNÉE CAMPANA

Leurs meubles décalés, poétiques, d’abord fabriqués à la main dans leur studio de São Paulo puis édités au compte-gouttes par Edra, ont longtemps eu un petit côté inaccessible. Non contents d’avoir refait la déco du café du Musée d’Orsay à Paris, Humberto & Fernando Campana, sacrés créateurs Maison & Objet 2012, ont désormais des objets plus grand public en production chez Alessi ou chez Bernardaud. La lampe Amanita, en rotin tressé, paraît délicieusement rétro alors que les extensions du service en porcelaine Euro Tropiques sont encore plus saturées de couleurs que les assiettes d’origine. À coup sûr collector.

UNE DÉCO FASHION

À la suite de Ralph Lauren qui a incontestablement initié la tendance aux États-Unis, des maisons de couture comme Fendi, Kenzo, Missoni ou encore Diane von Furstenberg investissent l’univers de la déco. Même le fabricant bruxellois Aquamass habille désormais ses baignoires de pied-de-poule, de pois ou de rayures bayadères avec la complicité d’Olivier Lapidus, le fils de Ted.

UN DESIGNER À MA TABLE

Dans la catégorie poids lourds du design, on (re)demande Marc Newson, trop occupé ces dernières années par le relooking des avions et des lounges de la compagnie australienne Qantas. La star, dont les créations squattent les plus prestigieux musées du monde, sans parler des collections privées, propose dans le catalogue 2012 d’Iittala deux rééditions de verres, initialement conçus en 1998, aux contours aussi minimalistes qu’intemporels. Chez Christofle, Eugeni Quitllet, cosignataire de la plupart des récents projets de Philippe Starck, présente cette fois en solo une ligne brillante de couteaux à steak. High-tech et effilé.

UN BUREAU BIEN PENSÉ

Signé Mathieu Lehanneur, le bureau multi- couches Strates a profité d’un lancement in situ puisque tout le service de presse de Maison & Objet en était équipé. Une vitrine en or pour la première collection de la marque Objekten dévoilée en avril dernier par le Belge Alain Berteau sur l’île de Comacina en Italie et dont les objets sont désormais en vente online et dans une sélection de boutiques design. Chez Ligne Roset, le secrétaire La Secrète de Philippine Dutto allie finesse et présence. Complice des petits espaces, il y remplit son rôle de bureau d’appoint – et de piège à papiers qui traînent – avec élégance.

UN TAPIS QUI EN JETTE

Après des années de purgatoire minimaliste, le tapis est le nouveau terrain de jeu des designers. Noués main au Népal, les modèles de la série Folk imaginés par le Bruxellois Sylvain Willenz pour Chevalier Edition détournent les codes des tapis folkloriques en prenant un parti pris délibérément graphique. Avec Menhir, édité par Ligne Roset, le duo barcelonais Damaris et Marc recrée à partir de polygones irréguliers, déclinés dans des camaïeux de gris et de bleus, l’illusion d’un volume taillé.

UNE MAISON COLOR BLOCKING

Véritable antidote à la crise, les couleurs vives ne se contentent plus de faire de la figuration sur un vase, un coussin ou une lampe : elles prennent désormais possession des pièces phares de l’habitat. La preuve avec la version colorisée de la chaise Zig Zag de Gerrit T. Rietveld chez Cassina mais aussi le nouvel habillage dans un tissu Kvadrat de la chaise Audrey, créée par Piero Lissoni pour Kartell. Chez Roche Bobois, la chaise longue Vitamine de Fabrice Berrux et les fauteuils bas Spoutnik régressifs et moelleux de Sacha Lakic osent même le color blocking.

UN OBJET QUI A DE L’ESPRIT

Même si le design est une chose sérieuse, une touche d’humour bien dosée, un soupçon de poésie aussi, apportent un je-ne-sais-quoi de sympathique aux petits choses du quotidien. Difficile de résister au clin d’oeil malicieux des patères Piffs créées par le Belge Sylvain Willenz pour Tamawa. De ne pas craquer pour le charme désuet du centre de table Dress de Benjamin Graindorge édité chez Moustache. Et si, dans vos bonnes résolutions pour 2012, vous vous êtes promis d’investir dans le design, la tirelire bas de laine opportunément baptisée Sock par EmiliAna pour ENO devrait sans peine vous y aider.

PAR ISABELLE WILLOT

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