Notre moral est influencé par les changements climatiques, mais aussi par les événements marquants de notre passé. En prendre conscience, c’est déjà reprendre la main, nous enseigne le psychiatre américain John R. Sharp. Explications.

Aux premiers frimas, votre moral est au plus bas ; à chaque rentrée, vous êtes accablé ? Vous balayez ces considérations d’un  » c’est comme ça, l’hiver me déprime, Noël me file le bourdon, septembre m’angoisse…  » ? C’est justement parce qu’il était lassé du fataliste  » It is what it is  » que le psychiatre américain John R. Sharp s’est attelé à la théorisation du  » calendrier des émotions « . Il est parti du postulat que, en effet, nous sommes tous affectés par les saisons et la répétition des temps forts de l’année. Il a décidé d’en faire un livre pratique (*) en analysant des cas concrets étudiés pendant ses consultations. Énième bouquin de self help à la sauce américaine ? Pas seulement, car le Dr John R. Sharp est un psychiatre de renom, qui officie à Los Angeles et à Boston. Tâchons avec lui de saisir la pertinence et l’intérêt d’identifier  » notre cycle émotionnel propre « . Une prise de conscience qui peut nous permettre de devancer l’appel et de vivre plus heureux.

REPÉRER LES MOMENTS D’INTENSE ÉMOTION

 » J’ai observé, au fil de mes consultations, que l’on pouvait classer les incidences saisonnières sur nos émotions en trois catégories : les effets physiques indéniables, tel le froid de l’hiver ; ensuite, le flux et le reflux des vacances ; et, enfin, les événements personnels dont chacun fait l’expérience au fil des mois. C’est cet ensemble que j’appelle le « calendrier des émotions ». Il ne constitue pas un problème en soi, c’est même ce qui fait l’histoire de notre vie. Mais il s’agit d’en prendre conscience pour cesser de se laisser dominer ou perturber par les moments les plus pénibles de notre calendrier. Et, ainsi, d’apprendre à vivre chaque jour, chaque semaine et chaque année avec un plus grand sentiment de légèreté et d’acceptation de la saison.

Un exemple concret parmi la vingtaine que je commente au fil de mon livre : Linda, une de mes collègues, m’a raconté qu’à l’âge de 36 ans elle est partie en vacances au printemps, au moment de son anniversaire. Au cours d’une balade en forêt, elle a été piquée par une tique, qui lui a transmis la maladie de Lyme. Cette affection neurologique provoque une fatigue chronique et une incapacité à accomplir certaines tâches, à vie. Aujourd’hui, à l’approche de son anniversaire, elle se sent triste et agitée car cette date lui rappelle ce jour où tout a basculé. Ces pensées intrusives sont certes compliquées à contrôler, mais Linda reconnaît néanmoins que le fait de comprendre son calendrier l’a aidée à saisir que le printemps est pour elle un élément déclencheur. Elle tâche depuis d’identifier les moments du printemps auxquels elle prend plaisir et de les vivre à fond. « 

APPRENDRE À MAINTENIR SON ÉQUILIBRE

 » Le stress saisonnier peut être extrêmement troublant. J’ai été profondément touché par ce qu’écrit Joan Didion dans L’Année de la pensée magique, quand elle évoque la période qui a suivi le décès de son mari. Elle se souvient qu’au moment de sa mort il y avait des guirlandes lumineuses dans le salon. Elle écrit que, cette nuit-là, les ampoules ont grillé. Un an après, elle achète de nouvelles ampoules, « comme un acte de foi en l’avenir ». C’est cela que je tâche d’enseigner à mes patients. La prise de conscience doit être suivie de petits changements. L’idée est de parvenir par soi-même à maintenir l’équilibre face à tous les facteurs déstabilisants auxquels on est confronté. La première étape consiste à débrancher le pilote automatique. Car, trop souvent, on s’habitue à l’inconfort et on fait taire les signaux qui indiquent que ça ne va pas. On doit faire de son mieux pour avoir une vision positive de soi-même et de sa situation. Je crois à la « technique de visualisation » : en se voyant en train d’agir de manière positive, on entraîne son esprit, on devient plus fort.  »

PRÊTER ATTENTION AUX CYCLES DE LA NATURE

 » Lorsque l’on commence à prendre du recul, il arrive que l’on soit désemparé en découvrant combien l’année est chargée en points émotionnellement sensibles. Il faut pourtant trouver le bonheur que chaque saison – même si elle pose problème – porte en elle. On peut, par exemple, aller jusqu’à imiter le peuple massaï et renommer chaque saison à sa guise : « saison joyeuse », « saison du voyage »… Tout un travail qui demande constance et discipline mais qui se révèle stimulant. Et salutaire. « 

(*) Le Calendrier des émotions, par John R. Sharp. Marabout, 384 pages.

PAR ELVIRA MASSON

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