Après de longs travaux de rénovation et un grave incendie, le légendaire hôtel Ritz rouvrira bientôt ses portes. Ce luxueux palace centenaire se fait désormais concurrencer par les mastodontes asiatiques, mais aussi par des boutiques-hôtels indépendants, qui offrent une belle alternative aux adresses à prix doux mais dépourvues de charme.

Comme à Bruxelles depuis les attentats du 22 mars dernier, le secteur hôtelier parisien a souffert ces derniers mois : d’après une enquête de l’expert en tourisme MKG, le manque à gagner s’élève à 146 millions d’euros et, au dernier trimestre 2015, les touristes étrangers ont réservé 9,8 % de nuits d’hôtel en moins dans la Ville lumière. Ce sont surtout les Russes, les Japonais, les Italiens et les Néerlandais qui se sont désistés, souvent sur la base des recommandations de leur ministère des Affaires étrangères. Depuis lors, la maire de la capitale française, Anne Hidalgo, s’est d’ailleurs rendue à Tokyo pour une opération de charme.

L’Hôtel Grand Amour, exploité par André Saraiva, directeur de la célèbre boîte de nuit Le Baron, et Thierry Costes, de la dynastie hôtelière éponyme, n’a pourtant pas loupé son inauguration, il y a quelques mois maintenant. Tous les soirs, le restaurant se remplit de bobos et de fashionistas : c’est le nouvel endroit à la mode dans ce coin du Xe arrondissement qui se régénère à vive allure. A quelques enjambées, c’est le légendaire Ritz qui aurait dû rouvrir après trois ans et demi de rénovation en profondeur, jusqu’à ce qu’un incendie spectaculaire se déclare au dernier étage de l’immeuble, au petit matin du 19 janvier dernier. Inauguré en 1898, près de quarante ans après le premier palace de la capitale française, le Grand Hôtel du Louvre, rue de Rivoli, l’établissement de la place Vendôme était le grand rêve de César Ritz, un homme d’origines modestes déjà à la tête d’hôtels de haut standing dans son pays, la Suisse. Visionnaire, l’entrepreneur voulait un lieu résolument actuel, avec une salle de bains dans chaque chambre à coucher – une première à l’époque. Mais Charles Mewès, son architecte aux conceptions traditionnelles, envisageait plutôt un hommage à Versailles. Finalement, le bâtiment sera un compromis : classique et majestueux, il dispose de tout le confort moderne. En 1910, un immeuble contigu est loué et réaménagé, et plus tard, le Ritz s’étend jusqu’à la rue Cambon. Dans l’entre-deux-guerres, des maharadjas venaient y manger des currys tandis que Barbara Hutton, héritière de l’empire commercial Woolworth, y avait une suite à l’année. Coco Chanel y a également vécu trente ans, jusqu’à sa mort en 1971. Et Ernest Hemingway y a logé si souvent que le bar de l’hôtel a pris son nom.

MASTODONTES ASIATIQUES

Après la Libération, le Ritz est cependant progressivement délaissé par les hôtes de marque. Les jeunes voyageurs, en particulier, préfèrent alors le Plaza Athénée ou le George V, malgré les efforts acharnés de Charles Ritz pour remettre au goût du jour l’établissement suranné de son père. Il décède en 1976 et, trois ans plus tard, l’hôtel est racheté par Mohamed al-Fayed pour trente millions de dollars. L’Égyptien, qui possède aussi Harrods, entreprend alors des travaux de rénovation de grande ampleur. Dans les caves, il fait construire une piscine et une discothèque, qui accueille des soirées barnumesques – on se souvient notamment de l’une d’elles, au milieu des années 90, donnée par Gianni Versace en présence de Prince, Sylvester Stallone, Naomi Campbell ou encore Cindy Crawford… et d’une poignée de journalistes belges. En août 1997, la princesse Diana et son amant Dodi al-Fayed prennent leur dernier repas dans la suite impériale, peu de temps avant leur mort tragique dans un tunnel à hauteur du pont de l’Alma.

Le Ritz est alors le principal hôtel de luxe de Paris. Incontournable, surtout pour les Américains fortunés, il se présente comme un palace, sans l’être tout à fait, puisqu’il n’en a jamais reçu le label officiel, très convoité (contrairement au Bristol, George V, Mandarin Oriental, Meurice, Plaza Athénée, Park Hyatt Vendome, Royal Monceau et Shangri-la). Mais au cours des dix dernières années, l’établissement a dû affronter la concurrence internationale. C’est que, les uns après les autres, les mastodontes asiatiques du luxe – Mandarin Oriental, Peninsula et Shangri-la – ont ouvert d’opulentes enseignes à Paris. Mais les valeurs sûres s’accrochent et réalisent les investissements nécessaires pour se mettre au niveau de leurs rivaux. Ainsi, après la réouverture du Ritz en juin prochain (avec notamment un spa de Chanel et des chambres et des suites totalement réaménagées), on n’attend plus que le retour d’une autre légende de l’hôtellerie : le Crillon, place de la Concorde, fermé pour travaux depuis 2013.

EX-NIDS À PUNAISES

Pendant que les fleurons du luxe se disputent les clients fortunés originaires de Chine, du Moyen-Orient ou du Texas, Paris a vu apparaître toute une série de boutiques-hôtels. A commencer par l’Hôtel Costes ; au coin du Ritz, il a célébré son vingtième anniversaire l’année dernière. Celui-ci va bientôt fusionner avec Le Lotti, adjacent et beaucoup plus grand, datant de 1910 (le roi Albert et la reine Paola y ont logé, tout comme Kirk Douglas, Paul Newman, Winston Churchill et Hergé), que la famille Costes a récemment acheté. Les intérieurs baroques du premier, décorés par Jacques Garcia, ont marqué toute une génération d’hôteliers. Une influence qui s’exerce aussi sur la vague récente de boutiques-hôtels, petits pour la plupart, qui remplacent les nids à punaises sans étoile aux quatre coins de Paris.

Parmi ceux-ci, l’Hôtel Grand Amour, évoqué plus haut. Avec ses 44 chambres, c’est le grand frère de l’Hôtel Amour, situé au sud de Pigalle, l’ancien quartier chaud au pied de Montmartre, où une flopée d’hôtels de passes et de clubs de strip-tease ont depuis été convertis en bars et restaurants tendance. L’établissement marque surtout des points en termes de confort et de concept. Les chambres sont petites et dépourvues de téléviseur, mais les matelas sont de la plus haute qualité, les produits d’hygiène fournis par Hermès, et les porte-clés par Moynat. Des oeuvres de Keith Haring, Pierre Molinier et Helmut Newton décorent les murs. Le marbre des salles de bains, quant à lui, provient de l’ancien toit en terrasse des Galeries Lafayette, tandis que la moquette des couloirs (remarquez le motif en forme de pénis !) est la même que chez Castel, le fameux club privé des années 60, à Saint-Germain-des-Prés, qui a lui aussi été racheté récemment par Costes et Saraiva. Entre baroque et underground, les deux adresses sont emblématiques de la nouvelle génération des boutiques-hôtels qui se sont multipliés – comme le Grand Pigalle, la Maison Souquet, etc (lire par ailleurs) – et dont les bars et restaurants raffinés ciblent à la fois les touristes et les Parisiens. Quant aux tarifs, ils sont généralement raisonnables. Ainsi, à l’Hôtel Henriette, dans le quartier des Gobelins, déprécié et pourtant très bien situé, la chambre double la moins chère ne dépasse pas 89 euros – alors qu’au Ritz, cela démarre à 1 300 euros. De belles alternatives aux enseignes s’inscrivant dans la même gamme de prix mais où la déco sans cachet et le beige uniforme prédominent.

Hôtel Grand Amour, 18, rue de la Fidélité, à 75010 Paris. www.hotelamourparis.fr

Ritz Paris, 15, place Vendôme, à 75001 Paris (dès le 1er juin prochain). www.ritzparis.com

PAR JESSE BROUNS

ERNEST HEMINGWAY A LOGÉ SI SOUVENT AU RITZ QUE L’ON A DONNÉ SON NOM AU BAR DE L’HÔTEL.

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