En Norvège, Lillehammer est surtout connue pour les Jeux Olympiques d’hiver qui s’y sont déroulés en 1994. Mais, en bordure du lac Mjøsa, cette petite ville de la vallée de la Gudbrandsdal abrite aussi l’un des plus importantS muséeS de plein air de Norvège : Maihaugen

P etite ville de la province norvégienne située à 140 kilomètres au nord d’Oslo, Lillehammer est la capitale de la belle vallée du Gudbransdal avec, plus au nord, les montagnes du Jotunheimen. Aujourd’hui, c’est l’un des nombreux parcs nationaux que l’on peut visiter en randonnée pédestre ou, l’hiver venu, en ski de randonnée télémark. Dominée par de hautes collines, surplombant le lac le plus fameux de toute la Norvège, Lillehammer s’est développé sur la rive droite du Mjøsa, vaste étendue d’eau calme de 362 km2. Le lac Mjøsa et la rivière Mesnaelva qui l’alimente ont toujours été des axes privilégiés pour les voyageurs en provenance du sud du pays. D’ailleurs le  » Skibladner « , un très ancien bateau à aubes construit en 1856 et basé à Hamar, assure toujours le voyage sur le lac en faisant escale à Lillehammer.

Lieu d’échanges privilégié dans ces hautes vallées encaissées, Lillehammer s’est développée ainsi au cours des siècles, rythmés par la rigueur de ses hivers interminables et les éphémères saisons ensoleillées d’été. Cette ville au début du xixe siècle ne totalisait qu’une cinquantaine d’habitants alors qu’elle en compte 20 000 environ aujourd’hui. Lillehammer est bordée par la voie de chemin de fer et la fameuse Arctic Highway û la route E6 û qui relie Oslo à Kirkenes, ville frontalière avec la Russie. Cet itinéraire était déjà connu au Moyen Age. A cette époque, les rois l’empruntaient pour rejoindre Trondheim, lieu traditionnel de sacre. Aujourd’hui encore, cet axe est toujours très fréquenté par les voyageurs désireux de se rendre dans la province du Nordland, en direction des îles Lofoten, ou plus haut encore, vers le Grand Nord scandinave.

Lillehammer est une ville paisible, qui bénéficie d’une très grande infrastructure sportive, grâce aux XVIIes Jeux olympiques qui s’y sont déroulés durant l’hiver 1994. Aujourd’hui, elle est devenue à la fois une attraction touristique et un vaste complexe sportif pour les accros de la glisse en tout genre. Une chance pour cette région et cette petite ville pleine de charme qui doit son identité à l’étendue et à la beauté de ses maisons en bois. Ici, on côtoie les habitations les plus simples et les plus élaborées, dont certaines, magnifiquement ornées, sont de véritables joyaux de l’architecture norvégienne. Dans Storgata, la rue principale, on découvre des demeures aux tons pastel ou aux couleurs vives. Depuis une centaine d’années maintenant, la ville s’est enrichie culturellement grâce au génie d’un homme qui a constitué au fil des ans l’un des plus fabuleux musée de plein air de toute la Norvège : Maihaugen.

En 1885, Anders Sandvig arrive dans la petite ville avec pour ambition première d’exercer son métier de dentiste. L’homme est originaire de la région de Romsdal où ses parents étaient agriculteurs. Mais Anders Sandvig vient aussi ici pour y finir sa vie. Il se sait condamné ; il souffre en effet de la tuberculose et les médecins ont pronostiqué une espérance de vie très courte. Malgré tout, sa curiosité naturelle le pousse à s’intéresser aux habitations de la région et plus particulièrement aux fermes que les hommes délaissent. Les difficultés liées à l’existence dans les montagnes obligent des familles entières à rejoindre les villes en abandonnant leurs belles demeures rustiques, parfois plusieurs fois centenaires. Certains habitants vont même jusqu’à fuir la Norvège pour s’embarquer pour l’Amérique. Les campagnes sont désertées, laissant du même coup un grand nombre d’habitations de la région vides.

Conscient de la fragilité de ce patrimoine, Anders Sandvig collectionne d’abord de simples objets, reflets des vies passées dans les montagnes. Puis il commence à déménager des bâtiments entiers qu’il transporte à Lillehammer. Les premières demeures sont acheminées dans la ville en 1894 et entreposées à proximité de la gare. A la même époque, le musée Nordiska de Stockholm, la capitale suédoise, mandate un émissaire pour collecter des objets similaires. Dès lors, la compétition est ouverte, Sandvig comprend qu’il faut agir vite, pour que ce patrimoine rural ne soit pas acquis par les Suédois. Démontés, transportés puis remontés sur la commune de Lillehammer, des corps de fermes entiers vont venir enrichir Maihaugen,  » La colline de Mai « , qui devient un véritable musée.

Anders Sandvig a démonté des villages entiers comme celui de Skjåk que l’on peut admirer au grand complet aujourd’hui à l’entrée de l’enceinte du musée. Il a pu récupérer des habitations du xvie siècle devenues trop exiguës ou usagées et à l’abandon. Plus récemment, des demeures anciennes, mais habitées jusqu’il y a une trentaine d’années, ont été cédées spontanément au musée de Maihaugen comme la ferme Fåberg, construite en 1787, léguée par ses propriétaires à la fin des années 1970.

Le travail minutieux de Sandvig et de son équipe a permis de reconstituer aussi les conditions de vie des paysans de cette région du centre de la Norvège au tournant des xixe et xxe siècles. Et de découvrir la richesse du mobilier des différentes vallées. La maison à foyer ouvert de Vaga avec son presbytère et la demeure de Mytting, datant respectivement de 1640 et 1650, ont été transportées par Sandvig pour l’inauguration du site en 1904. Elles côtoient la magnifique église en  » bois debout  » (stavkirke) de Garmø qui fut entièrement démontée en 1882 puis reconstruite en 1921 sur le site de Maihaugen. Ce très bel édifice religieux possède un clocher datant de 1690 et un transept de 1730 ! Anders Sandvig n’a pas voulu omettre non plus le personnage imaginaire de  » Peer Gynt « , le héros de Henrik Ibsen. L’entrepôt Peer Gynt, qui a inspiré ses nombreux contes, provient d’une ferme du xviie siècle de la région de Nordigard Håjå Fron.

Aujourd’hui, Maihaugen s’étend sur 37 hectares et regroupe pas moins de 12 communes de la vallée du Gubransdal. A épingler, le village de Bjørnstad, de loin le plus complet. Lors de son acquisition par l’équipe de Sandvig, il comptait 6 fermes qui furent acheminées depuis Lalm jusqu’à Otta, d’abord par convoi à cheval, puis en train jusqu’à Lillehammer. Face au lac Mjøsa, elles constituent une impressionnante cohérence architecturale riche de 27 unités. Durant l’été, Maihaugen revit. Costumés en habits d’époque, des figurants rejouent des scènes rurales et populaires des vallées de Gubransdal. Hommes, femmes et enfants renouent ainsi avec le temps passé en s’initiant aux travaux agricoles avec moutons et chevaux. On y retrouve aussi le tissage, le filage de la laine et la sculpture sur bois, des activités couramment pratiquées dans les alpages de la région. Anders Sandvig peut reposer en paix. Son £uvre accomplie, il est décédé à l’âge de 88 ans, soit soixante-cinq ans après son arrivée à Lillehammer !

François-Xavier Béchard

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