Architectes audacieux, stylistes créatifs, designers d’avant-garde, boutiques branchées, lieux modeux, Lisbonne est résolument tournée vers l’avenir et s’affiche comme L’ une des cités les plus jeunes et dynamiques de la nouvelle Europe.

Carnet de voyage en page 80.

 » T rente ans après la révolution des £illets qui nous a libérés d’un carcan à la puissante force anesthésiante, Lisbonne s’affirme aujourd’hui comme un pôle dynamique et inspiré, un foyer où la jeunesse a la part belle, un creuset d’influences qui a fait naître une nouvelle vague de créateurs. C’est une ville qui a retrouvé son souffle « , confie Ricardo Bottino, un quinquagénaire fringant, historien d’art devenu l’une des figures phares des nuits lisboètes après avoir lancé avec succès plusieurs clubs branchés.

Capitale moderne d’un pays européen qui met les bouchées doubles d’un point de vue économique, Lisbonne est devenue en une dizaine d’années, une cité créative dans le vent. Dynamique et fiévreuse, elle témoigne, depuis l’Exposition mondiale de 1998, d’un appétit de changement hors du commun. La vieille agglomération, au carrefour des migrations et de l’exode rural, est devenue l’espace de jeux des architectes audacieux, des designers inspirés, des créateurs de mode. L’offre en matière artistique, culturelle et récréative est d’autant plus fournie qu’elle trouve en écho un irrépressible désir d’extériorisation, une envie boulimique de sortir et de partager.

Une ville en ébullition

Certes, la ville a gardé les stigmates de la délicieuse cité aux mille couleurs construite autour d’anciennes demeures aux façades chatoyantes coiffées de tuiles orangées ; elle a conservé intact le charme de ses quartiers historiques centraux, à l’embouchure du large fleuve Tage, d’où elle s’est développée par grappes sur pas moins de sept collines qui ont développé une histoire, un style propres.

Baixa, Alfama, Graça, Chiado, Bairro Alto, Belém… autant de quartiers typiques. Mais fini le rôle de la belle endormie. Lisbonne a subi ces dernières années une cure de jouvence pour devenir une vraie mégapole européenne moderne. Sous l’impulsion de l’ancien maire João Soares, des pans entiers de la ville ont été réhabilités. Ainsi les grands travaux effectués à l’occasion de la grande Exposition internationale de 1998 ont fait disparaître, à l’est, les zones en friches avec leurs décharges et vieux abattoirs pour faire place au parc des Nations qui accueille désormais logements, bureaux et centres de loisirs. Autre exemple spectaculaire de changement, le pont Vasco de Gama, long de 18 km qui relie depuis 1998 les deux rives du Tage.

Mode in Lisboa

Des audaces, un renouveau qui ont gagné aussi les piliers de la culture comme le fado, le célèbre chant portugais, censé exprimer la saudade, ce sentiment indéfinissable qui rappelle l’absence et auquel la jeune génération, qui a pour noms Mariza, Mafalda Arnauth, Misia, Paula Bragança, Camene a réussi à donner un nouveau visage.

Dans son dernier endroit à la mode, le café Puro, tout près de la place du Commerce, Ricardo organise régulièrement des soirées fado. On y rencontre Inacio Palma, le grand révolutionnaire qui a lutté héroïquement contre Salazar, Paulino Viera le célèbre compositeur de musique cap-verdienne de passage à Lisbonne, ou encore quelques créateurs de mode très en vue. Les stylistes lisboètes se sont taillé une belle réputation au niveau international, et participent grandement à la nouvelle image dont est créditée la ville. Prenant chaque année plus d’ampleur, la semaine Moda Lisboa est un des événements phares qui permettent d’apprécier l’étendue du talent de ces jeunes créateurs.

Tête de proue de ce  » made in Lisboa  » : Fatima Lopes aux collections exubérantes et colorées et qui compte de nombreuses boutiques de par le monde. A Lisbonne, elle a choisi le quartier du Bairro Alto (36, rua da Atalaia), le plus tendance, pour s’afficher. Ana Salazar, la spécialiste du noir raffiné, a préféré le quartier chic du Chiado (87, rua do Carmo) qui, au fil du temps, a su maintenir un vrai charme bourgeois avec ses boutiques haut de gamme, ses églises et le café Brasileira, fief du célèbre écrivain Fernando Pessoa. Manuel Alves et Jose Manuel Gonçalves, qui misent sur l’élégance distinguée, ont, eux aussi, choisi le Chiado (15 bis, rua Serpa Pinto).

Lisbonne compte des stylistes plus avant-gardistes encore comme Katty Xiamara, originaire du Venezuela, Alexandra Moura au style très urbain, Dino Alves, aux allures de Jean Paul Gaultier, et dont la dernière collection, présentée dans son antre du Bairro Alto, avait pour thème l’ethno-techno. Ce quartier du xvie siècle, dans le haut de la ville, aux rues alignées au cordeau, est constitué d’un maillage de maisons à trois ou quatre étages accolées en blocs les unes aux autres, créant un méandre de ruelles. Aujourd’hui, il abrite toute la jeunesse branchée de Lisbonne. Des défilés de mode y sont régulièrement organisés, à ciel ouvert, entre deux vieilles façades ornées de petits balcons ouvragés. De nombreux créateurs y ont ouvert, eux aussi, leur boutique, chacun rivalisant d’imagination pour attirer les curieux. Des clients qui apprécient tout particulièrement le  » deux en un « , un des concepts les plus en vogue ici, à savoir la combinaison d’un salon de coiffure extravagant spécialisé dans les coupes colorées rouge et bleu associé avec un espace qui aligne des baskets dernier cri. Ou bien encore une boutique de disques vinyles rares qui accueille des rayonnages d’objets design.

Les nuits au bord du Tage

Les boutiques du Bairro sont généralement ouvertes très tard le soir. Le labyrinthe des ruelles pavées est devenu la destination privilégiée des  » nuitards « .  » Les Trois Bergers (Tres Pastorinhos), le Tagres et le Frágil sont les trois endroits historiques du Bairro Alto, souligne Ricardo Bottino, mais le Frágil est le seul à toujours figurer parmi les clubs emblématiques de Lisbonne.  » Pas étonnant que ces quatre dernières années, par exemple, les meilleurs DJ de la scène électronique, Rainer Truby, Nigel Hayes, Fauna Flash, Phil Asher, Luomo ou encore Biggabush, s’y soient succédé. Ici, le métissage musical est roi : techno de Détroit, house, drum’n bass, breakbeat, samba, reggae.

Après le Bairro Alto, les noctambules trouvent refuge dans les night-clubs des quais de l’Alcantara, tels que le Kapital, le Kremlin ou l’Indochina, ou ceux des docks réhabilités de la marina, comme le BBC ou le Blues café, près du pont du 25 avril aux allures de Golden Gate. Les soirées les plus en vue sont généralement organisées au Lux, l’incontournable discothèque, un ancien entrepôt, lui aussi tourné vers le Tage et dirigé par le designer Manuel Reis. Un véritable temple, en fait, de la branchitude. John Malkovich en est l’un des actionnaires. Les anciens ressortissants de l’Angola, du Mozambique et du Cap-Vert préféreront le B. Leza ou le Muslo : musiques africaine, caraïbe et brésilienne… l’ambiance est chaude, et les corps électriques. Reine de la nuit et princesse de tous les possibles, telle est désormais Lisbonne.

Texte : Hugues Demeude /Photos : Stéphane Gautier et Patrick Forget

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