Longtemps refuge des oubliés du rêve américain, Downtown revit et mise sur la culture, le design et l’architecture pour booster sa renommée. Et ce n’est pas du cinéma.

Pas de début, pas de fin et pas de centre-ville pour cette Cité des Anges qui n’existe que depuis deux siècles. Conçue essentiellement en fonction de la circulation automobile, les transports en commun y sont quasi inexistants. Alors on profite d’énormes boulevards comme celui de Sunset et Wilshire, et d’avenues prestigieuses comme Rodeo Drive.

Côté pile, les beaux quartiers de Los Angeles sont légion, parfois léchés par la misère des ghettos qui rendent les bourgeois méfiants : Beverly Hills, Bel Air, Pacific Palissades, l’empyrée des stars, où se dissimulent de luxueuses villas, non loin des studios Paramount au bout de Melrose Avenue. Les Rolls, Mercedes ou Jaguar circulent ici dans un véritable triangle d’or délimité par les boulevards de Santa Monica, Wilshire et Crescent Drive, et coupé par la célèbre Rodeo Drive, aux boutiques prestigieuses. Les 37 km de Sunset Boulevard longent, quant à eux, les terrains de golf du LA Country Club, les villas de luxe à Beverly et aboutissent à Malibu, la résidence balnéaire des stars et milliardaires. Aux visiteurs qui craignent de s’égarer dans ce  » groupe de banlieues déguisées en ville « , un conseil : commencez par  » Downtown « .

Downtown se repère de loin avec ses hautes tours de verre. Le vieux centre urbain s’est longtemps abandonné aux affaires et aux  » chicanos « , ces Hispaniques venus du Sud qui transformaient lentement la Californie en une industrieuse colonie mexicaine.

Notre guide Tony est consultant pour la mairie. Il pilote régulièrement des visites à partir du Bradbury Building, un immeuble de 1892 en brique marron, classé monument historique et situé au 304 S. Broadway at Third Street. Des escaliers en marbre beige, des motifs végétaux ornant les balustrades, deux ascenseurs de style victorien et un hall baigné d’une lumière qui éclaire rampes en fer forgé et lambris de bois. L’immeuble est un lieu idéal pour les décors de cinéma.  » Blade Runner (1982), un film de science-fiction avec Harrison Ford, Chinatown (1974) de Roman Polanski, The Wolf (1994) avec Jack Nicholson furent tournés ici « , explique Tony.

A quelques blocs du Bradbury se trouve le Grand Central Market, où l’on déguste d’excellents tacos. A l’origine, le Market était un  » department store « , lequel fut ensuite transformé en marché en 1917. Le passé c’était aussi la gare d’Union Station et le funiculaire, Angel Flights (le vol des Anges), conçu en 1901 sur le modèle de celui de San Francisco.  » Regardez le Barclay Hotel est toujours là et son ancien nom  » Van Nuys  » figure encore sur la façade. Le romancier Raymond Chandler l’a rendu célèbre dans Fais pas ta rosière « , affirme Tony. Dans ce quartier mythique de Broadway, on réhabilite les vieux cinémas et les théâtres de l’entre-deux-guerres et on propose aussi à la vente de nouveaux lofts sur Spring Street. 100 000 lotissements sont ainsi en construction. Beaucoup d’Angelinos reviennent vivre à Downtown, des acteurs comme Johnny Depp ou Nicolas Cage. Le revenu moyen est de 66 000 euros par an à Broadway contre 62 000 euros à Beverly Hills. Bienvenue aux lofts et aux appartements design.

Le quartier s’est remodelé à partir de la bibliothèque centrale. Erigée dans les années 1920 en style Art déco, elle a été rénovée après deux incendies. Coût : 716 millions d’euros. Bunker Hill porte des gratte-ciel bâtis selon des normes antisismiques très strictes : on remarque surtout la Gaz Company Tower (228 m) avec sur le bâtiment adjacent une gigantesque fresque murale de Frank Stella appelée Dusk. L’art se doit d’être public, c’est une volonté du maire. Les façades de verre s’écartent, un  » stabile  » d’acier rouge de Calder, une sculpture de Mir ou encore de Louise Bourgeois se découvrent au détour d’une place. Depuis les années 2000, les architectes s’en sont donnés à c£ur joie dans ce Financial district. Ainsi, le MOCA (Museum of Contemporary Art) entouré de gratte-ciel, sur Grand Avenue, est l’£uvre du Japonais Arata Isozaki. Pour le design, l’architecte se serait inspiréà des courbes de Marilyn Monroe.

Downtown possède également l’étonnant Walt Disney Concert Hall qui évoque le Guggenheim de Bilbao. Construit sur les hauteurs de Bunker Hill par le célèbre architecte Frank Gehry, le bâtiment forme une sculpture démesurée avec ses volutes d’acier.

L’avenir de Downtown ? Trois grands projets. Le LA Live, Park Fifth et Grand Avenue qui doivent contribuer à la politique de reconquête du centre-ville. LA Live coûtera 1,8 milliard d’euros, avec 520 000 m2 d’appartements, de théâtres, de restaurants et un hôtel de 54 étages. Grand Avenue, elle, frôle les 1,28 milliard d’euros. La municipalité veut y créer des espaces publics et revaloriser le patrimoine : former un  » Art District  » et créer un vrai centre-ville pour Los Angeles. Cette réhabilitation de Downtown L.A. s’accompagne d’une révolution dans les transports en commun : la Red Line relie déjà Downtown à Hollywood mais un grand projet d’extension, soutenu par le maire de Los Angeles, est prévu pour la Purple Line, de Santa Monica, via le boulevard Wilshire et Beverly Hills jusqu’à Downtown.

Los Angeles, paradis du postmodernisme

Transfigurée, LA affiche sa révolution urbaine mais aussi culturelle. La ville tentaculaire a de quoi satisfaire les passionnés d’architecture. Le BCAM (Broad Contemporary Art Museum) signé Renzo Piano et inauguré le 16 février 2008 est une extension du LACMA (Los Angeles County Museum of Arts). On y accède par des escaliers à ciel ouvert.

Le Getty Center, citadelle blanche sur les hauteurs de Brentwood, face à un immense jardin, vient, quant à lui, de fêter son dixième anniversaire. Construit par Richard Meier, il fut sans doute le musée précurseur de cette mutation culturelle. Un musée où l’on vient pour se promener dans les jardins et pour voir les plus riches collections de peinture au monde : Les Iris de Van Gogh, ou encore les toiles de Monet.

Reportage : Michèle Lasseur

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