Macaron man: rencontre avec Pierre Hermé
Vingt ans après avoir révolutionné le macaron, le parisien Pierre Hermé publie enfin le livre de référence sur sa première passion pâtissière. Rencontre et recette inédite.
Paris est fétichiste. En matière de gourmandise, tout au moins. Depuis une bonne décennie, la capitale française fait une fixette sur le macaron. L’objet du désir n’est pourtant pas du cru, loin de là. C’est à l’origine un gâteau sec d’origine italienne à base de pâte d’amandes, de blanc d’£uf et de sucre, qui a fait le tour de France depuis le xvie siècle. Dans sa version contemporaine, le macaron est dit gerbet, du nom du pâtissier parisien qui aurait eu l’idée de glisser une garniture entre deux biscuits. Aujourd’hui, c’est le Graal de tout pâtissier de son temps.
Tout a été dit et écrit sur le petit hamburger sucré. Les files d’attente interminables devant chez Ladurée, la surenchère créative entre maisons rivales, la boulimie jusqu’à l’éc£urement – de livres sur le phénomène. Au point d’en oublier parfois l’homme par qui la fringale est arrivée. Son nom n’a pas pu vous échapper : Pierre Hermé. Même au Japon et aux Etats-Unis, le » Picasso of pastry « , selon le magazine Vogue, est un demi-dieu. La révolution du macaron dans les années 1980, c’est lui. Les nouveaux parfums de macarons au rythme des saisons, la création du Jour du macaron le 20 mars de chaque année, la folie macaron à Tokyo depuis un an, toujours lui. Autant dire que les inconditionnels ont salivé à l’annonce de Macaron (*), le livre de recettes où il lève enfin le voile sur ses 68 créations emblématiques, du classique vanille à l’ébouriffant truffe noire, du méconnu ketchup-cornichon au médiatique huile d’olive.
Weekend Le Vif/L’Express : Comment avez-vous relancé la mode du macaron ?
Pierre Hermé : Sans vraiment le faire exprès, en faisant simplement mon métier de pâtissier du mieux possible. Quand je suis entré chez Lenôtre, en 1976, à l’âge de 14 ans, l’enseigne vendait en tout et pour tout quatre sortes de macarons double face : café, chocolat, vanille, framboise. Ce sont les seuls parfums qu’on trouvait sur le marché, j’en ai toujours été étonné. Une fois chez Fauchon, en 1986, en tant que chef pâtissier, je me suis amusé à créer trois nouveaux goûts : citron, pistache et rose. Ce ne fut pas un succès commercial, loin de là. Malgré tout, je me suis rendu compte que le macaron était un superbe support d’expression et je n’ai depuis jamais cessé de chercher de nouvelles associations : litchi, rose et framboise, puis chocolat blanc et huile d’olive… A ce moment-là, de nombreux pâtissiers sont entrés dans cette course à la création et le public parisien a suivi.
Racontez-nous la courte vie d’un macaron signé Pierre Hermé…
Elle commence sur une page blanche. Je dessine toujours le macaron que j’imagine en indiquant ses accords de goûts, ses couleurs, ses textures. Je confie ensuite le croquis à ma pâtissière responsable des essais, puis je goûte et je rectifie si besoin est. Si je suis convaincu, on lance sa confection dans notre atelier de la rue de Vaugirard, selon un processus immuable : la fabrication des coques à base de poudre d’amandes de Valence, de meringue italienne et de sucre glace d’un côté ; la fabrication de la garniture, le plus souvent une ganache aromatisée, de l’autre, puis l’assemblage. Ensuite, on le laisse reposer au minimum vingt-quatre heures au réfrigérateur. C’est pendant ce laps de temps qu’opère l’alchimie du macaron, cette fameuse osmose pendant laquelle la ganache diffuse son moelleux et ses parfums au biscuit. Il est enfin prêt à être dégusté dans nos boutiques.
Les macarons ont la réputation d’être impossibles à faire à la maison. Pourquoi un livre de recettes ?
Contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas si compliqué. C’est même un jeu d’enfant. La preuve, j’ai proposé à la fille de ma femme Barbara, qui a 10 ans, de réaliser ma recette de macaron au chocolat. A l’arrivée, ils étaient excellents ! Tout le monde peut y arriver, à condition d’avoir un peu de patience et de minutie… Pour ne pas complexer les amateurs, je tenais à faire un ouvrage à la fois beau, avec des photos et un stylisme contemporains, complet – je dévoile pratiquement toutes mes créations ! – mais aussi et surtout très pédagogique. Les recettes sont ainsi accompagnées de nombreux conseils et de photos » pas-à-pas « .
Vos macarons sont-ils meilleurs que les autres ?
Je n’ai pas cette prétention. En revanche, je pense qu’ils sont uniques, qu’ils ont leur propre personnalité. Ils possèdent des goûts francs, une garniture généreuse, une texture légèrement craquante à l’extérieur et moelleuse à l’intérieur, mais jamais élastique. Des amateurs m’arrêtent régulièrement dans la rue pour me dire : » On adore vos macarons, ils se reconnaissent entre mille. » C’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire. Cela ne m’empêche pas d’avoir beaucoup d’estime pour certains confrères, qui font un travail différent : Jean-Paul Hévin conçoit des macarons au chocolat d’une délicatesse inouïe, et, en province, Sébastien Bouillet à Lyon, Christophe Roussel à La Baule ou Thierry Gilg à Munster font, chacun à leur manière, avancer le macaron…
Quels sont vos best-sellers ?
Honnêtement, je suis incapable de répondre, je n’ai jamais regardé les ventes de chaque macaron. Je sais simplement que le macaron représente 30 % du chiffre d’affaires de mes boutiques parisiennes et que le » infiniment vanille » et toutes les créations au chocolat ont un succès constant.
Votre année 2008 est plus que jamais placée sous le signe du macaron…
Je viens en effet d’inaugurer une nouvelle boutique, à Paris, entièrement consacrée au macaron et aux chocolats. Dans cet écrin tout en lignes pures, couleurs vives et bois nobles, on pourra retrouver les nouvelles créations : le délicieux, un macaron au wasabi frais et au pamplemousse confit qui offre un jeu subtil entre sucré, amertume et piquant. Pour Noël, il y aura également trois nouveaux macarons pure origine chocolat fabriqués avec des crus du Mexique et du Venezuela.
Y a-t-il encore des parfums de macarons qui vous font fantasmer ?
J’adore le riz au lait et j’aimerais un jour reproduire cette sensation en macaron. J’aimerais aussi explorer la finesse et la force du poivre.
Macaron, par Pierre Hermé (stylisme : Coco Jobard, photographies : Bernhard Winkelmann), éd. Agnès Viénot, 192 pages.
Carnet d’adresses en page 116.
Propos recueillis par François-Régis Gaudry
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