Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Stromae, Selah Sue, Girls In Hawaii ou Saule font partie des Belges dont la gloire résonne bien au-delà des frontières du royaume. Ils sont loin… d’être les seuls !

Vu à New York sur l’Upper West Side : un immense billboard vantant la Stella Artois. Désormais, dans les bars d’Amérique, on peut aussi consommer du Stromae, premier artiste national à faire une telle impression sur le marché nord-américain depuis Soeur Sourire, il y a un demi-siècle. Alors bien sûr, on parle davantage du Centre Bell de Montréal – vingt mille pèlerins en deux soirées de juin 2014 – que du fin fond de l’Alabama. Mais l’invraisemblable tournée suivant la sortie, à l’été 2013, de l’album Racine carrée sanctifie un succès belge à l’export sans précédent : cinq shows de Bercy à Los Angeles et un concert qui clôt 2014, le 17 décembre dernier, devant dix mille fans au PalaLottomatica de Rome. On approche les trois millions d’albums vendus d’une machine contagieuse. L’artiste fut même de la BO du dernier Hunger Games. Reconnaissance d’un personnage qui modélise des chansons formidablement radiophoniques, portées au-delà des limites géographiques de la langue française, par un travail détonant sur l’image. Via un physique de beau-fils idéal légèrement déviant, champion de la médiatisation virale.

Au moment où Stromae annonce d’autres dates US en 2015, notamment un prestigieux show au Madison Square de New York en octobre, Selah Sue s’apprête à lancer son second album, Reason, début mars. La louvaniste de 25 ans aux mélopées funky-reggae joue, elle, d’un registre inverse à celui de Paul Van Haver : une variété anglo-saxonne dont la belgitude semble absente. Résultat : 300 000 pièces vendues en France, de l’or en Pologne et du platine aux Pays-Bas, plus un intérêt Outre-Atlantique pour celle dont on dit qu’elle sera bientôt visitée par Prince. Discographiquement parlant s’entend. Une pub avec sa voix pour Häagen-Dazs, reprise d’un titre du bluesman ancestral Willie Dixon, portant aussi la bonne parole de Selah sur la planète. Si ces deux artistes dissemblables franchissent les étroites frontières du royaume, c’est aussi grâce à un soutien décisif de leur label – Universal pour le Bruxellois, Because Music/Warner pour la jeune flamande. Sans cela, les possibilités de toucher le public mainstream restent vraiment minces. La vraie nouveauté est que l’export du rock belge – au sens très large – provoque l’un ou l’autre phénomène massif et concerne d’autres musiques a priori moins commerciales. Ainsi Girls In Hawaii, revenu en début d’année via l’album Everest, a donné en 2014 des dizaines de concerts de la Chine à la Hongrie, visitant des festivals importants tels que les Paléo et Montreux suisses, remplissant un Olympia parisien et repartant même à l’automne pour une seconde tournée en version acoustique.

Moins connu du côté francophone : l’anversois Milow, folk-rockeux ayant vendu plus d’un million d’albums en Europe et provoqué en 2009 un véritable ouragan via sa reprise d’Ayo Technology de 50 Cent, 52 millions de vues sur Internet. Ces jours-ci, il remplit des salles de 1 000 à 2 500 places dans une demi-douzaine de pays européens… En attendant l’exportation méritée de formations telles que BRNS, The Feather ou La Chiva Gantiva, l’arme surprise pourrait bien être celle du duo. Deux beaux exemples : Ozark Henry réenregistrant sa chanson We Are Incurable Romantics avec la star italienne Elisa, triomphant aux Arènes de Vérone l’été dernier et chatouillant les charts transalpins. Et puis Saule, en compagnie de Charlie Winston, décrochant dans la même Italie un disque d’or pour l’irrésistible Dusty Men. Si le rock noir-jaune-rouge est tendance à l’international 2015, il le doit à des talents individuels plutôt qu’à un style générique, la Belgian Touch étant forcément plurielle.

PHILIPPE CORNET

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