Rachel Khoo a troqué une carrière dans la mode, à Londres, pour celle de cuisinière volante, partout dans le monde. Établie à Paris, elle tient chez elle une petite table stylée qui charme la scène foodie.

Un menu Est-Ouest, un soir, à Berlin, pour l’anniversaire de la chute du Mur ? Elle l’a fait. Un dîner inspiré de tapisseries victoriennes dans un musée de Melbourne ? Aussi. Des épaulettes en pâte feuilletée et des Pacman à croquer pour habiller une fête eighties à New York ? Idem. Rachel Khoo, cuisinière hyperactive, au passeport britannique mais au c£ur parisien, semble n’avoir peur de rien. Ni du défi ni de la distance. Mais elle n’est pas que cette globe- croqueuse qui donne le tournis à force de cumuler les performances culinarotrendy. Et d’enquiller les succès en librairie : Barres de céréales, muesli et granola maison, et Pâtes à tartiner, jolis petits livres parfaitement dans l’air du temps (éd. Marabout), se sont écoulés à 30 000 exemplaires. Elle est aussi – et surtout, ces temps-ci – la taulière du plus petit restaurant de Paris, The Little Paris Kitchen : son appartement de Belleville.

L’histoire démarre il y a un an, lorsque son éditeur britannique, Penguin, également celui de la cook star Jamie Oliver, lui fait signer son contrat pour un livre de 120 recettes ( The Little Paris Kitchen : parution outre-Manche en avril prochain) de  » classiques français twistés à [sa] façon « . Devant l’ampleur de la tâche et la perspective des inéluctables kilos à venir, miss Khoo a l’idée ingénieuse de faire goûter ses recettes, chez elle. À n’importe qui. Ou plutôt, à deux convives à la fois, qui réservent par e-mail leur table pour le déjeuner.  » J’ai pensé que ce serait une manière interactive de tester mes recettes sur des hôtes curieux et passionnés comme moi.  » Son carnet de réservations est désormais plein jusqu’à cinq semaines à l’avance. Et pour cause : ses cobayes consentants sont soignés aux petits oignons. Rachel Khoo est un bijou de jeune femme. Genre de Minnie Mouse charmante, à l’accent ultra-Brit, bouche cerise et robe fifties. Elle reçoit dans un studio à la cuisine aussi mini que la déco est mimi, où l’on passe directement à table, faute de place, tout en discutant avec une maîtresse de maison affairée autour de deux feux et d’un four de poupée. On ne verra rien de la mise en place qui la fait lever de si bon matin, la miss étant du genre à fabriquer elle-même son fromage frais avec la présure qu’elle trouve à la pharmacie.

L’air de rien, elle prépare sans effort apparent des totems frenchies qu’elle arrange façon Khoo. Le coq au vin est zesté d’orange, le poulet rôti se parfume de lavande et de citron, le pot-au-feu de la veille est effiloché et servi dans une tortilla façon fajitas, le b£uf en croûte est habillé de pâte filo. Au rayon desserts, elle assure. À la voir assembler un délicat mille-feuille à la compote de pommes-calvados et graines de carvi ou manier la poche à douille pour garnir son paris-brest, on se dit soudain que cette fille-là est une pro.  » Pas vraiment, répond-elle en rigolant. Je ne suis pas chef, je suis cuisinière ! Tout ce que je fais est très home made. En revanche, en pâtisserie, là oui, j’ai un certain niveau. « 

Un père chinois de Malaisie, une mère autrichienne, tous deux passionnés de cuisine, et une enfance entre Angleterre et Allemagne lui donnent le goût de l’ailleurs. Formée au graphisme et à l’illustration, elle choisit d’abord la mode, pour tout plaquer il y a six ans. Elle débarque alors à Paris, étudie à l’école du Cordon bleu, avec spécialisation en pâtisserie, et fréquente assidûment les restaurants.  » J’ai beaucoup observé et, je l’espère, pas trop mal digéré le travail des chefs qui me plaisent.  » Ses préférés ?  » Ceux qui savent faire simple, beau et bon, sans copier personne ni chercher à être trop manifestement créatifs  » : Le Baratin, de Raquel Carena ; le Frenchie, de Grégory Marchand ou encore Le Grain de riz, cantine vietnamienne format confetti,  » authentique et familiale « . Rêve-t-elle du jour où elle aura son bistrot à elle ?  » Pas encore. J’ai la bougeotte, je cuisine pour 80 personnes à Buenos Aires la semaine prochaine. C’est ma manière à moi de raconter des histoires.  » Son histoire à elle ressemble déjà à une success story, pop et gourmande.

Carnet d’adresses en page 80.

PAR ELVIRA MASSON

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