Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

On dirait qu’ils ont vu le diable dans leur assiette. Les voilà en tout cas tout retournés. Cholestérol, obésité, diabète, maladies cardiaques… autant de dangers qu’ils imaginent tapis au creux de leur salade, cachés dans le c£ur de leur cabillaud ou de leur steack (quand ils ne sont pas devenus carrément végétaliens). La menace rôde, ils croient la débusquer partout : dans les rayons des supermarchés, sur les étals des poissonniers, des bouchers, des volaillers. Sans parler des boulangers, des traiteurs et des crémiers. Bref, aujourd’hui, les consommateurs ont la trouille et ils ne savent plus à quels gourous se fier.

C’est que depuis cinquante ans, les repères alimentaires sont tout chamboulés, la cacophonie a chassé les certitudes laissant ainsi le consommateur tout déboussolé. Nombreux sont ceux d’ailleurs qui, bien qu’ils soient en parfaite santé, se précipitent chez le médecin, histoire d’y voir plus clair, d’échapper au délire organisé. Docteur, de grâce, des points de repère, des certitudes !

Manger mieux, certes, mais quoi ? Peut-on encore choisir des aliments pour leurs goûts ou parce qu’ils seraient reconnus  » sains  » ? Faut-il, dans l’un des derniers moments de délices où nous nous abandonnons avec volupté, céder au diktat du gastronomiquement correct ? Car quand se nourrir devient se soigner, le puritanisme pointe bel et bien son nez avec pour corollaire l’intolérance aux petites joies simples et gratuites du quotidien.

Un vrai danger qui guette, sans nul doute, les nouveaux toqués de la qualité, ces victimes d’un trouble du comportement alimentaire récemment épinglé par les psys et baptisé orthorexie (du grec orthos  » droit « ). Quand le souci du bien manger vire à l’obsession… On chipote, on jeûne pour mieux grignoter ou picorer. On bannit ce que l’on adorait la veille, de glouton on vire frugal, plus de ripaille, à peine encore des petites pauses douceur. Passer à table devient une vraie souffrance surtout si l’on a le malheur de déraper en avalant à la sauvette une mise en bouche ou un en-cas non autorisés.

Manger droit, filer droit ? La marge est étroite. Car manger trop sain n’est pas sain. Tout comme marcher à la baguette conduit à bien des égarements. Et même si aujourd’hui on l’a un peu oublié, le bonheur est bel et bien aussi dans l’assiette. Si on prend le temps de manger lentement, dans un cadre agréable, des produits qui ont du sens, que l’on aime d’amour car ils nourriront aussi bien notre corps que notre âme. Tout en douceur. Avec délectation. Tout simple et tout bon !

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Christine Laurent

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