Lumineuse, la Môme crève l’écran avec Les Petits Mouchoirs, de son compagnon, Guillaume Canet. Rencontre avec une actrice pleine de grâce qui ne renie pas son côté garçon manqué.

Ce matin-là, place des Vosges, à Paris, elle est méconnaissable avec sa queue-de-cheval, son tee-shirt délavé et ses ballerines d’enfant sageà Marion Cotillard en version  » vraie vie « , sans maquillage, esquivant autant qu’elle le peut l’image glamour de la star. Difficile de ne pas chavirer dans le tourbillon qui l’a happée depuis son oscar. En 2009, elle a partagé l’affiche avec Johnny Depp dans Public Enemies, de Michael Mann, a joué avec Daniel Day-Lewis et Nicole Kidman dans Nineà En juin dernier, Leonardo DiCaprio, à qui elle donne la réplique dans Inception, l’a qualifiée de  » trésor national « . Woody Allen l’a dirigée dans le très attendu Midnight in Paris (sortie en 2011) et David Cronenberg la veut pour son prochain film, au côté de Colin Farrellà  » C’est merveilleux, mais je garde les pieds sur terre !  » dit-elle en croquant dans une meringue. Mais quand Marion Cotillard parle des Petits Mouchoirs, le nouveau film de son compagnon, Guillaume Canet, les mots coulent à flots.

Vous avez rencontré Guillaume Canet en 2003, sur le tournage de Jeux d’enfants. Aujourd’hui, vous jouez dans Les Petits Mouchoirs, le plus personnel de ses longs-métragesà Comment ce projet est-il né ?

Ça faisait longtemps que Guillaume voulait faire un film sur une bande de potes, explorer la dynamique qui se crée dans un groupe, parler d’une génération de gens entre 30 et 40 ans, aussi stables que paumés. Pendant les vacances, ces copains lèvent leurs  » petits mouchoirs  » : ces secrets qui font que, parfois, on se ment à soi-même et à ses proches. Guillaume a situé l’action au Cap-Ferret. C’est un endroit où il va depuis treize ans et où il a pris les décisions les plus importantes de sa vie. Un lieu qui m’est aussi très cher. Ce film est en partie autobiographique : pour créer une galerie de personnages authentiques, il a choisi des comédiens qui sont ses amis dans la vie, comme François Cluzet ou Jean Dujardin, avec qui il était à la maternelle ! Nous nous connaissons tous depuis longtemps.

Quelle était l’atmosphère pendant le tournage ?

Drôle, touchanteà Un étrange mélange de fiction et de réalité. Pour ce film, il ne suffisait pas de se glisser dans la peau d’un personnage, il fallait aussi entrer dans celle des autres, car un groupe forme un tout, une sorte de magma. Avant le tournage, nous avons passé une semaine au Cap-Ferret, dans la maison qui sert de décor au film. Nous étions collés les uns aux autres, nuit et jour, pour répéter, mais surtout pour  » vivre  » avec nos personnages et leur donner un passé commun. Le scénario était très structuré, mais pas figé : Guillaume a gardé les répliques des uns et des autres. Le tournage a duré deux mois. C’était un peu comme être sur les planches d’un théâtre où chaque petit accident devient magique, surprenant.

Vous incarnez Marie, une ethnologue célibataire, secrète et introvertie, qui se chercheà

C’est une fille pleine de contradictions, comme moi. Elle est très proche du groupe, mais c’est aussi un électron libre. Elle part six mois par an pour étudier l’humain à des milliers de kilomètres, mais elle est incapable de faire face à son désastre intérieur. Marie a peur, elle fuit. Elle est volage, collectionne les amants et les maîtresses. Tout le monde le sait, mais il ne faut surtout pas en parler ! Elle a du mal à s’engager, à s’assumer. À franchir le pas. Ces vacances vont l’obliger à grandir.

Jouer sous la direction de votre compagnon, c’est difficile ?

C’est formidable ! Derrière la caméra, Guillaume est très perfectionniste, mais il est en empathie avec ses comédiens. J’ai travaillé avec des metteurs en scène qui avaient tellement de mal à exprimer ce qu’ils attendaient et à me guider dans le jeu, que j’aurais préféré qu’ils ne me disent rien. Guillaume a le don de trouver les mots justes pour vous connecter à votre personnage. J’ai rarement eu autant de facilité à atteindre de telles émotions au cinéma ! Il ne m’a jamais accordé plus d’attention qu’aux autres. Il s’agit d’un film choral, il n’y a pas de premier rôle : pour jouer le jeu, il fallait faire partie de la bande.

Êtes-vous un animal de groupe ou une solitaire ?

Les deux. À 18 ans j’avais ma tribu, mais mes relations au sein d’un groupe ont toujours été compliquées. J’entretenais des liens très forts avec deux ou trois personnes, mais je ne me lâchais pas vraiment avec les autres. Quelques membres de cette bande sont toujours parmi mes meilleurs amis. Mais ma vie a tellement changé ces dernières annéesà Je passe peu de temps à Paris et je ne suis pas du tout e-mail, Facebook et tous ces trucs-làà Du coup, le lien avec mes copains est parfois mis en stand-by, mais jamais coupé. J’ai l’impression d’avoir plein de choses à rattraper : je n’ai toujours pas vu le bébé d’une de mes plus chères amies et je m’en veux.

Vous n’êtes pas maquillée, vous vous montrez sans artifices et on ressent une part masculine en vousà

J’ai un côté garçon manqué très fort : c’est sans doute parce que j’étais toujours fourrée avec mes frères. En dehors de l’écran, je m’habille sans frou-frou, j’aime le franc-parler. Notre métier est plein de pièges. C’est pour cela que j’aspire à l’essentiel, à la simplicité. Je suis loin d’avoir trouvé la plénitude, mais quand je vois des photos de moi il y a dix ans j’ai du mal à me reconnaître : j’étais tellement maquillée, pomponnéeà J’ai changé : je n’ai plus besoin de jouer un personnage dans la vie.

Depuis La Môme, vous multipliez les aventures musicales : de Franz Ferdinand à Yodelice, alias Maxim Nucci, avec qui vous avez chanté et joué de la basse, à l’Olympia, en mars dernierà

J’ai toujours rêvé de faire partie d’un groupe et Maxim, un ami depuis dix ans, m’a fait le sublime cadeau de m’inviter à intégrer le sien. Au départ, il m’a appelée pour faire les ch£urs sur son nouvel album, mais nous avons fini par faire un duo. Puis il m’a demandé de participer à sa tournée : pour qu’on ne me reconnaisse pas, je suis montée sur scène avec un chapeau et un costume d’homme, sous le pseudo de Simone, le prénom de ma grand-mère qui rêvait d’une carrière de chanteuse ! J’ai toujours joué de la guitare, mal, en autodidacte, mais avec passion. Maxim m’a poussée à apprendre la basse, mon instrument préféré. Je passe mon temps libre à m’entraîner et je commence les répétitions pour la prochaine tournée de Yodelice.

Vous avez le rôle principal dans Midnight in Paris, de Woody Allen, aux côtés d’Owen Wilson, de Kathy Bates, de Carla Bruni-Sarkozyà

C’est l’histoire d’une famille américaine qui se rend à Paris dans les années 1920à d’un jeune couple marié qui se découvre moins heureux que prévuà Je ne peux pas en dire plusà Sauf sur ma rencontre avec ce cinéaste extraordinaire, tellement brillant. Il a le pouvoir de transformer les comédiennes, de les rendre  » woody-alleniennes  » : il a choisi mes vêtements – souvent des costumes masculins – mon maquillage, mes coiffures, m’a fait changer de dégaine, d’accentà Et il m’a fait hurler de rire ! Il n’y a que lui pour inventer des phrases comme :  » J’aimerais terminer sur un message d’espoir. Je n’en ai pas. En échange, est-ce que deux messages de désespoir vous iraient ? « 

Avec le recul, que retenez-vous de ces trois dernières années, de ce succès foudroyant ? Et quels sont vos projets ?

Je ne peux pas être plus comblée que je ne le suis. Je suis toujours cette petite fille qui rêvait d’être actrice à Hollywood, qui se nourrissait de cinéma américainà Et il y a une multitude de cinéastes français avec qui j’aimerais travailler. En attendant, je suis dans tous mes états à l’idée de rencontrer Cronenberg, qui m’a fait parvenir le scénario de son prochain film. Rien n’est encore signé, mais j’en rêve : c’est mon réalisateur culte.

Par Paola Genone

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